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Droits d’entrée pour être candidat aux régionales : pourquoi ce qui a été raconté sur Xavier Bertrand ou Dominique Reynié est plus complexe qu’il n’y paraît
©Reuters

Money for nothing

Xavier Bertrand a été récemment critiqué pour avoir réclamé 7 000 euros à ses colistiers pour figurer sur sa liste. Une pratique pourtant courante et vieille de plus de 20 ans, mais qui pose de vraie question sur l'accessibilité du monde politique aux plus démunis.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Xavier Bertrand a payé pour les autres. Alors que la presse nationale s’étonnait, s’offusquait même, que l’ancien ministre demande à ses colistiers 7 000 euros pour avoir le droit de figurer sur ses listes, dans les états-majors parisiens, on ouvrait de grands yeux :  "mais, on a toujours fait ça", entendait-on ici ou là. Quoi d’étonnant, quoi de choquant. Et les langues, petit à petit, de se délier : "Valérie Pécresse, en Ile-de-France, demande entre 4 600 € à 9 100 €. Dominique Reynié en Midi-Pyrénées - Languedoc-Roussillon réclame une avance de 15 000 € aux têtes de liste départementales, 10 000 € aux candidats certains d'être élus et 5 000 € à ceux dont les chances sont moindres. En Pays de la Loire, tous les colistiers en position éligible de Bruno Retailleau (chef de file Les Républicains-UDI-Modem) ont dû faire un chèque de 4.000 euros, pour participation aux frais de campagne". Son opposant socialiste n’échappe pas à la règle et demande 1 500 euros à ses colistiers. Xavier Bertrand n’est donc pas le seul, loin de là, à monnayer la participation à ses listes. Et la pratique est ancestrale.

Elle remonte à 1993, suite à l’affaire Urba, le gouvernement impose une transparence plus stricte du financement des partis politiques. Désormais, les comptes de campagne doivent faire figurer la liste des entreprises ayant accordé des aides ainsi que leur montant qui sont plafonnés. Depuis les conditions des financements privés sont devenus encore plus drastiques, les financements publics de plus en plus maigres alors que le coût des campagnes électorales ne cessait de croitre : meetings, déplacements, impression des affiches. Les candidats ont donc dû trouver des solutions un peu bancales. Au lieu de réduire les dépenses ils ont donc imaginé faire payer leurs partenaires quitte à accroitre encore un peu plus l’uniformité sociologique déjà forte en politique. L’homme blanc âgé de 50 ans, qui a du mal à laisser la place aux femmes ou à plus jeune qui lui, doit donc aussi être riche.

En effet,  même pour débourser 1 500 euros, il faut être à l’aise. Certes, opposent les professionnels de la politique, les candidats seront remboursés après l’élection. Cette somme est un prêt pour la durée de la campagne et lorsque la liste a dépassé les 5% les colistiers sont remboursés. Certes, tous les candidats qui figurent sur une liste destinée à faire plus de 5% peuvent facilement obtenir un prêt auprès d’une banque, explique-t-on dans les états-majors parisiens. Certes, certes, certes. Mais quid des candidats figurant sur des listes qui ne passent pas la barre des 5% ? Quid des candidats qui ont déjà des emprunts ? D’autant que rien n’oblige la tête de liste à rembourser ses colistiers. Certains en ont déjà été pour leurs frais. Autant de risques qui écartent naturellement les représentants des classes populaires qui avaient déjà bien du mal à se frayer un chemin dans un monde politique de plus en plus professionnalisé. Bien sûr, affirment certains responsables politiques : "si on veut vraiment qu’une personne figure sur la liste on ne va pas s’arrêter à l’aspect financier des choses et on fera une exception".  L’entre soi reste quand même plus aisé et la critique d’un retour du suffrage censitaire new age à portée de main.

"Un autre problème se pose, explique un expert électoral. Le fait que les partis politiques n’assument plus leur rôle et ne donnent plus d’argent aux têtes de liste les empêchent d’avoir la main sur la manière dont ceux-ci font campagne". Et c’est ainsi que l’on a vu un Dominique Reynié en Midi-Pyrénées - Languedoc-Roussillon imposer ses co-listiers et retirer la candidature du secrétaire départemental LR de l'Hérault, Arnaud Julien, contre l’avis de la rue de Vaugirard. Le même Reynié assumant un bras de fer public avec Nicolas Sarkozy lors de la convention organisée par les Républicains à Paris le samedi 7 novembre. "On n’a même plus la main sur les thématiques de campagne, ajoute un cadre de l’opposition. Chacun fait et dit ce qu’il veut, ce qu’il croit être le plus efficace pour l’emporter et ça part dans tous les sens. Il n’y a plus de ligne politique".

Xavier Bertrand, lui, à titre personnel doit sans doute y voir un énième inconvénient : face à Marine Le Pen, il apparait désormais comme le candidat des riches riches. Une belle épine dans le pied lorsqu’on s’échine à séduire l’électorat populaire qui a tourné le dos à la politique. Décidément l’argent, s’il est nécessaire et aussi le poison de la politique. 

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