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Monde arabo-musulman et Occident : choc des civilisations ou choc des vacuités ?
©english.al-akhbar.com

Choc des incultures

Pour l'auteur de Voltaire ou le Jihad, la quasi-totalité des terroristes qui évoluent en France aujourd'hui sont d'une génération pour laquelle la République a failli.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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La quasi-totalité des terroristes, djihadistes et assassins — appelons-les par leur nom — qui évoluent en France aujourd’hui ont entre 25 et 30 ans. Stricto sensu, ils sont les enfants de la réforme Jospin (juillet 1989), qui a engendré trois mois après, on l’oublie trop souvent, la première affaire de voiles islamiques.

Le gouvernement a alors passé la patate chaude au Conseil d’Etat, qui n’a guère su quoi décider, et les allers-retours, entre atermoiements, petites lâchetés et grosses compromissions, ont duré 15 ans. 15 ans ! Il a fallu attendre 2004 pour qu’une loi timide interdise les signes religieux ostentatoires dans les établissements d’enseignement secondaire. Sans se soucier de statuer sur le Supérieur, ni sur l’hôpital, ni sur l’ensemble de l’espace public, désormais quadrillé par une foule de tchadors / burqas / niqabs — inutile de rayer les mentions inutiles, elles sont toutes là en même temps. Comme l’a enfin dit (après Malek Boutih) un sénateur ex-socialiste soudain sorti du bois, « Avez-vous déjà fait un tour sur un marché à Mantes-la-Jolie ? C'est l'Arabie saoudite ! Une femme non voilée s'y sent mal à l'aise. J'ai été l'un des premiers au PS à défendre, avec Manuel Valls, l'interdiction de la burka. À l'époque, nos camarades socialistes nous traitaient d'« intégristes laïques »... » Mantes-la-jolie, Saint-Denis — ou Marseille : là aussi, inutile de tenter de rayer quoi que ce soit.

Le rapport de Malek Boutih date de juillet dernier — trop tard pour que je l’utilise dans la rédaction de Voltaire ou le jihad qui vient de sortir aux Editions de l’Archipel — et je suis bien désolé d’avoir été visionnaire. Ce que le député mandaté par le Premier ministre disait avec des chiffres, je l’ai dit avec des raisonnements : cette génération qui est passée par l’école entre 1995 et 2005 (ou plus tard) est une génération d’enfants gâchés, selon le beau mot de Natacha Polony. Une génération pour laquelle la République a failli. Qui a payé les pots cassés d’une Education nationale vendue à l’encan par les furies pédagogistes, qui n’ont eu un seul objectif : vider l’enseignement de tout savoir réel en niant systématiquement le désastre — et leur responsabilité dans ce désastre. Réaliser cette « ère du vide » dont avait parlé Gilles Lipovetsky en 1983.

Et comme je l’explique dans mon livre, la nature a horreur du vide. Dans les cervelles fragiles, hagardes, de milliers d’adolescents et d’adolescentes malmenés par la vie (et parfois pas même), pas forcément très religieux, mais désireux de vivre pleinement — quitte à en mourir —, le fondamentalisme religieux a glissé ses insinuations — via Internet ou via les prêches d’imams incontrôlés et incontrôlables. Il a occupé le terrain que l’Ecole avait laissé en friche.

Et pas seulement l’école. Depuis le milieu des années 1960, les intellectuels français (Foucault, Deleuze, mais aussi Bourdieu, surtout à travers ses épigones et ses commentateurs), appuyés par l’armée inlassable des pédagogues issus des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes (Philippe Meirieu par exemple) n’ont eu de cesse de démanteler la culture occidentale — et ce fut la Déconstruction, célébrée particulièrement outre-Atlantique : fin des certitudes ! De la discréditer — et ce fut le discours sur le colonialisme, dont le dernier reflet a brillé dans les nouveaux programmes pour le Collège de Mme Belkacem. De l’éradiquer — et ce fut la loi Jospin sur l’Ecole. Désormais, l’élève « construit lui-même ses propres savoirs » — d’où l’appellation de « constructivisme ». Fiction !

Bien sûr, « nos ancêtres les Gaulois » prête à sourire, quand on voit la diversité des têtes blondes ou brunes d’une classe. Bien sûr on pouvait moduler : les enseignants, quand ils sont bien formés (le sont-ils encore ? A-t-on vraiment fabriqué, via les IUFM et maintenant les ESPE, les passeurs de savoir dont nous avions besoin, au moment même où l’on discréditait le savoir ?) enrichissent leurs cours de nuances, de comparaisons, de culture en un mot. Mais était-il pour autant nécessaire, comme l’a fait Mme Belkacem à travers des programmes que le ministère téléguidait, au témoignage d’une députée LR qui, dégoûtée, a fini par démissionner de la Commission, de supprimer l’enseignement de l’Humanisme et des Lumières — et de la chrétienté médiévale ? Le tout au profit de l’Islam — tiens donc !

Nous avons renoncé à transmettre — alors même que notre culture tout entière s’est bâtie sur la notion d’héritage. Comme je le montre dans mon livre, nous sommes des nains sur les épaules des géants — hissés par ceux qui nous ont précédés, et hissant à notre tour la génération suivante. Ainsi va le monde, ainsi va le progrès.

Pas pour l’Islam. C’est une civilisation de l’inculture volontaire. Une culture du temps arrêté. D’où la furie destructrice des talibans, en Afghanistan, de l’Etat islamique en Irak et en Syrie, des extrémistes de tout poil en Tunisie — au musée du Bardo par exemple. Les intégristes veulent éliminer toute preuve qu’il y a eu quelque chose avant l’Islam. Ils ont brûlé la bibliothèque d’Alexandrie en arrivant jadis en Egypte. Ils brûleraient volontiers tous les volumes, puisqu’un seul Livre leur suffit.

L’internationalisme intellectuel — parfaitement symétrique à la mondialisation libérale — a abouti à une indifférenciation. Et les jeunes ont besoin de certitudes. On ne leur offre plus la vie, ils vont chercher la mort.

Bien sûr, tous les déshérités de la culture ne s’engagent pas dans les forces de l’Etat islamique. Non : ils se contentent d’être des barbares au quotidien. Rappelez-vous : c’est la « gang des barbares » qui a torturé et tué Ilan Halimi. C’était il y a 10 ans ! 10 ans ! Et qu’avons-nous fait depuis pour récupérer ou rééduquer — mettre hors d’état de nuire au sens propre du terme — les enfants perdus qui glissaient vers la mort — la leur et celle des autres ?

On sait que François Hollande répugne à dire « islamique » — ou même « islamiste ». Pour ne pas être soupçonné d’islamophobie. « Barbares », dit-il — il ne sait pas lui-même à quel point il a raison : le barbare, autrefois, était celui qui, ne parlait pas grec ; aujourd’hui, il parle à peine français. Il malmène une langue qu’il ne maîtrise pas (sachez-le : la grammaire s’apprend désormais en « Observation réfléchie de la langue » — on observe, mais on n’apprend rien, là aussi le constructivisme a fait des ravages), il s’accroche à un texte — le Coran — qu’il ne sait pas vraiment lire, et dont il ne comprend pas grand-chose. Alors il s’accroche au sens littéral — et le sens littéral du Coran, c’est tout bonnement terrifiant. Il n’a plus un cerveau, mais un caillou noir — inaltérable. Bourré de captagon, il se pense immortel — dût-il mourir. Il a choisi la mort, quand toute notre culture — celle qu’on a renoncé à lui apprendre — c’est la vie. 

Je ne cherche aucune excuse à des gens qui sont des criminels. Mais voici quinze ans, au maximum, depuis les Territoires perdus de la République (en 2000) et autres Ecole face à l’obscurantisme religieux  (en 2005) ou Une école sous influence (2007), sans compter une foule de rapports sur la dégradation de l’idéal laïque, que nous prévenons les gouvernements successifs, qui nous reprochent, à nous Républicains, de jeter la pierre à l’Islam. Ma foi, la pierre, les plus radicaux de ses enfants l’ont désormais dans la tête.

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