La face cachée de Maître Eolas<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
La face cachée de Maître Eolas
©

Clash

L'Institut pour la Justice reconnait le talent, l'humour et l'influence du blogueur à succès Maître Eolas. Mais beaucoup moins sa neutralité politique. Gravement mis en cause, l'Institut l'accuse de calomnie et va porter plainte contre lui. Voilà pourquoi...

Xavier Bebin

Xavier Bebin

Xavier Bebin est secrétaire-général de l'Institut pour la Justice, juriste et criminologue. Il est l'auteur de Quand la Justice crée l'insécurité (Fayard)


Voir la bio »

Le blog de Maître Eolas a acquis au fil des années de l'influence dans le milieu du droit. Il est lu par beaucoup d'étudiants, de jeunes avocats, de magistrats et de journalistes. Il faut dire que le blogueur ne manque ni de talent, ni d'ardeur, ni d’humour, pour rendre accessibles aux débutants des questions juridiques complexes.

Le problème, c’est que derrière son discours en apparence technique et juridique se cachent bien souvent des partis pris politiques et idéologiques sur les questions pénales. La mystification passe d’autant mieux auprès des personnes non averties que la politique pénale n’occupe pas la totalité de ses billets, qui mêlent métier de l’avocat, Hadopi, débats sur l’Union européenne et bien d’autres sujets encore, sur lesquels Eolas ne présente pas la même rigidité dogmatique.

Sur la Justice pénale et la politique de sécurité, Eolas est d’un conservatisme intransigeant. Il aime à rappeler que, pour lui, la Justice n’a pas pour mission de protéger les citoyens. Son seul rôle serait de « réparer », et non de prévenir le crime. S’il y a des victimes, « c’est parce que [la police] n’a pas réussi à les protéger », écrit-il. Lorsqu'un crime est commis, la Justice n’a donc jamais rien à se reprocher.

Cette affirmation est malheureusement contraire aux enseignements de la criminologie. La Justice a d’abord une fonction de dissuasion, qui implique, non pas des peines particulièrement sévères, mais un fonctionnement régulier, rapide et prévisible de la réponse pénale (ce qui n’est pas le cas lorsque 80 000 peines restent inexécutées ou que les délinquants peuvent empiler les sursis). La Justice prévient également le crime par sa fonction de neutralisation des criminels dangereux, évitant par exemple de remettre en liberté des Patrice Evrard ou des Pierre Bodein.

Le monde idyllique de Maître Eolas

Dans le monde idyllique de Maître Eolas, peu importent la réalité de la criminalité ou les effets préventifs des sanctions pénales. De toute façon, les mineurs délinquants d'aujourd'hui, écrit-il, ne sont pas « pires » que ceux de 1945. Il considère que la Justice n’avait pas fait preuve de mansuétude à l’égard de Tony Meilhon, l'assassin présumé de la jeune Laetitia Perrais, de Nantes. Qu'on en juge : condamné 15 fois, dont deux fois en Cour d’Assises, Tony Meilhon était, à 31 ans, en totale liberté.

La naïveté de Maître Eolas peut prendre d'étonnantes proportions. Il se dit convaincu que libérer un condamné avant la fin de sa peine réduit la récidive, parce que cela tendrait à « désamorcer un comportement de lutte contre la société » et « montrer que finalement, la justice n'est pas bête et méchante, et que ce juge est si gentil qu'on ne va pas le décevoir ». Nous sommes dans le monde des Bisounours.

On aurait envie de lui faire écouter le rappeur Booba qui, incarcéré en 1998, dira plus tard dans un de ses textes : «  Tu sais c'qui m'ont dit ? Faut qu'j'travaille pour qu'la pute me donne la condi ». La « condi » est la libération conditionnelle, avant la fin de la peine ; la « pute » est la magistrate chargée de l'application des peines.

Eolas a l'habitude sur son blog de déverser son mépris sur le syndicat d’officier de police Synergie Officiers, pourtant composé d'hommes et de femmes qui, contrairement à lui, sont confrontés à la réalité du terrain. C'est que Synergie Officiers a le malheur de désapprouver la légèreté avec laquelle la Justice remet parfois en liberté des individus dangereux, alors que ses membres risquent leur vie pour les arrêter.

"Sectarisme aveugle, mensonge et écœurante grossièreté"

La rationalité de façade de Maître Eolas et de ses épigones fait place au sectarisme aveugle, au mensonge et à la plus écœurante grossièreté lorsqu'elle se heurte à des contradicteurs sérieux, qui pensent, et qui démontrent, que la Justice gagnerait à être plus rigoureuse envers les criminels.

L’Institut pour la Justice est une association qui rassemble des milliers de citoyens et de victimes, ainsi que des grands noms du droit pénal et de la criminologie. On peut approuver ou non ses analyses. Mais les avocats, les professeurs de droit et le délégué général de l'association, auteur de nombreuses études de criminologie et intervenant régulier des colloques de droit pénal, sont tout sauf des voyous de bas-étage.

C'est pourtant Maître Eolas qui a lancé la calomnie selon laquelle l’Institut pour la Justice trompe la France entière avec une pétition sur Internet (le Pacte 2012) dont le compteur de signatures serait « bidon ». Affirmation absurde puisqu'au même moment, les rédactions de tous les journaux de France étaient assaillies de messages d'internautes leur demandant de relayer cette pétition, et que le nombre de « likes » sur Facebook, qui ne saurait être trafiqué, dépassait le million, un chiffre historique. Le Syndicat de la Magistrature déclarait être « dans un état de sidération » dans Libération. Et Maître Eolas s'était lui-même alarmé d'être harcelé de questions au sujet de cette pétition.

Pourquoi l'Institut pour la Justice porte plainte contre Maître Eolas

La calomnie, pourtant diffusée à très grande échelle grâce à Twitter, n'a pas freiné le succès de la pétition, qui compte aujourd'hui 1 600 000 signatures. Maître Eolas, qui a décidément les nerfs fragiles, a écrit : « Je me torcherais bien avec l’Institut pour la Justice si je n’avais pas peur de salir mon caca ».

Que reste-t-il, après ça, de l'image d'avocat guidé par la seule Raison, qu'il a si patiemment cherché à construire ? Ce n'est pas à nous de nous prononcer. La question est de savoir si sa maîtrise de la procédure pénale lui suffira pour échapper à une pitoyable condamnation au Tribunal Correctionnel, pour diffamation et injure. Car il est sous le coup, aujourd'hui, d’une plainte de l'Institut pour la Justice, diligentée par Maître Gilles-William Goldnadel.

Mais le plus triste dans la personnalité cachée de Maître Eolas, n'est pas là. C'est la façon dont cet avocat privilégie l’anathème au débat contradictoire, alors qu'il se voudrait être un modèle pour de nombreux jeunes qui se destinent à la profession. A tant attaquer ses ennemis sur la forme plutôt que sur le fond, Maître Eolas ne craindrait-il pas, tout simplement, la confrontation des idées ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !