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"Peuple de gauche, réveille-toi" a lancé Valls. Ils ont été 333 à se réveiller !
©Reuters

Debout les morts

En plus c'était pas les bons. La gauche de la gauche très critique à l'égard du gouvernement.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Rome n'est plus dans Rome… La gauche n'est plus la gauche… L'appel du premier ministre à se mobiliser pour les régionales a eu un écho inattendu : le manifeste des 333. 333 personnes estampillées de gauche qui ont considéré que l'état d'urgence n'était pas de gauche (les terroristes le sont peut être…). En conséquence de quoi le gouvernement qui l'avait instauré n'était pas non plus de gauche. Pauvre Valls !

Leur manifeste est incontestablement de gauche. Il en a la tonalité indignée et une musique verbale qui ne laisse aucun doute sur son hérédité. On apprend que l'état d'urgence est liberticide avec ses perquisitions à tout va. Que les assignations à résidence portent atteinte à la démocratie. Que les pouvoirs accrus de la police ouvrent la porte à d'indicibles abominations. Le fantôme haïssable de George Bush hante la France.

Quand on est de gauche la pétition est une étape obligée sur le chemin des tourments du peuple souffrant. Elle est à la gauche ce que les Evangiles sont aux catholiques, la Torah aux juifs et le Coran aux musulmans. La droite, elle, ne pétitionne pas. Va donc savoir pourquoi. Pour ne prendre que l'histoire récente, intéressons-nous à deux pétitions célèbres : le manifeste des 121 et celui des 343 salopes.

Les 121 protestaient en 1960 contre la guerre en Algérie, appelaient à l'insoumission et se déclaraient prêts à aider le FLN dans sa lutte contre le colonialisme français. Parmi les signataires : Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Maurice Blanchot, André Breton, Claude Simon et beaucoup d'autres aussi connus qu'eux. Ce n'était pas rien. Parmi les 343 salopes qui réclamaient les droit à l'avortement et déclaraient s'être fait avorter – ce qui était puni par la loi - on pouvait relever les noms de Christiane Rochefort, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Jeanne Moreau, Marceline Loridan. Ce n'était pas rien.

Qu'on adhère ou non aux énoncés de ces deux manifestes, force est de constater que les noms des signataires étaient des grands noms de la pensée, de la littérature et du cinéma français. C'est sans doute pour ça que leurs voix ont été entendues. Et qu'aussi bien pour la guerre d'Algérie que pour l'avortement les choses ont bougé. Quittons maintenant les sommets pour descendre tout en bas à hauteur des nains. Le texte des 333 (il est disponible dans Libération) a la force d'une misérable trompette mal embouchée et les qualités d'écriture d'un devoir du brevet rédigé par un élève appliqué certes mais fondamentalement en guerre contre la langue française.

Les signataires de ce manifeste peuvent se décliner à la façon de l'Inventaire de Prévert : n'importe qui, n'importe quoi. Soyons juste : quelques uns d'entre eux sont un tout petit peu connus. Mais pas pour leur intelligence ou leur talent. Seuls deux noms m'ont paru familiers. Celui de Noel Mamère. Mais qui est Noel Mamère ? Celui de Françoise Martres, présidente du Syndicat de la Magistrature et immortalisée par le "mur des cons". Les autres, tous les autres, sont des gens simples qui pour autant n'ont pas démérité. Mon souhait n'est certainement pas de les insulter au prétexte qu'ils ne sont pas dans la lumière des projecteurs. En revanche leur sociologie et la façon qu'ils ont de se définir eux mêmes donnent à réfléchir. Il y a parmi eux un nombre considérable de retraités. Pas de quoi faire souffler un vent de jouvence sur la gauche.

Quelques uns d'entre eux, sans doute soucieux de ne rien perdre de leur glorieux passé, se disent "honoraires". Ainsi il y a un "député honoraire".  Député un jour, député toujours ? La palette est d'une infinie richesse. Nous trouvons un "chômeur militant anti raciste". Un "retraité de l'Education nationale libre penseur". Mais il y en a qui ne se retrouvent pas dans les étiquettes "anti raciste" ou "libre penseur". Ils sont "militants laïcs". Et pour que la diversité soit complète une des signataires se proclame fièrement "épicière indépendante" !

On ne les insultera pas en remarquant qu'il n'y a parmi eux aucun Sartre ou Breton, aucune Jeanne Moreau ou Simone de Beauvoir. Il s'agit d'un simple constat. Il ressemble fort à une faire part de décès. Et il n'y aucune raison de leur refuser le permis d'inhumer.

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