Le Front National en tête au premier tour des régionales : le prix à payer pour enfin réveiller des corps politiques morts ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le Front National est en tête au premier tour des régionales.
Le Front National est en tête au premier tour des régionales.
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Voir Marine Le Pen prendre la tête d'une région n'est plus une fiction. Passer par la case Front national est triste et très regrettable, mais cela réveillera peut-être les partis traditionnels, qui tremblent réellement pour la première fois devant la montée de l'extrême droite.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

Voir la bio »

KO dès le premier round. Les deux adversaires sont à terre et l’arbitre vainqueur. C’est un nouveau style pour le ring politique. Les acteurs d’hier ne sont plus les compétiteurs mais les spectateurs d’un désastre qu’ils ont créé. Un peu comme les taxis parisiens sont la cause de leur propre ubérisation. Ils ont perdu mais s’estiment gagnants. Ils pavoisent, car nombre de régions passeront du rose au bleu. Mais le bleu à l’âme et aux régions, c’est le FN qui le peint sur l’échiquier politique français. Ces manipulateurs de génie ont réussi à faire penser aux Français qu’ils étaient une alternative crédible au pourrissement de la politique, alors qu’ils sont d’une incompétence aussi avérée et ne feront que remplacer ce pourrissement par un autre. D’une autre nature.

Je me réjouis de ces résultats. Sincèrement. Voir les rentiers de la politique, qui aspirent chaque zeste de bonheur, d’ambition, de liberté dont chaque Français disposait à l’origine pour les mener à la ruine, est une véritable jubilation. Si elle avait quelque chose de féminin, je pourrais presque embrasser goulument Marine Le Pen sur la bouche. Elle a accompli le rêve, voir le fantasme, que tout citoyen normalement constitué nourrissait pour son pays depuis des années. Le libérer. L’aérer. Audiard aurait dit "le disperser façon puzzle" !

Débarrasser le pays de ceux qui nous l’ont volé depuis 30 ans. Déposséder ces rentiers de la politiques, qui se sont élus détenteurs du pouvoir et du savoir, qui nous ont privé de nos libertés sous prétexte de protection, d’ambition économique sous prétexte d’économie administrée, de fierté en nous asservissant un peu plus chaque jour et refuser de nous protéger en refusant d’affronter les problèmes communautaires et sécuritaires, qui furent les germes de ces terroristes qui ont tué nos concitoyens il y a quelques jours.

Voir le spectacle pitoyable de ces joueurs pathétiques, qui ne retiennent jamais les leçons, aucunes leçons, et reproduisent les mêmes erreurs et les mêmes comédies, pourvu qu’au final, leurs postes leur soient rendus par le miracle de l’alternance, est consternant. L’honneur ne fait pas partie de leurs valeurs. Ils se moquent de savoir pourquoi ils gagnent. Ils savent que le jeu du va et vient de l’aiguille électorale, ramènera inlassablement le balancier vers eux à un moment ou à un autre. Et l’Etat, bonne mère, leur a prévu nombre de fromages pour les faire patienter dans l’entretemps. Dès lors, à quoi bon réfléchir, à quoi bon se faire mal au cerveau, à travailler à une vision ? A travailler tout court ? Le temps leur est favorable et récompense la paresse et la médiocrité.

Et tout à coup, le FN menace de mettre fin à cette "rente synchronisée à certitude institutionnelle". Ils peuvent prendre leur place et rompre ce bel équilibre. Ils viennent manger dans une écuelle qui n’offrait que deux cuillères.

Et c’est magnifique ! Je suis heureux comme jamais. Ils "pétochent", tremblent, se perdent en conjectures, sur le retrait et l’union, le combat pour la démocratie, contre 33% de la population, ces moutons égarés qui n’attendraient selon eux qu’un appel de "maman" pour rentrer au bercail. Mais non. Les "moutons" en ont assez de l’enclos et des bergers et vont s’offrir au loup afin qu’il supprime leurs geôliers. Quel qu’en soit le prix. Et les autres d’y aller de leur ressort démocratique, considérant ainsi que ces votants pour le FN seraient de dangereux despotes en puissance, aveugles au point de ne pas voir le danger que représente leur nouveau maître. Risible. Ils refusent de comprendre. Comprendre que c’est justement le propre de la démocratie d’éjecter les bactéries grâce aux anticorps, et que ce réflexe de nettoyage est au contraire tout à fait démocratique. Les électeurs n’ont pas voté sous la contrainte, mais par désespoir, et ils ne rentreront pas à la maison. Ils vont attendre qu’une offre nouvelle vienne ubériser l’ubérisateur et c’est à la société civile de l’offrir aux électeurs. Vite. Pour 2017 donc. Et alors nous aurons deux partis moribonds, qui vont devoir se réinventer, avec des hommes et surtout des femmes, nouveaux. Un FN qui restera à environ 10 ou 15%. Et une offre nouvelle qui prendra de l’ampleur, rapidement, car les électeurs sont pressés, pour une large partie, de pouvoir confier leur liberté et leur honneur à des personnes qui les méritent. Eux-mêmes ! Des citoyens. Vous. Moi.

Bien entendu, ce bonheur de la disparition des dinosaures trouve sa contrepartie dans l’avènement d’un parti sans corps. Sans chair. Sans squelette. Un parti pour qui la démocratie est une notion étrangère. Un parti de la rente aussi. De père en fille. De père en nièce. De fille en compagnon. C’est une entreprise familiale, qui se transmet entre membres d’une même famille et ignore la définition même de la démocratie. Ceux qui ne proviennent pas de la famille ne sont là que par nécessité. Une oligarchie qui en dit long sur le modèle qu’ils nous promettent. Pire, même le sentiment filial s’efface devant l’appât du gain. Ces gens ne comprennent même pas ce que la famille, le sang, la chair de la chair, signifie. Même l’amour, la reconnaissance, n’a pas sa place face à la course au pouvoir.

Au lieu de s’acharner sur le caractère soi-disant non démocratique de leur fonds de pensée, chacun des partis traditionnels aurait une meilleure utilisation de ses fonds et de son temps de parole, en faisant décrypter par un psy, au journal de 20H,  la signification profonde de ces péripéties familiales et d’expliquer au peuple français ce qu’ils peuvent espérer de personne ayant ce profil psychologique.

Ce n’est pas le programme, combinaison marketing de populisme de gauche et de mauvais sentiment d’extrême droite, ce n’est pas la xénophobie, de bon aloi dans une France, qui dénonçait les juifs il y a encore 60 ans. Une France qui ne descend dans la rue que lorsque des journalistes se font tuer, mais jamais quand des enfants se font abattre dans une école de Toulouse. Une France qui n’embauche pas, par discrimination, les bons élèves si leur adresse est dans le 93 et ne donne aucun pouvoir aux gens de couleurs. Et ne parlons pas des femmes. Absentes des organigrammes et des postes à responsabilité, pour un prix inférieur de 30% en moyenne quand elles les obtiennent. Non. C’est simplement que ces gens sont des despotes, hallucinés par l’ivresse du pouvoir, intransigeants, dictatoriaux, sans état d’âme, qui ne respectent rien, même pas leurs proches. Des chiens fous, masquant derrière les mèches blondes d’une race surement parfaite, et la jeunesse d’une partie de leur organigramme, la dureté de rapaces impitoyables, fascistes comme un Ménard, retord comme un Colard.

Ce qui est dommage, c’est le prix à payer. Le prix à payer pour se débarrasser d’un corps mort. Bien mort d’ailleurs, ce qui explique son poids. Passer par la case FN est triste et très regrettable. Bien regrettable. Mais la maladie ne touche que quelques parties du corps et l’hémorragie pourra être contenue sans dégâts irréparables. Cela suppose un rebond démocratique réel à très court terme. Une offre politique de qualité doit irriguer le pays très vite. Attali disait qu’un homme inconnu serait le prochain Président. En pensant certainement à lui. Je crois qu’il a raison, à un petit point près. Ce ne sera pas lui ! A suivre…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !