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Hypocrisie écologique : à l'approche de la COP21, le monde n’a jamais autant consommé d’énergies polluantes
©Reuters

Bonnes feuilles

Nous sommes conscients que notre activité est responsable du réchauffement climatique et nous en identifions les conséquences comme la fonte de la calotte glacière ou les dizaines de millions de réfugiés climatiques chaque année dans le monde. Pourtant, nous continuons à subventionner généreusement les énergies fossiles, à promouvoir des traités de libre-échange sans clause sur le climat et à utiliser des indicateurs de mesure qui comptabilisent uniquement la production marchande. Ce livre dévoile cette hypocrisie et montre que nous avons les moyens de relever le défi climatique. Une autre voie existe, c’est en réalité juste une question de choix. Extrait de "Le déni climatique", de Thomas Porcher et Henri Landes, publié chez Max Milo éditions (2/2).

Henri  Landes

Henri Landes

Henri Landes est maître de conférences à Sciences Po Paris et cofondateur de l’association CliMates dont il a été le président.

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Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Malgré la prise de conscience des dangers du réchauffement climatique, le monde n’a jamais autant consommé d’énergies polluantes. Les énergies renouvelables se sont certes développées mais quasiment au même rythme que les autres et, par conséquent, occupent toujours une place négligeable dans les bilans énergétiques. Aujourd’hui, plus de 80 % des énergies utilisées sont polluantes (pétrole, gaz et charbon). Ces proportions n’ont pas changé depuis 2000.

Un tour d’horizon des évolutions des différentes filières énergétiques dans la dernière décennie est frappant. Entre 2002 et 2012, la consommation de pétrole et de gaz a crû respectivement de 14,4 % et de 31 %. Celle du charbon, énergie la plus polluante, de 55 % ! Cette hausse n’est pas entièrement imputable à la forte croissance économique et démographique des pays émergents, la plupart des pays développés ont également leur part de responsabilité : le Canada et l’Australie utilisent aujourd’hui plus de pétrole qu’il y a dix ans ; les États-Unis, le Canada, la France et le Japon plus de gaz ; enfin, le Royaume-Uni, la Pologne et l’Italie consomment plus de charbon.

>>>>>>>>>>>>> A lire également : COP21 : pourquoi nous sommes encore TOUS des climato-sceptiques

Or, cette hausse de la consommation dans les pays développés ne peut pas être expliquée uniquement par la croissance économique et démographique. Certains pays avaient la capacité de diminuer leur consommation d’énergie sans porter atteinte à leur niveau de vie. Les études montrent que la corrélation entre IDH (Indice de développement humain) et consommation annuelle d’énergie s’arrête à partir de quatre Tep (tonnes équivalent pétrole) par habitant. Au-delà, le bien-être des individus n’augmente plus. Pourtant, un certain nombre de pays sont encore au-dessus de ce seuil comme les États-Unis, le Japon, la Suède ou l’Australie. Ces pays pourraient réduire leur consommation d’énergie sans affecter leur qualité de vie, il n’est donc plus question de nécessité mais de choix.

Les réserves prouvées de gaz et de pétrole ont également crû de 21 et de 26 % alors même que la hausse de la demande aurait dû contribuer à l’épuisement de ces réserves. L’augmentation des prix de l’énergie dans la décennie 2004-2014 a permis aux compagnies d’investir massivement dans la recherche et l’exploration des mêmes énergies. Les gouvernants auraient pu casser ce cercle vicieux en incitant les compagnies à utiliser cette rente pétrolière pour financer les énergies renouvelables. Par exemple, dans les années 1970, après la forte hausse des prix du pétrole, les États-Unis avaient instauré un impôt sur les profits imprévus des compagnies pétrolières15. À partir de 2004, l’augmentation soutenue des cours du baril a permis aux compagnies d’engendrer des profits dépassant toutes les espérances (alors même que leur production diminuait). Les bénéfices records de l’année 2008 donnent le vertige, les cinq premières compagnies Exxon, Shell, BP, Chevron et Total ont toutes fait des bénéfices supérieurs à 20 milliards de dollars avec 45 milliards pour Exxon. Ces compagnies viennent toutes de pays développés – principaux responsables du réchauffement climatique –, pourtant aucun gouvernement de ces pays n’a pensé à instaurer un impôt pour financer la transition énergétique. Cette manne pétrolière imprévue aurait pu être un puissant levier pour prévoir l’après pétrole, il a surtout permis de multiplier par quatre les investissements en exploration-production pour trouver des nouveaux gisements.

La hausse du prix du pétrole accompagnée par des investissements faramineux a permis à un certain nombre d’hydrocarbures non-conventionnels de devenir rentables. C’est le cas des hydrocarbures de schiste ou des sables bitumineux. Paradoxalement, ces énergies ne se sont pas développées dans des pays qui sont en phase de décollage mais dans des pays riches ayant opéré depuis longtemps leur ajustement vers une économie de services (donc moins consommatrice d’énergie que l’industrie).

Le gaz de schiste en est le meilleur exemple. Il s’est développé massivement aux États-Unis grâce notamment à la mise en place de l’Energy Policy Act, un cadre réglementaire extrêmement favorable aux compagnies pétrolières leur permettant notamment d’être exonérées de règles environnementales et de disposer d’avantages fiscaux. Les résultats ont été rapides : en quelques années, les États-Unis ont ajouté plus de 60 000 puits de gaz de schiste (soit plus de puits que dans tout le Moyen-Orient) pour arriver à 500 000 puits de gaz en activité sur le territoire. Cette offre abondante a permis de diviser les prix du gaz par trois et a entraîné une amélioration de la compétitivité des industries.

Ce succès économique n’est pas passé inaperçu. Le Canada, producteur de pétrole de sables bitumineux, est déjà en phase de prédéveloppement. Quant à l’Europe, considérée pendant très longtemps comme la bonne élève sur les questions du réchauffement climatique et de la transition énergétique, un certain nombre de pays, comme le Royaume-Uni ou la Pologne, n’ont pas exclu cette option…

Extrait de "Le déni climatique", de Thomas Porcher et Henri Landes, publié chez Max Milo éditions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.  

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