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L'Europe s'asphyxie, sauvons la en dévaluant l'euro !
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Cote, décote, surcote

Le rétablissement de la parité Euro-USD autour 1.1 ou 1.2 (au lieu de 1.34 aujourd’hui) permettrait de redonner un vrai coup de fouet aux industries européennes et de soulager la pressions pesant sur la BCE pour qu'elle monétise la dette. Première partie de notre série en deux volets consacrée aux enjeux d'une réforme politique et économique européenne, qui reste à engager.

Driss Lamrani

Driss Lamrani

Driss Lamrani a exercé pendant plus de 10 ans les métiers de banquier d'affaires, d'opérateur de marché sur les produits dérivés et d'analyste financier au sein de divers établissements bancaires. Il a aussi participé à plusieurs ouvrages, en tant que spécialiste des opérations de marché.

Il a récemment publié, aux Editions Mélibée, un ouvrage intitulé "Vers de nouvelles bulles spéculatives... Comment les éviter ?", préfacé par Jacques Attali. Il est actuellement  stratégiste et économiste au sein d'un fonds alternatif à Londres spécialisée dans le Global Macro.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel, et ses propos n'engagent en aucune façon son employeur.

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La BCE ne peut pas, financièrement, tout de suite, se permettre de mener une monétisation de l’euro d’une ampleur suffisante pour faire face à la situation actuelle.

La BCE dispose actuellement d’environ 500Md€ de fonds propres. Ces fonds propres garantissent les États membre de la zone euro contre le risque de pertes sur les opérations mises en place par la BCE (achats d’obligations sur le marché secondaire, prêts collatéralisés par des dettes souveraines, etc). Dans le cas où les États membres en viendraient à faire défaut en chaine, les pertes subies sur ces dettes seraient absorbées d’abord par les fonds propres. Dans le schéma où les pertes seraient supérieures aux fonds propres, celles-ci viendraient augmenter l’endettement des États membres de la zone euro, et accélérer conséquemment les difficultés des pays membres.

Une étude récente de la très sérieuse Banque Nomura montre que l’euro est surévalué pour le potentiel de croissance d’un grand nombre de pays membres. La dévaluation nécessaire, face au dollar, est de 57% pour la Grèce, 27% pour l’Italie et quelques 10% pour la France. En dehors de l’Allemagne, tous les États bénéficieraient de la dévaluation de l’euro. L'Allemagne subirait, si une telle action est menée, une envolée de son inflation compte tenu de l’effet qu’aurait une dévaluation de l’euro sur la survalorisation du « Euro-DEM ». Une telle perspective n’est pas forcément négative pour l’Allemagne, qui risque de connaître un scénario déflationniste compte tenu de sa structure démographique actuelle (vieillissement de la population allemande, et besoin de financement des prestations de retraite en contrepartie d’une hausse prospective des coûts de l’emploi pour assurer ce financement).

Le montant monétaire nécessaire pour atteindre une parité de 1.1 ou 1.2 contre le dollar se chiffre en quelques trillions de dollars. Cependant, la décote actuelle (le prix actuel) sur les obligations souveraines européennes est tellement élevée que la quantité pouvant être acquise par la BCE n’est pas suffisante pour faire face au besoin de dévaluation. En effet, la capacité de monétisation de la BCE se limite, à ce jour, à 1.5 trillions au maximum, lorsque la quantité nécessaire pour gérer la dette doit être bien supérieure compte tenu des besoins de « resolvabilisation » du système bancaire européen, mis à mal par les craintes des opérateurs financiers et la perturbation du marché interbancaire. A titre de comparaison, la FED avait injecté lors de la crise de 2008, quelques 7 trillions de dollars (environ 5 trillions d’euros) dans le système bancaire américain. Il est fort à parier que la dévaluation de l’euro, pour atteindre l’objectif de 1.1, nécessiterait des quantités d’actifs similaires.

Cette incapacité d’action liée à la faiblesse du levier permis à la BCE explique la réticence de M. Draghi, ancien banquier et grand connaisseur des risques financiers liés aux montages structurés, à mettre en place une monétisation de grande ampleur tout de suite, avant l’intégration politique d'une Europe véritablement fédérale. M. Draghi serait plus à l'aise avec la monétisation de l’Euro dans un contexte ou les décotes seraient moins élevées. Il pourrait acquérir des quantités plus élevées. A titre d’exemple, une décote de 10% sur les dettes (au lieu de 30% en moyenne) pourrait donner une capacité de mettre en œuvre des injections de liquidité de 5 trillions par la BCE. En effet, pour 500 Mds de fonds propres absorbant 10% de pertes, la quantité d’actif pouvant être acquise est de 10 fois le montant des fonds propres.

Une baisse des décotes sur les obligations souveraines permettrait de repousser la spirale négative actuelle sur les obligations souveraines et donnerait aux institutions financières les liquidités dont elles ont fortement et urgemment besoin, à travers notamment la conclusion de swap de devises avec la FED. Une telle transaction serait essentielle pour mitiger le risque systémique bancaire. Nous l'aurions frôlé puisqu'avant l'action de la semaine dernière il semblerait, selon les rumeurs des marchés financiers, qu’une banque européenne était proche de la défaillance par manque de liquidité en USD.

Le rétablissement de la parité Euro-USD autour 1.1 ou 1.2 (au lieu de 1.34 aujourd’hui) permettrait de redonner un vrai coup de fouet aux industries européennes. Cet électrochoc pourrait être décuplé par la mise en place d’une réforme fiscale européenne basée sur la convergence, l’harmonisation et l’accompagnement de l’investissement et de la croissance. La création d'emploi, qui découlerait de cette combinaison d’actions, permettrait la hausse de la consommation et les revenus fiscaux des Etats. L’amélioration des comptes publics permettrait de rembourser la dette abyssale tout en visant la règle d'or sereinement, dans un climat de croissance et non dans un scénario d’austérité.

La construction fédérale de l’Europe permettrait aux économies européennes (y compris au Royaume-Uni), et à l’économie mondiale de réduire les tensions dépressives actuellement en construction. 

Les EUE permettraient à la Banque centrale européenne (BCE) d’agir d’une façon similaire à la FED (réserve fédérale américaine). Elle lui offrirait les conditions de mise en place d’un programme de monétisation à grande échelle, tout en lui assurant sa survie, puisque limitant les risques de défaut. Cela créerait les conditions de la mise en place des Eurobonds et de la construction de la croissance européenne.

Lire le deuxième volet de notre article, intitulé "L'Europe a rendez vous avec l'histoire, saura-t-'elle éviter le crash ?"

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