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Enquête au Molenbeekistan : ces erreurs que la Belgique risque de payer chèrement (et les leçons que nous devrions en retenir)
©Reuters

Des moules, des frites et des terroristes

Désormais, les langues expertes se délient. La Belgique est ouvertement citée en tant que fief terroriste. L’attention est portée sur le quartier de Molenbeek. Le mal est pourtant plus étendu. Et ses racines sont très profondes… Deuxième partie de notre série consacrée au quartier qui attire tous les regards depuis les attentats du 13 novembre à Paris.

Dominique Dupont

Dominique Dupont

Dominique Dupont est une journaliste belge, travaillant dans l'un des plus important journal quotidien du pays. Elle s'exprime ici sous un pseudonyme.

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Clientélisme, communautarisme, radicalisme

Dans un contexte médiatico-académique qui agit comme un véritable renforcement positif en récompensant le décideur qui voudrait ramasser les lauriers d’une politique d’"ouverture" après avoir fait le plein de voix par paquets de cent via les réseaux adéquats, on comprend que Molenbeek ne soit pas un cas isolé. Loin de là! Le modèle s’exporte avec succès dans de nombreuses autres villes et communes de Belgique.

>>>>>>>> A lire également : Enquête au cœur du Molenbeekistan : les leçons que la France doit tirer du contre-exemple belge - Partie I

A Anderlecht, autre commune sensible, l’ancien maire, Gaëtan Van Goidsenhoven, lui aussi MR, a été filmé dans le cadre d'un numéro de  l'émission "Question à la Une" consacré à la montée de l'islam lors de l’inauguration en grande pompe d’une mosquée sur sa commune, une initiative qu’il a soutenue avec beaucoup d’enthousiasme. Celui-ci s’est tout de même émoussé lorsque la même équipe de la RTBF est revenue quelques jours plus tard pour lui soumettre les prêches antisémites, homophobes et les appels à la violence contre les femmes filmés en caméra cachée. Ce reportage qui a suscité l'opprobre générale, tant dans les milieux politiques que médiatiques, a contribué à l’évaporation de son auteur, Frédéric Deborsu, définitivement disparu des écrans.

Schaerbeek - encore un "maillon faible" - est une commune où les départs de djihadistes, souvent des mineurs, pour la Syrie avaient très vite atteint des proportions inquiétantes au point qu’une équipe d’Envoyé Spécial y avait posé ses caméras dès l’émergence en 2013 du phénomène à l’époque encore confidentiel en France. 

Faut-il s’étonner d’apprendre que dans cette commune, la seule où la minute de silence réservée aux victimes des attentats de Paris n’a pas été respectée par plusieurs élèves, les décideurs se montrent plus coopératifs avec les autorités religieuses qu’avec les services de sécurité. Le maire, Bernard Clerfayt, n’aurait jamais manqué l’inauguration de l’imposante école confessionnelle musulmane "La Vertu" qui vient de s’implanter au cœur de la "Petite Anatolie", un quartier turc où Erdogan et l'AKP  jouissent d’une popularité plus forte qu’en Turquie !

Par contre, en septembre dernier, lorsque le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, a demandé à différentes communes sensibles de collaborer dans la lutte contre le terrorisme en communiquant les données dont pourraient disposer leurs services sociaux au sujet des 800 radicaux épinglés par les services de police, ce même maire lui a opposé une fin de non-recevoir en ces termes peu clairs sur la forme mais néanmoins limpides :

"C’est beaucoup un parapluie pour le ministre qui demande à d’autres services, notamment les services communaux et locaux, de faire une tonne de travail de recherche, d’indic ou de mesure de contrainte alors que le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice n’ont pas les moyens à leurs services, à la justice" et “à, la police judiciaire fédérale, d’avoir la capacité de mener toutes les enquêtes sur toutes les personnes qu’il faudrait surveiller", a déclaré Bernard Clerfayt aux journalistes de RTL.

Peut-être faut-il voir dans ce mépris pour la sécurité avant tout l’attitude revancharde d’un extrémiste francophone (M. Clerfayt est membre de “DéFI”, ex Front Démocratique des Francophones) face à un ministre de l’intérieur issu des rangs nationalistes flamands. Quelle qu’en soit la raison, le constat d’un refus de communiquer est là. Comment aujourd’hui justifier cette abstention coupable auprès des victimes du terrorisme ? A tous les niveaux, la Belgique offre l’image d’un pays morcelé qui dysfonctionne. La très coûteuse multiplication des niveaux de pouvoir a fini par le rendre ingérable.

Tous ces facteurs d’instabilité, pas seulement institutionnels mais aussi culturels, en font une proie facile pour le développement de l’islam le plus radical. Si la Flandre a réussi à développer une identité propre sur une base culturelle, on ne pourra pas en dire autant des francophones. Bruxelles, entité hybride est encore plus mal lotie. Ces carences constituent un véritable obstacle à l’intégration des populations immigrées. En Belgique, à l’inverse de la France, il n’existe aucun esprit républicain capable de fournir une matrice de socialisation.

Au contraire, dans un pays comme celui-là où l’accent est mis volontiers sur les particularismes,  on a cru très naïvement que l’islam serait un clocher comme un autre avec lequel on peut se quereller sans se mettre en danger. Aujourd’hui, au lendemain de la célébration de cinquante années d’immigration turque et marocaine, le bilan est sans appel quant à l’échec du processus d’intégration. 

Pire, la classe politique, les médias, les autorités académiques et l’ensemble des institutions n’ont eu de cesse de persuader la population belge que cet échec de l’intégration était en réalité constitutif d’une richesse qui répond au doux nom de « multiculturalisme ».

L’immigration, un accélérateur de la division du pays

Les Flamands refusent désormais d’épouser cette vision édulcorée de la réalité migratoire. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter l’incroyable succès électoral de la NVA qui jusqu’à présent est le seul parti à avoir agi de façon globalement cohérente par rapport à son programme politique. Depuis quelques années, la Flandre a mis en place un parcours obligatoire d’intégration, l’"imburgering".

Les francophones, eux, ont choisi de ne pas sanctionner leurs dirigeants toujours occupés à discuter de l’opportunité d’une telle démarche. Ils votent avec leurs pieds, en quittant massivement les zones sensibles. Longtemps, à Bruxelles, le Front des Démocrates Francophones a instrumentalisé l’immigration issue du Maghreb pour gonfler les effectifs “francophones” et revendiquer plus de pouvoir face aux Flamands de Bruxelles.

Dans la capitale de l’Europe, la pression démographique fait grimper les prix de l’immobilier tandis qu’elle sature toutes les infrastructures, y compris les écoles où il manquera 40.000 places d’ici 5 ans. Aujourd’hui, Bruxelles se dépeuple dramatiquement de sa classe moyenne. Le solde migratoire négatif dans ce segment de la population atteint désormais 30.000 personnes par an!

Celles-ci fuient majoritairement vers la Flandre. Cet exode exacerbe les tensions avec les Flamands qui voient s’installer sur leur sol de nombreux francophones rarement motivés par l’apprentissage du néerlandais et qui se comportent en définitive comme les immigrés qu’eux-mêmes ont voulu fuir.

La Belgique est institutionnellement malade et l’immigration ne fait qu’accélérer le processus de destruction du pays. Francophones et néerlandophones se sont épuisés durant des décennies dans des conflits à l'époque stériles - ce n'est plus le cas aujourd'hui - sans jamais prêter attention aux autres cultures qui ont pris racine dans notre pays depuis les années 1960. L'échec du vivre-ensemble, Alain Finkielkraut l'a constaté depuis longtemps déjà. En Belgique plus qu'ailleurs, on a feint de ne rien voir. Chacun y a toujours trouvé son intérêt: qui des voix, qui des contrats, qui une aura...

Pendant que le mirage faisait illusion, la population immigrée s'est progressivement auto-définie et s'est instituée en tant que corps étranger avec l'assentiment de la communauté d'accueil qui a préféré n'y voir que du feu. Cela a pris la forme d'un repli communautaire qui veut que l'on se marie entre soi, que l'on parle et que l'on s'habille comme chez soi. Rien de bien méchant, a priori.

Au contraire, il ne s'agit que d'exercer certains principes élémentaires prévus par les droits de l'Homme. "Ce n'est pas très grave" ou "cela ne concerne qu'une minorité de gens" entend-on souvent. Comme si dans l'histoire, un seul groupe humain avait jamais comporté une majorité d'individus dysfonctionnels et combattants... 

Quel jeu de dupes où la tolérance vis à vis de ces pratiques est interprétée par les uns, la société d'accueil, en termes de droit à la liberté et d'universalisme quand les autres agissent au nom du droit à la différence d'une communauté.

Aujourd'hui, au gré des attentats et des morts qui tombent sous les balles, les masques tombent. Certains esprits reviennent à la lucidité.  Le réel peut enfin apparaître dans toute son horreur en même temps que notre profonde impuissance face à celle-ci. Pendant que nous nous sommes égarés, le communautarisme a muté avec nos encouragements.

De l'absence d'intégration qui prenait il y a peu encore la forme d'une distanciation, nous sommes passés au stade ultime, celui de la destruction.

Toujours à l'avant-garde, la Belgique a pris une longueur d'avance dans ce processus mortifère qui déborde largement de son petit territoire.

Par chance, les nationalistes flamands sont au gouvernement depuis un peu plus d'un an. C'est à peu près l'unique espoir de provoquer une rupture de la politique du déni et de la complaisance indispensable pour restaurer un minimum la sécurité dans le pays, et au delà.

Quel changement par rapport à l’équipe gouvernementale précédente. En effet, comment oublier cette photo surréaliste où l’ex-ministre de l’Intérieur belge, Joëlle Milquet, est immortalisée aux côtés d’un imam salafiste qui a fini depuis lors décapité en Syrie ? Ce cliché illustre à lui seul toutes les dérives du droit de vote des étrangers et la course effrénée des candidats de tous bords pour faire main basse sur ces votes ethniques.

Dans ces conditions surréalistes, faut-il s’étonner que la Belgique se soit radicalisée à ce point pour devenir le fief islamiste que l'on connait aujourd'hui? On ne passe pas en un jour, en un an ou même en dix ans de Molenbeek-Saint-Jean, littéralement le bucolique "moulin du ruisseau" au "Molenbeekistan" comme le présente la presse internationale. Cet héritage qui mêle la religion à la haine, à la rage et au sang des victimes est une œuvre collective à laquelle ont participé à peu près tous les partis traditionnels.

Le basculement, c’est maintenant

Aujourd’hui, nous devons constater que certains gouvernements, comme en France, ont besoin de leurs lots de victimes pour appréhender dans toute sa dimension une réalité pourtant évidente aux yeux de la population. 

Les attentats de Paris obligent François Hollande, Laurent Fabius, Charles Michel et Didier Reynders à avaler un morceau de leur chapeau car nous n’échapperons pas à la mise en place d’une très large coalition internationale où les Russes et les Américains seront côte à côte pour frapper ensemble les cibles terroristes.  La France et la Belgique comme la plupart des pays se rangeront de ce côté de l’Histoire. Mais ce seront des seconds couteaux.

Les politiques aussi cherchent désormais à rejoindre ce bon côté de l’Histoire. La preuve absolue nous vient encore une fois de Molenebeek, où  les lâches ont déjà commencé à se défausser. Philippe Moureaux d’habitude si véhément pour revendiquer la paternité de son laboratoire social et en vanter les mérites, n’a pas attendu pour évoquer l’écueil djihadiste et s’exonérer simultanément de toute responsabilité. Pourtant, personne ne pourra plus jamais oublier que Molenbeek, et plus largement Bruxelles aura été ce foyer dont sont partis la plupart des terroristes qui ont massacré tant de civils, Français et étrangers. 

A terme donc, se pose une question cruciale. Faut-il amnistier ces responsables politiques qui de Molenbeek, à Paris, de Schaerbeek au 9-3, en Belgique comme en France, ont cautionné et même attisé la dérive islamiste avec l’assentiment et parfois la complicité de la classe politique, médiatique et académique? 

Certains disent à Bruxelles que la "dynastie Moureaux" devrait être bannie de la vie politique comme l’a été jadis la famille Orange-Nassau. Catherine, fille de Philippe "Le Rouge" a déjà fait de Schaerbeek sa terre d’élection…

C’est à la population de choisir. Soit elle dresse un mur des comptes à régler avec ses dirigeants, soit elle rempile avec les mêmes, pour le meilleur, et pour le pire.

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