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Des musulmans aux Grecs, comment les Pays-Bas ont changé
de bouc-émissaires...
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Tout un fromage

Élève modèle européen, les Pays-Bas vivent la crise à leur façon. Le ressentiment monte dans la population, qui a le sentiment de devoir payer pour les autres pays.

Ariejan Korteweg

Ariejan Korteweg

Ariejan Korteweg est un journaliste néerlandais, correspondant du Volkskrant en France (pays qu’il aime profondément) depuis 2007.

De Volkskrant est un grand quotidien de qualité aux Pays-Bas.

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Les Pays-Bas sont, avec la Finlande, parmi les pays les plus rigides face aux besoins financiers des autres pays de la zone euro.

Afin de comprendre comment l’attitude d’un pays qui bénéficie de la réputation d’être plutôt ouvert, solidaire et libéral, a pu changer si profondément, il est nécessaire de regarder de plus près la récente histoire des Pays-Bas. Jusqu’à dix ans de cela, les Pays-Bas étaient probablement l’un des territoires les plus innocents d’Europe. Un pays mercantile, prospère et productif, où des gens de tous les coins du monde semblaient avoir trouvé une façon de vivre ensemble le mieux possible. C’était une idylle superficielle, peut-être, mais quand-même, cela avait l’air plutôt agréable d'y vivre.

Et puis, les Pays-Bas ont connu leur propre 11 Septembre. D’abord en 2002 avec l’assassinat du premier homme politique qui a osé dire que cette idylle, n’etait en fait qu’une apparence. Qu’en realité, sous la surface, il y avait des tensions. Que le projet multiculturel n’était pas la grande réussite que l’on imaginait. Son nom était Pim Fortuyn, un ovni dans le monde politique. Il a été tué quelques jours avant qu’il puisse être élu comme Premier ministre. À l’époque on disait : heureusement, que l’assassin n’était pas marocain.

Deux ans plus tard le cinéaste et militant Theo van Gogh est abattu dans un parc à Amsterdam, d’un couteau dans le cœur. Cette fois l’assassin était un musulman fondamentaliste.

Un pays renfermé sur lui-même 

Après ces deux attentats, les Pays-Bas sont devenus un pays stressé, méfiant.Geert Wilders, ancien parlementaire libéral et fondateur d'un parti d’extrême droite, le PVV, s’est proclamé successeur de Pim Fortuyn. Plus dur, plus méchant, plus islamophobe et surtout beaucoup moins drôle que le dandy homosexuel qu’etait Fortuyn.

Désormais l’égocentrisme est considéré comme une vertu nationale. Les Pays-Bas sont devenus un pays qui dit non a l’Europe, un pays renfermé sur lui-même.

En parallèle, sur le plan économique, les Pays-Bas sont parmi les meilleurs élèves de l’Europe. Même en pleine crise, nous continuons de prospérer. Nous sommes moins endettés, avec moins de chômage et une croissance supérieure à celle de presque tous nos autres partenaires. Tous, sauf notre grand frère, l’Allemagne, avec lequel on garde des liens spéciaux.

Le gouvernement actuel est le résultat de l’histoire récente du pays : libéraux et chrétiens, soutenu par le PVV de Wilders ( le gouvernement le plus à droite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale). Malgré la prospérité relative, ce gouvernement mène une politique d’austérité beaucoup plus sévère que celle de la France, pays pourtant plus faible sur le plan économique. Nous diminuons les dépenses partout : transports en commun, culture, santé, éducation. L’armée est même en train de vendre ses chars.

Le poids de la tradition calviniste

Ces efforts sont soutenus par la majorité de la population. C’est la tradition calviniste des Hollandais qui les amène à accepter assez facilement de se serrer la ceinture et de travailler plus longtemps.

C’est avec cette même attitude que les Néerlandais regardent désormais autour d’eux, et découvrent que les Grecs, les Portugais, les Italiens, peut-être même les Français (comme on dit aux Pays-Bas : tous les mangeurs d’ail) sont en train de dépenser l’argent que nous, les Hollandais, avons gagné. Quatorze milliards d’euros en plus pour soutenir les pays en difficulté, c’est ce que l’on a chiffré au début de ce mois-ci. Ce n’est pas mal pour un tout petit pays...

En gaspillant cet argent, on maltraite aussi les valeurs qui nous tiennent à cœur aux Pays-Bas : être responsable, vigilant et entreprenant. Et surtout : savoir faire des économies. Nous nous considérons comme la fourmi qui est obligée, malgré elle, de soutenir la cigale.

Les Grecs ont donc succédé aux musulmans comme bouc émissaire préférés des Néerlandais. 40% de la population veut sortir de la zone euro, et retourner à l'ancienne monnaie, le gulden. Les Pays-Bas deviennent ainsi un pays encore un peu plus renfermé sur lui-même.

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