Djihadisme français : un roman pour essayer de comprendre<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le Français" de Julien Suaudeau. Ed. Robert Laffont.
"Le Français" de Julien Suaudeau. Ed. Robert Laffont.
©Reuters

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"Le Français" n'est qu'un roman, et pourtant, mieux que bien des essais, il peut contribuer à faire comprendre ce qui peut l'être.

Matthieu  David pour Culture-Tops

Matthieu David pour Culture-Tops

Matthieu David est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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L’auteur

Né en 1975, Julien Suaudeau est originaire d’Evreux où se situe la première partie du « Français ». Réalisateur de documentaires, et boxeur amateur, il a travaillé en Belgique et en Azerbaïdjan, réalisé des films, et vit aujourd’hui dans la New Jersey où il enseigne le français.

Thème

Un jeune homme de 21 ans traîne son ennui dans la banlieue d’Evreux. Entre une mère dépassée, un beau-père hyper violent, un boulot sans avenir et une petite amie insaisissable, il avance à l’aveugle vers le destin misérable des oubliés, sans véritable prise sur le cours de sa vie. Il est un jour témoin d’un accident qui va déclencher, puis consolider chez lui un désir de vengeance. Au gré de rencontres toxiques qui profitent de son désarroi et le poussent à l’action, son départ vers l’Afrique, puis la Syrie, le transforme graduellement en un soldat de la terreur, d’une violence inouïe. A force de se rendre disponible il devient malgré lui instrument de mort et de propagande, au service d’une cause barbare.

Points forts

· La force du récit: le personnage principal raconte à la première personne son parcours, sa transformation. Ses émotions et ses doutes sont décrits à coup de phrases courtes et précises. On ne saura pas son nom, mais le lecteur est transporté au cœur de ses sentiments bruts, de ses intentions parfois confuses pour mieux comprendre sa condition, ses frustrations et la transformation qui s’opère en lui. On pense immédiatement à l’Etranger d’Albert Camus, plongé dans les brutalités rurales d’un Caldwell.

· Le style : l’écriture épurée de Julien Suaudeau est particulièrement belle, efficace et poétique. Les personnages parlent peu. La vision fugace des paysage désolés et brumeux des abords d’Evreux, puis les dunes du désert Malien, ou les plaines blanches de Syrie, autant de touches qui campent le décor impressionniste du malaise du Français.

· Le rythme : Comment raconter l’ennui sans engendrer l’ennui ? Julien Suaudeau, ancien boxeur, y parvient en ponctuant son récit d'événements percutants et décisifs, tel un combattant endormant son adversaire pour mieux lui placer un uppercut, puis un autre, etc. jusqu’au KO final. · L’actualité du thème. Bien qu’il soit court, le roman tente de répondre à plusieurs questions brûlantes : pourquoi un jeune français s’engage-t-il auprès de terroristes djihadistes ? Comment y parvient-il ?

· La démonstration : le mécanisme par lequel le « Français » glisse insidieusement de l’ennui banal de la banlieue à l’engagement aveugle pour une cause terroriste est précisément démontré, avec sa part de hasard et sa part de fatalité. La confirmation que cet engagement n’est basé que sur une fracture et pas sur un projet nous accable autant qu’elle nous rassure. La vision de l’intérieur du milieu des terroristes, pour lesquels l’Islam n’est qu’un prétexte, est aussi édifiante.

Points faibles

· Si l’engrenage dans lequel le « Français » se trouve pris est bien décrit, les actes de sang-froid dont il fait preuve pour affronter des situations extrêmes sont peu cohérents avec la léthargie initiale du personnage. Aussi, le récit donne-t-il à quelques reprises l’impression de basculer dans la caricature.

En deux mots

Une plongée vertigineuse dans l’univers intime d’un jeune homme perdu qui va se mettre au service d'une cause terroriste, afin de combler un désir de vengeance, un désir d’exister. L’engrenage qui s’en suit le mènera à sa destruction. Une histoire proche qui nous dérange.

Une phrase

« Moi et tous les autres, Nono, les copains du fils Bianconi, mon père, ma mère, nous étions morts à la naissance parce que nous étions d’ici. Je voulais qu’ils sachent que j’étais parti me faire pendre ailleurs ; je voulais que tous se sentent morts et défaits en pensant à moi et qu’ils n’aient plus que leurs yeux pour pleurer dans leurs vies de morts. »

Recommandation

ExcellentExcellent

Informations

"Le Français" de Julien Suaudeau. Ed. Robert Laffont.

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