Malgré l’attractivité naturelle de la France, le gouvernement ne parvient toujours pas à convaincre les investisseurs étrangers<!-- --> | Atlantico.fr
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La France peine à séduire les investisseurs étrangers.
La France peine à séduire les investisseurs étrangers.
©Reuters

Baromètre Amcham

En dépit d'un véritable potentiel attractif, du notamment à la conjoncture économique et à nos succès dans quelques domaines, la France peine à transformer l'essai et séduire les investisseurs étrangers. En cause : la complexité administrative française qui nuit à notre compétitivité.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Selon le baromètre Amcham, chambre de commerce des Etats Unis en France, une légère amélioration de la confiance des investisseurs étrangers semble se dessiner dans le pays, mais reste à un niveau très bas. Comment expliquer la persistance d’un tel niveau de défiance en France, alors même que les prévisions de croissance dans le pays semblent s’améliorer ?

Jean-Yves Archer : Effectivement, il y a une légère amélioration de la confiance des investisseurs mais celle-ci demeure enkystée à un niveau qualifiable de faible voire marginale ( inférieure à celle obtenue en 2011 ) par opposition au potentiel de notre pays.

Plusieurs facteurs sont avancés dans le baromètre Amcham. Tout d'abord, l'instabilité fiscale et l'inflation législative et normative. Tout comme leurs collègues français, les entrepreneurs étrangers ont la migraine ( et un sentiment de découragement ) devant nos oscillations textuelles qui engendrent des surcoûts non négligeables soit directement opérationnels ( compliance et mises aux normes ) soit fonctionnels du fait du recours à des experts extérieurs en tous genres : fiscalistes, juristes du droit de la construction, du droit du travail.

Collectivement et toutes majorités politiques confondues, nous avons " réussi " à faire émerger une complexité à la française qui nuit à notre compétitivité ( éléments hors-prix ) et donc à notre attractivité. C'est manifeste en matière de droit du travail ( qui constitue un repoussoir souvent cité ) et notre fiscalité prise cette fois sous l'angle de sa tendance haussière initiée en 2011 et lourdement aggravée par le duo Ayrault – Moscovici des années 2012 et 2013.

Le baromètre Amcham a nécessairement été réalisé en amont des attentats de Paris qui vont avoir un impact plus pesant que ceux de janvier. La crainte de la réitération toujours possible traverse beaucoup d'esprits et va affecter la croissance. Et bien évidemment l'investissement comme l'a déclaré le 29 courant le dirigeant de Siemens à l'AFP.

Par ailleurs, la lucidité contraint de constater que les lueurs de croissance française viennent exclusivement de facteurs exogènes : la parité de l'euro, la baisse durable des prix du pétrole, le QE de la BCE.

Autrement dit, je ne valide pas l'hypothèse de 1,5% de croissance pour 2016 et l'ai énoncé dès avant les attentats du fait du retournement conjoncturel mondial : ralentissement en Chine, Brésil en récession ( -3,8% ), Russie en récession sectorielle contrastée, faux-plat de la reprise aux Etats-Unis.

Concrètement, ces facteurs rendront les investisseurs étrangers plus sélectifs et plus enclins à regarder vers le Royaume-Uni voire vers l'Allemagne.

A contrario, quels sont les avantages "intangibles" que la France peut mettre en avant dans cette course aux investissements étrangers ? Ces avantages laissent-ils une possibilité, pour la France, de faire "payer" plus cher la présence de ces entreprises dans le pays, ceci sans la rendre moins attractive ?

Ce que vous nommez les avantages " intangibles " de la France méritent d'être analysés selon une triple grille de lecture.

En premier lieu, le baromètre Amcham enregistre notre succès en matière d'économie numérique. Notre pays a su faire germer des jeunes pousses ou des brevets qui méritent de retenir l'attention des investisseurs internationaux. Autant le dire, il s'agit d'un succès issu de la mobilisation d'acteurs multiples, depuis les Instituts Carnot, en passant par certaines filiales du CEA ou par France Clusters. Ainsi, 85% des répondants ( au baromètre ) jugent la France attractive et un sur cinq la juge très attractive.

En deuxième lieu, les avantages sont issus des externalités positives, pour prendre le terme économique dédié, à savoir le système de santé, les infrastructures, la qualité de formation de la main d'œuvre. Donc tous les paramètres qui rendent favorables l'environnement économique d'ensemble.

En troisième lieu, je pense pertinent de citer l'avantage monétaire. D'un côté la FED est sur le point de relever ses taux ( d'où hausse corrélée du dollar du à une meilleure rémunération des placements effectués en cette monnaie ) et de l'autre la BCE, face aux risques hélas crédibles de pressions déflationnistes, va début décembre lancer un autre programme de Quantitative Easing. Ceci affectera la valeur de l'Euro et en conséquence immédiate, ce double mouvement monétaire va rendre attractives des prises de contrôle majoritaires de pépites françaises. A l'image de ce qui s'est produit dans le transport avec le rachat sonore du groupe Norbert Dentressangle.

Compte-tenu du dynamisme des banques d'affaires et du retour insistant des Fusions-Acquisitions ( voir Pfizer / Allergan ), il me semble que le baromètre Amcham est trop allusif sur ce point-clef de la consolidation sectorielle transatlantique. Qui pourra viser des entreprises de grande taille et pas seulement des ETI.

Ces investisseurs jugent positivement l’orientation économique du gouvernement mais pointent le manque d’efficacité des mesures prises. Ainsi, et face à la concurrence de l’Allemagne, du Royaume Uni, ou de l’Italie, le train des réformes est jugé comme étant "à la traîne" des autres pays. Quels sont les points essentiels que le gouvernement aurait raté, afin de rendre le pays plus attractif aux yeux des investisseurs étrangers ?

Votre question est presque généreuse ! Je crois avoir lu que nombre de répondants au baromètre Amcham stigmatisent l'absence de réformes structurelles en France. Prenons l'Italie, il ne lui a pas fallu des mois pour édicter son " Job Act ". Chez nous, il faut une figure tutélaire ( l'éminent Robert Badinter ), des travaux sur près de 3 ans pour revisiter le Code du Travail sans véritablement y faire souffler le vent de la réforme.

Nous ferions mieux d'agir avant de voir s'évaporer le cœur du CAC 40 par rachats ( Lafarge, etc ) ou par transferts de sièges sociaux, aux Pays-Bas notamment.

Quant au point essentiel que le Gouvernement a laissé glisser de ses mains, il concerne incontestablement la loi Macron dont les analystes sérieux, toutes tendances partisanes confondues, sont dans l'obligation de constater qu'elle n'impactera pas la croissance au-delà de 0,2%. On nous avait promis un rapport Armand-Rueff et un bouleversement sérieux : on aboutit à une valeur epsilon loin de ce que René Monory ( libération des prix en 1978 ) ou Pierre Bérégovoy ( modernisation de la place financière de Paris en 1983 ) avaient réussi à accomplir.

L'attractivité, promue par France Business, relève souvent de la mise sur le marché d'entreprises ( nos fleurons de demain cueillis trop tôt ? ) plutôt que sur l'accueil d'investissements étrangers comme savait fort bien le réaliser la DATAR des années 80. ( IBM à Montpellier, etc ).

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