Anatomie de la hausse du chômage depuis 2012 : ces informations sur les véritables causes de la situation française qui se cachent dans le détail des chiffres<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus de 660 000 chômeurs supplémentaires sont comptabilisés depuis le mois de mai 2012.
Plus de 660 000 chômeurs supplémentaires sont comptabilisés depuis le mois de mai 2012.
©Reuters

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Si François Hollande n’est toujours pas parvenu à inverser la courbe du chômage, puisque plus de 660 000 chômeurs supplémentaires sont comptabilisés depuis le mois de mai 2012, l’évolution de la structure démographique française permet de mieux appréhender le phénomène en cours.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir, la hausse continue du nombre de chômeurs a placé le pays dans la position du cancre européen. Pourtant, les dynamiques sous-jacentes à la formation de cette hausse du chômage sont encore trop soumises à des à priori. Car si celle-ci est généralement associée à la destruction d’emplois, le détail des chiffres révèle une vision plus nuancée de la situation. Ainsi, d’autres spécificités, déconnectées du contexte économique, sont à noter. Car en l’espace de quelques années, la structure démographique de la population active française a considérablement évolué.

Selon les chiffres de la DARES, ce sont plus de 660 000 chômeurs de catégorie A supplémentaires qui sont recensées depuis l’élection de François Hollande, c’est-à-dire entre mai 2012 et octobre 2015. Selon la méthode plus restrictive utilisée par l’INSEE (selon les normes du BIT - Bureau international du travail), le nombre de chômeurs a progressé de 196 000 personnes entre le premier trimestre 2012 et le troisième trimestre 2015. Pourtant, et toujours selon les chiffres trimestriels fournis par l’INSEE, le nombre de personnes « en emploi » n’a diminué « que » de 57 000 unités sur cette même période, ce qui signifie que le facteur « destruction d’emplois » n’est pas la cause principale de la hausse du chômage en France depuis 3 ans.

En effet, en détaillant les chiffres de la population active, il apparaît que celle-ci a progressé de 139 000 personnes depuis le T1 2012. Ainsi, la poussée du chômage en France est due, pour 30% aux destructions d’emplois, et pour 70% à la hausse de la population active. Le pays se trouve tout simplement incapable d’insérer de nouvelles cohortes au sein de son économie. Ce qui est également un facteur explicatif du décrochage du taux de chômage français par rapport aux autres membres de la zone euro, puisque nombre d’entre eux ont vu leur population active décliner, ce qui a pu favoriser la baisse observée du taux de chômage dans ces pays. Mais un tel constat n’absout en rien l’exécutif, puisque la progression de la population active française est une donnée majeure à prendre en compte dans la lutte contre le chômage. Dont la conclusion est que la France a besoin d’un taux de croissance économique supérieur pour parvenir à une baisse du nombre de chômeurs.

Outre le fait que 86% de ses « nouveaux » chômeurs sont des hommes, l’évolution du nombre de sans- emploi fait apparaître que la classe d’âge la plus touchée est celle des 50-64 ans. En effet, sur les 196 000 nouveaux chômeurs, 92 000 ont un âge compris entre 50 et 64 ans, soit 46% du total. Et ce, alors même que cette classe d’âge ne représente que 27% du total de la population active. Ce qui serait le signe, à priori, d’une « seniorophobie » de la part des employeurs. Mais cette explication est également insatisfaisante, car l’élévation du taux de chômage des seniors découle bien plus du glissement démographique à l’œuvre dans le pays.

Répartition de la Population active par classe d’âge. En %. Source INSEE

En effet, le phénomène général de vieillissement de la population induit que la part des 50-64 ans dans le marché de l’emploi prend une place de plus en plus importante, et produit un effet de « rattrapage » du taux de chômage des 50-64 ans vers le moyenne, car celui-ci est encore très inférieur au taux général. La réalité est qu’une génération de seniors à faible intensité de participation à la vie active sort peu et à peu des statistiques, pour être remplacée, année après année, par une génération à plus forte intensité de représentation à la vie active. Mécaniquement, le nombre de seniors chômeurs progresse.

Et cette transformation se vérifie bien à travers l’observation de la population active, car si la cohorte des 25-49 ans diminue de 311 000 personnes depuis 2012, celle des plus de 50 ans progresse de 570 000. Ainsi, en l’espace de seulement trois années, le taux de participation à la vie active des plus de 50-64 ans a progressé d’un niveau de 60.2% à 64.3%, entraînant également une hausse du chômage de cette classe d’âge, de 4% à 4.7% et une hausse du taux d’emploi, de 56.2% à 59.7% (et une spectaculaire hausse du taux d’emploi des 55-64 ans de 43.5 à 48.8%). Le phénomène de la hausse du chômage des seniors découle donc bien plus d’une homogénéisation du marché de l’emploi que d’un quelconque racisme générationnel. Indice supplémentaire; la féminisation de la population active poursuit son chemin, avec 48.12% de femmes contre 47.78% 3 ans auparavant ; l’ancien clivage de genre est en voie d’extinction.

A l’inverse, et malgré l’autosatisfaction gouvernementale au sujet du chômage des jeunes, il apparaît que la population des 15-24 ans ayant un emploi a baissé de 150 000 personnes depuis le premier trimestre 2012, soit une baisse de près de 7%. Ce qui n’a pas empêché une hausse de plus de 2 points du chômage des jeunes :

Evolution du taux de chômage par classe d’âge. INSEE

http://www.atlantico.fr/sites/atlantico.fr/files/u78756/2015/12/graph_2_nicolas_g.jpg

Ce qui apparaît au travers de ces chiffres, au-delà d’une crise économique interminable, c’est la disparition progressive, au sein des statistiques, de générations n’ayant jamais connu le chômage. Parce que le chômage de masse, en France, s’est progressivement installé depuis le premier choc pétrolier, il y a 40 ans, et les générations du chômage pour tous ont définitivement pris le relai.

Cependant, il existe quand même une bonne nouvelle. Car entre le premier et le troisième trimestre 2015, les créations d’emplois ont repris en France, marquant une progression de la population « en emploi » de 34 000 personnes. Mais ce rythme est toujours insuffisant pour absorber la progression de la population active, qui atteint pour sa part 116 000 personnes. Le solde obtenu entre ces deux variables correspond alors à la hausse du nombre de chômeurs, soit 89 000 personnes au sens du BIT. Mais ce qui a changé en France au cours des 6 derniers mois, c’est que la hausse du chômage est la conséquence intégrale de la hausse de la population active, et non plus des destructions d’emplois. Contrairement à la France, d’autres pays, comme l’Allemagne, subissent un déclin de leur population active, ce qui leur permet d’afficher une baisse de leur taux de chômage tout en ne créant pas plus d’emplois. Il serait hasardeux de prendre exemple sur un modèle subissant les pressions inverses auxquelles la France doit faire face.

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