Le yuan débarque sur la scène des monnaies internationales et nous allons le sentir passer<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le FMI a fait du yuan une monnaie internationale.
Le FMI a fait du yuan une monnaie internationale.
©Reuters

Bretton Woods, c’est fini

Lundi 30 novembre, le FMI a fait du yuan une monnaie internationale, accordant à la Chine un privilège demandé depuis 2009. Loin d'être sans conséquences, ce choix pourrait revoir drastiquement l'équilibre monétaire mondial et enterrer Bretton Woods.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »

Atlantico : Ce lundi 30 novembre, le FMI intronisait le Yuan en tant que monnaie internationale. Concrètement quelles sont les conséquences auxquelles il faut s'attendre ? Selon la façon dont le yuan sera intronisé, les conséquences seront-elles les mêmes ?

Michel Ruimy : Quelques rappels pour commencer. Jusqu’au 30 novembre, un panier de quatre devises composait les Droits de Tirage Spéciaux, instrument monétaire du Fonds Monétaire International (FMI). Cette monnaie sert notamment à calculer les taux d'intérêt sur les prêts que cette institution accorde. La composition de ce panier est généralement revue tous les cinq ans par le Conseil d’administration, ou plus tôt si le FMI est d’avis qu’un changement de circonstances le justifie, pour veiller à ce que la pondération des monnaies rende bien compte de leur importance relative dans les échanges et les systèmes financiers internationaux. La dernière modification remonte à 2000 lorsque l'euro avait remplacé le franc et le deutsche mark.

Depuis lundi, le yuan renminbi, en intégrant l’unité de compte du FMI, a fait son entrée dans le club très fermé des principales monnaies de réserve internationale.Ainsi, deux des principales conditions à l'inclusion du yuan au sein des DTS ont ainsi été jugées acquises par le FMI : que cette monnaie soit « plus largement utilisé » dans les transactions internationales (il ne représente, pour l'instant, que 3% du montant des opérations) et qu'il soit « librement utilisable ». Ce dernier point n’est toutefois pas synonyme de totale convertibilité puisque la Chine exerce un contrôle des capitaux et que sa monnaie est encore ancrée au dollar. 

La monnaie chinoise est désormais l'égal des grandes devises mondiales. C’est une ambition que la Chine cultivait depuis des années. Selon la Directrice générale du FMI, Christine Lagarde, son intégration devrait « créer un système monétaire et financier international plus solide qui, en retour, soutiendra lui-même la croissance et la stabilité de la Chine et de l'économie mondiale ».

Depuis de nombreuses années, la Chine cherche à internationaliser sa monnaie. Dans quelle mesure cette intronisation consacre-t-elle la stratégie de Pékin ? Quel poids diplomatique faut-il accorder à la symbolique ?

L’entrée du yuan dans la composition du DTS revêt une grande importance géopolitique.

Alors que des doutes persistent sur la vigueur de la croissance chinoise censée tirer la croissance mondiale, il s'agit, pour Pékin, d’une réussite politique majeure.En effet, en 2009, le Gouverneur de la Banque populaire de Chine a appelé à une réforme du système mondial des réservesau motif que les fortes fluctuations du dollar obligeaient à donner plus de confiance et de stabilité à l’économie mondiale. En 2013, l’agence de presse chinoise, Xinhua, a lancé une polémique sur la « désaméricanisation » du monde : comment est-il possible que, malgré la baisse de la part du dollar dans la composition des réserves de change des banques centrales au cours des 15 dernières années, les droits de vote des États-Unis n’aient pas été modifiées un minimum ? En mars 2015, le Premier ministre de la Chine a demandé au FMI, l’ouverture de discussions sur l’incorporation du yuan dans les DTS.

Mais la question est de savoir quelle place, pour la Chine et son économie, les Américains sont-ils prêts à accepter ? En autorisant la monnaie chinoise à rentrer dans les DTS, ils reconnaissent implicitement l'importance de l'économie chinoise. La question est pourquoi ? Et, en particulier, pourquoi maintenant ?

Il est probable que la diplomatie américaine souhaite fissurer le rapprochement entre la Chine et la Russie. Le point commun de cette proximité avec le passé est uniquement une commune opposition aux États-Unis et à leurs alliés. Car cette « promiscuité » traduit plus une analyse du monde actuel qui révèle d’abord leurs intérêts communs, tant économiques que stratégiques. Depuis le milieu des années 1990, ces deux pays n’ont de cesse de réclamer un ordre international plus « juste » c'est-à-dire, selon eux, moins soumis à la volonté des Américains et des Européens.

L'intégration du yuan pourrait, par ailleurs, être mal accueillie au Congrès américain, en pleine campagne présidentielle, qui refuse obstinément de ratifier la réforme du FMI, votée en 2010, visant à donner plus de poids en son sein aux grands pays émergents comme la Chine.

En intégrant le "panier des devises", le Yuan se rapproche-t-il de l'euro ou du dollar ? A-t-il ce qu'il faut pour faire le poids ?

Les DTS sont une monnaie « artificielle » créée par le FMIpermettant à ses membres de compléter leurs réserves de banques centrales existantes (or, devises et créances sur le FMI). À leur début, ils étaient calculés sur la base d’une valeur équivalente à 0,9 gramme d’or.Cependant, une fois que le Président des États-Unis Nixon eût mis fin aux accords de Bretton Woods, au début des années 1970, ils furent calculés sur la base d’un panier de devises. Aujourd’hui, ce panier est composé à 45% en dollar, 29% en euro, 15% en yen et 11% en livre sterling.

La décision récente du FMI n'entrera pas en vigueur avant neuf mois, le temps d'inclure concrètement la monnaie chinoise dans son unité de réserve. La nouvelle pondération résultant de l'inclusion d'une 5èmemonnaie dans le panier composant les DTS n'a pas été précisée, mais elle pourrait se situer entre 10 et 16%, un poids supérieur au yen et à la livre sterling. Quelles en seront les conséquences ?On peut envisager une reconnaissance des réserves accumulées en yuan par le FMI, une émission significative d’obligations et une ouverture sensible de comptes bancaires en yuans. De surcroît, la diminution des frais de transaction développera l’expansion des entreprises chinoises outre-mer. Dans ce contexte, la hausse du cours du yuan sera vraisemblablement imparable.

Que peut-on dire de la crise que la Chine a récemment traversé ? Cela a-t-il eu un impact dans la décision d'accorder (ou non) cette intronisation au Yuan ?

Beaucoup de choses sont à dire sur les dernières évolutions de la conjoncture économique chinoise. Tout et leur contraire. Certaines analyses relativisent cette situation et le risque de relance d’une « guerre des monnaies ». Faut-il croire, pour autant, la Chine, qui veut faire du yuan une monnaie internationale et renforcer la confiance des investisseurs, lorsqu’elle annonce qu’elle n’a pas l’intention de procéder à d’autres dévaluations ?Pour d’autres, la Chine serait un facteur de risque majeur pour l’économie mondiale.Le krach boursier de l’été illustre le fait que le risque chinois est devenu incontournable pour l’économie mondiale.J’aurai une vision de plus long terme. Le retour de la confiance dans l’économie chinoise doit passer par la poursuite des réformes.Le ralentissement actuel est, en premier lieu, le signe, positif, de sa mutation vers un nouveau modèle de croissance d’autant que ses réserves de change colossales et son large potentiel de développement par rapport aux économies occidentales constituent autant de leviers.

L’intronisation du yuan n’est que la reconnaissance de la place de la Chine dans l’économie mondiale

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !