Envoi de troupes américaines en Europe : quand l’Oncle Sam montre ses gros bras à la Russie pour rassurer ses alliés<!-- --> | Atlantico.fr
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Les États-Unis intensifient leurs positions en Europe de l'Est depuis plusieurs mois.
Les États-Unis intensifient leurs positions en Europe de l'Est depuis plusieurs mois.
©Reuters

Débarquement

Les États-Unis intensifient leurs positions en Europe de l'Est depuis plusieurs mois. Ils appliquent une stratégie d’endiguement à l’encontre de la Russie. Si la tension est montée d'un cran depuis la crise ukrainienne, le risque d'une confrontation directe entre les deux puissances reste faible.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Atlantico : Faisant suite à d'autres informations allant en ce sens depuis le mois de juin, le Wall Street Journal affirmait ce lundi matin que de hauts responsables militaires américains ont proposé ce week-end, à l'occasion du Reagan National Defense Forum, d'envoyer plus de troupes en Europe. L'armée américaine renforce ses positions en Europe de l'est temporairement, pour se mettre en état de capacité d'intervention militaire à l'encontre de la Russie. Y a-t-il des raisons de s'inquiéter d'un possible conflit armé dans les prochains mois en Europe ?

Guillaume Lagane : L'annonce de ce déploiement témoigne d'un retour des tensions en Europe. Cela fait suite à l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et à l'arrivée en Ukraine de troupes armées par la Russie. Pour l'instant, le risque d'une confrontation directe entre les Etats-Unis et la Russie reste tout à fait lointain. Toutefois, l'environnement actuel est plus dangereux que lors des deux dernières décennies.

La situation en Europe a remis en question la politique du pivot de l'administration Obama. Celle-ci consistait à redéployer vers l'Asie les forces américaines basées en Europe et au Moyen-Orient, dans un contexte où les Eats-Unis considéraient que c'était en Asie que se situaient leurs intérêts primordiaux. La situation créée par la Russie en Ukraine et son interventionnisme en Syrie pousse les Etats-Unis à reconsidérer leurs déploiements et, plus largement, à remettre en question le consensus de l'après-guerre froide.

Quelles sont les forces déjà déployées en Europe ? Dans quelle(s) zone(s) géographique(s)?

Les Etats-Unis, depuis la création de l'OTAN en 1949, ont maintenu d'importants contingents militaires en Europe (300 000 hommes en 1991). Aujourd'hui, il y a à peu près 60 000 soldats américains déployés sur le sol européen, principalement dans le Nord de l'Europe - en Allemagne, en Angleterre, au Danemark-, mais aussi dans le Sud - en Espagne, en Italie (où se situe à Naples le commandement Sud de l'Alliance atlantique), en Grèce et en Turquie

Depuis 2014, l'idée est de déployer environ 5 000 GIs en Europe orientale, dans les pays de l'ex-Pacte de Varsovie afin de les rassurer sur l'engagement américain en Europe. Les Etats-Unis s'efforcent ainsi de contenir, d'endiguer la Russie, de l'isoler par une sorte de "cordon sanitaire". Le contingeats déployés sont faibles car l'armée américaine est confrontée à une baisse de son budget, à une baisse d'effectifs, et qu'elle a aussi d'autres terrains à couvrir (en Syrie, en Irak, en Afrique...).

Il s'agit aussi de réfléchir à une tactique appropriée pour répondre à la "guerre couvert", que les Russes pourraient lancer, sur le modèle ukrainien.

Comment décrypter la tactique militaire américaine ?

Sans revenir à la guerre froide, la volonté des Etats-Unis semble être de mettre en place une nouvelle stratégie d'endiguement (containment). Ils ne sont pas dans l'idée de refouler (roll off) les troupes russes qui sont en Ukraine. C'est une constante de l'administration Obama que de ne pas vouloir lancer de nouvelles interventions militaires , on l'a vu en Syrie en 2013.

En revanche, compte-tenu de la situation, ils sont quand même obligés de montrer à leurs alliés qu'ils restent présents. Avec ce déploiement renforcé, les Etats-Unis montrent que la solidarité de l'article 5 de l'OTAN n'est pas un vain mot et qu'en cas de crise, ils soutiendront leurs alliés comme l'Alliance Atlantique les y oblige. Ceci dit, le caractère déterminant d'un tel soutien dans le cas d'une éventuelle insurrection soutenue en sous-main par Moscou dans l'un des pays baltes n'a rien d'évident. 

A quelle réaction s'attendre de la part de Vladimir Poutine ?

Pour Vladimir Poutine, ce déploiement valide la vision obsidionale que sa propagande répand dans l'opinion russe. L'Occident est l'ennemi et les Etats-Unis cherchent à isoler la Russie, en créant une zone d'influence autour des frontières russes, menaçant Moscou de toutes parts.

Ce déploiement des forces américaines peut donc pousser Vladimir Poutine à renforcer ses moyens militaires, qui ont déjà cru de 50% sur les dix dernières années. L'armée russe compte environ 700 000 hommes, mais ce chiffre n'est pas tellement significatif, c'est la question de la capacité opérationnelle de ce pays qui se pose, de sa puissance technologique. Un déploiement d'armes nucléaires tactiques serait une possible réaction.

En même temps, ce déploiement souhaité par le Pentagone alors que le département d'Etat est plus enclin à dialoguer avec les Russes pour obtenir leur appui en Syrie, incite VladimirPoutine à la prudence. Les forces russes sont très utilisées, de la Syrie à l'Ukraine, alors que l'économie du pays est frappée par la chute du prix du pétrole et les sanctions.

Défier les Etats-Unis en créant des crises dans des pays qu'ils soutiennent pourrait avoir un coût plus important pour la Russie et même entraîner un risque de confrontation directe entre les deux Etats.

Propos recuillis par Adeline Raynal

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