L'obsession anti-inflation de la BCE remise en cause par les monétaristes américains<!-- --> | Atlantico.fr
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Les décisions de hausse des taux la BCE ont été le point de départ de la récession.
Les décisions de hausse des taux la BCE ont été le point de départ de la récession.
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PIB nominal

Le cycle de récession vers lequel tend l'Europe semble bien avoir été déclenché par les hausses de taux décidées par la BCE au printemps et à l'été derniers. Pourquoi un tel aveuglement européen aux risques que ces décisions génèrent pour la croissance alors qu'aux États-Unis, les tenants de la même idéologie monétariste commencent à mettre au même niveau la lutte contre l'inflation et le soutien de la demande et donc de l'emploi ?

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Au cours du mois d’avril 2011, la banque centrale européenne, par le biais de son président Jean-Claude Trichet, relevait les taux directeurs de 25 points de base. Cette hausse, aussi faible soit elle, envoyait un message clair au marché : la politique monétaire ne tolérera pas une hausse de l’inflation et se voit ainsi « contrainte » de resserrer le niveau de la demande. Que ce message datant du mois d’avril soit parfaitement corrélé à la hausse du chômage et à la contraction de l’activité, n’est pas, à proprement parler, un hasard.

Les décisions de hausse des taux la BCE ont clairement été le point de départ de la récession

La double décision du 7 avril, puis du 7 juillet, du resserrement de la demande globale et donc de la consommation et des investissements, par le biais de hausses de taux, a été le point de départ des baisses de prévisions de croissance, d’inflation et de hausse du niveau de chômage, en France et en Europe.

Ces décisions ont également sonné le regain d’inquiétude sur le niveau de dettes publiques puisque les prévisions de croissance en baisse ne permettaient pas d’améliorer les comptes nationaux. La peur occasionnée par l’orthodoxie de la politique monétaire a été d’une influence considérable sur le très net ralentissement économique déclenché depuis l'été dernier.

La demande globale -qui est la somme de toutes les demandes de biens et services au sein d'une économie- est traditionnellement la pierre angulaire de la politique monétaire. Le discours actuel laissant planer la peur de l’inflation comme justification à toutes les actions de la banque centrale omet de rappeler que la politique monétaire agit sur la demande, et non sur l’inflation. Nous avons tendance à oublier cette étape. Ainsi, la décision de la BCE du mois d’avril sonnait comme un avertissement : la faible demande allait encore amoindrie.

La hausse du chômage depuis le mois d’avril n’est donc absolument pas une surprise, elle est délibérée. Les erreurs, identiques à celles de 2008, n’ont pas servi de leçon sur les effets d’une politique monétaire basée sur la stabilité des prix. Il apparaît pourtant clairement désormais que ce seul objectif de maîtrise de l’inflation n’est plus aujourd’hui le moyen d’offrir un cadre propice au développement économique. La BCE, sous Jean-Claude Trichet, elle, en a fait une fin en soi en oubliant totalement l'objectif final de toute politique économique : la croissance.

La BCE n’est certes pas responsable du niveau d’endettement des États, mais le signal envoyé aux marchés a mis le feu aux poudres.  A la fin de son mandat, Jean Claude Trichet se félicitait de son bilan, étant parvenu à faire encore mieux que la Bundesbank à son époque, en maintenant l’inflation à un niveau inférieur à 2.00%. Le fait que le chômage en Europe soit supérieur à 10% est passé au second plan.

Mario Draghi, dans son intervention du 8 décembre, prend une voie similaire, et ce, malgré le double abaissement des taux réalisés depuis son arrivée. La doctrine de la Bundesbank reste le cadre de la pensée monétaire européenne, et ce malgré l’évidence de sa défaillance actuelle.

Aux États-Unis, contrairement à la BCE, les tenants du monétarisme ont cessé de prendre la lutte contre l'inflation comme seul objectif de la politique économique

Il est à noter que le débat introduit par les « market monetarists » est aujourd’hui très vif aux Etats-Unis, sur la nature même du mandat octroyé à la banque centrale. Les soutiens à une politique basée sur la demande, et plus précisément sur le PIB nominal (c'est à dire un PIB incluant l'inflation) se font de plus en plus nombreux.

Il ne s’agit pas ici de mettre en place une politique inflationniste, mais une politique traitant de façon équivalente la stabilité des prix et le niveau de la demande, donc de l’emploi. Le travail remarquable réalisé par Scott Sumner, professeur d’économie de l’Université de Bentley, sur l’objectif de PIB nominal, prend une ampleur considérable aux Etats-Unis. Le sujet étant actuellement discuté au sein de la Réserve Fédérale américaine, et ce, notamment suite aux articles de Christina Romer, ancienne première conseillère économique de l’administration Obama (New York Times), de Paul Krugman, prix Nobel (blog du New-York Times) et Jan Hatzius, chef économiste de Goldman Sachs. Cet apport académique majeur, permettant une compréhension monétaire de la crise, est encore absente du débat européen.

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