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Régionales : comment les attentats de Paris ont permis à Claude Bartolone de verser dans une communication confondant les casquettes
©Reuters

Tous les moyens sont bons

Alors que l'unité nationale post-attentats ont mis les campagnes pour les régionales en sourdine, certains candidats ont pu profiter de leurs positions pour continuer à s'exprimer.

Claude Bartolone participait  lundi à l’inauguration de la Cop 21, aux côtés de Laurent Fabius et d’Anne Hidalgo. S’il fallait en douter, la vie politique reprend bel et bien ses droits. Fort de sa position statutaire de président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone peut bénéficier de cette fenêtre médiatique pour disséminer quelques éléments de langage liés à la campagne francilienne. Depuis les attentats de Paris, il est omniprésent, et loin de pâtir de la séquence de l’unité nationale, il entend au contraire tirer parti de sa fonction à l’Assemblée nationale pour donner un nouveau souffle à sa campagne. Sa stratégie communicationnelle, marquée du sceau d’une confusion statutaire certaine, a été redéfinie par les attentats ; or cela ne va pas sans poser quelques problèmes sur le plan éthique et moral.

Lorsque l’unité nationale est décrétée, il est de bon ton d’appréhender les stratégies et la communication des acteurs politiques à l’aune d’une seule et unique finalité : l’intérêt général et le respect du deuil. Dans une période de crise, être dissonant ou vouloir instrumentaliser les drames à des fins de communication politique, c’est prendre le risque de s’exposer aux critiques des individus. Pour autant, force est de constater qu’une approche duale n’appréhende pas avec suffisamment d’efficience et d’acuité les stratégies des différents acteurs. C’est dans un entre-deux, dans une sorte de zone grise communicationnelle, que certains sont enclins à évoluer. Claude Bartolone, dont les interventions médiatiques depuis le 13 novembre sont nombreuses, et sans commune mesure avec celles de ces opposants, a pris le parti de se positionner dans cette zone au risque d’apparaitre comme un pêcheur en eau trouble.

S’il fallait encore en douter, une suspension de campagne est un concept très subjectif, aux contours labiles et où l’ambiguïté semble prévaloir. N’étant pas codifiée, elle relève d’une certaine confusion, qui permet de facto à certains acteurs d’adopter une posture quelque peu atypique et singulière. Depuis les attentats, Claude Bartolone n’a jamais fait autant de plateaux de télévision, notamment sur les chaînes d’information en continu. Par exemple, il a fait toutes les matinales depuis les attentats. Pour rendre raison de ce tropisme  médiatique c’est sa qualité de Président de l’Assemblée nationale qui est mise en avant. Sans remettre en cause les intentions de Claude Bartolone, on constatera que Gérard Larcher, Président du Sénat, n’a pas bénéficié d’une présence médiatique équivalente. Or, dans l’ordre protocolaire le Président du Sénat, passe devant celui de l’Assemblée nationale. Ce qui peut paraître à première vue totalement insignifiant, n’en constitue pas moins un signal faible des stratégies communicationnelles mises en place par certains acteurs politiques.   

Pour Claude Bartolone, les événements ont certes introduit une discontinuité communicationnelle, mais cette dernière loin de le conduire à une forme d’ascèse médiatique, a au contraire agi comme un catalyseur pour une candidature pour le moins moribonde. S’il fallait caractériser la présence médiatique de Claude Bartolone au cours de ces derniers jours, le qualificatif d’ubiquité conviendrait parfaitement.

S’il est pour le candidat socialiste "insupportable" de faire campagne comme "si de rien n’était" ; la course folle aux matinales, aux débats sur les chaînes d’information ne semble pas constituer un problème moral et éthique pour celui qui porte, à nouveau, la casquette de Président de l’Assemblée nationale. Alors que Valérie Pécresse depuis le 13 novembre a bénéficié d’un peu moins de vingt minutes de temps parole, le candidat-Président de l’Assemblée nationale atteint presque les 2 heures d’émissions.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait d’ailleurs, quelques jours seulement après les attentats de Paris, enjoint les candidats aux régionales à faire preuve d’une certaine retenue médiatique afin de ne pas faire voler en éclat l’équité des temps de parole. Dans un communiqué en date du 18 novembre, le CSA invitait "les médias audiovisuels à ne pas privilégier l’exposition des candidats aux élections régionales appelés à s’exprimer sur l’actualité nationale et l’internationale". Constatant une semaine plus tard que "la campagne électorale a repris sur les antennes", le Conseil a mis une nouvelle fois l’accent sur les disparités médiatiques consécutives aux attentats.

S’il s’est engagé en septembre dernier à ne plus siéger à l’Assemblée nationale, sans pour autant quitter l’hôtel de Lassay, afin d’éviter la confusion des genres et la rupture d’égalité en termes de temps de parole, les attentats ont ébranlé ses décisions et sa posture éthique.

Son omniprésence médiatique peut être également perçue comme une forme subtile de communication de crise. L’assaut du Raid en Seine-Saint-Denis a mis au jour l’existence de certaines franges régionales où le droit apparaît comme peu opérant et coercitif. Le vivre-ensemble, pierre angulaire et concept fédérateur du discours du candidat socialiste, tel qu’il a été filmé en mondiovision le 18 novembre à Saint Denis est apparu sous un aspect peu engageant et peu reluisant. La déliquescence de ce territoire, devenu au fil des ans une zone de non droit, n’est pas étrangère aux acteurs politiques qui ont, à l’instar de Claude Bartolone, présidé aux destinées du département. Remis en cause, critiqué avec virulence depuis le début de la campagne, le bilan de Claude Bartolone dans le département, a rejailli de manière paroxystique.

Confronté à une crise d’image considérable, et dans l’optique de couper court au discours alarmiste établissant une corrélation entre banlieue populaire et terrorisme, Claude Bartolone a asserté qu’ "il n’y a pas de lien entre la banlieue et ces terroristes". Mais qui a prononcé cette phrase, l’ancien président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ? Le Président de l’Assemblée nationale ? Ou le candidat socialiste ? Difficile d’y voir clair dans cette confusion identitaire et statutaire.

Se positionner sur des zones grises, où prédominent l’ambigüité et la confusion, s’avère un exercice hautement périlleux, qui expose le discours de l’acteur politique à une pluralité de menaces exogènes. La forte présence médiatique de Claude Bartolone ne peut être légitime qu’à l’unique condition que son discours soit en parfaite adéquation avec sa position dans le champ institutionnel. Si des considérations propres à d’autres champs, notamment celui partisan ou personnel, viennent parasiter ce discours, alors la légitimité de l’acteur à s’exprimer peut être remise en question.

Par-delà sa position officielle, de moins en moins légitimatrice, l’analyse du discours de Claude Bartolone ne peut faire l’économie d’une suspicion d’instrumentalisation des attentats à des fins électorales.

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