L’Eglise face à la Cop 21.... et à la tentation de la décroissance ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
L’Eglise face à la Cop 21.... et à la tentation de la décroissance ?
©Reuters

Ecologie humaine

Publié en juin 2015, à quelques mois de la COP21, la dernière encyclique du pape François est consacrée aux questions environnementales et à l'écologie humaine. Certains membres du clergé sont tentés d'y trouver des arguments en faveur de la "décroissance".

Bernard Lecomte

Bernard Lecomte

Ancien grand reporter à La Croix et à L'Express, ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine, Bernard Lecomte est un des meilleurs spécialistes du Vatican. Ses livres sur le sujet font autorité, notamment sa biographie de Jean-Paul II qui fut un succès mondial. Il a publié Tous les secrets du Vatican chez Perrin. 

Voir la bio »

Atlantico : Une option aussi radicale en faveur de la décroissance pourrait-elle trouver des justifications dans les fondements du christianisme ? 

Bernard Lecomte : Si l’encyclique Laudato si’ a provoqué tant de réactions, c’est qu’elle va bien au-delà des textes habituels sur l’écologie. Tous ceux qui ont lu ce document, catholiques ou non, en ont salué la richesse exceptionnelle. En affirment, à plusieurs reprises, que "tout est lié", le pape insiste sur l’idée que la défense de l’environnement ne saurait se limiter à la lutte contre le réchauffement climatique et à la promotion du développement durable – nécessaires au demeurant – mais à une révision complète du modèle de production et de consommation qui fait le malheur de l’humanité et notamment de ses régions les plus pauvres. Il s’agit, écrit le pape, de "convertir" notre modèle de développement devenu néfaste et injuste. Il ajoute : "L’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans certaines parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties". La radicalité des propos du pape n’est donc pas là où l’on a cru la lire. Il écrit d’ailleurs, à un autre endroit, que "personne ne prétend vouloir retourner à l’époque des cavernes" ! En fait de "décroissance", le pape reprend l’idée déjà émise par Benoît XVI qu’il importe de favoriser, dans nos sociétés obsédées par le consumérisme, des comportements "plus sobres", c’est-à-dire à dimension humaine, et de rappeler le but de tout développement n’est pas l’accumulation effrénée des richesses, mais le "bien commun". Il suffit de prendre l’exemple de l’accès à l’eau potable pour vérifier que tout cela est très concret !

Rarement un texte papal n'a eu autant de succès auprès du grand public : un mois après sa sortie en France, près de 100 000 exemplaires s'étaient déjà écoulés. Un tel intérêt est-il dû à cette radicalité, à cet appel à une remise en cause plus générale du monde contemporain ?

Le succès de l’encyclique tient d’abord à sa modernité. A chaque fois qu’un pape s’est ainsi saisi d’un sujet devenu capital pour ses contemporains, il a rencontré l’intérêt du public. Ce fut le cas pour Léon XIII quand il publia Rerum novarum en 1891 (sur les exigences sociales du développement industriel) ou pour Jean XXIII quand il rédigea Pacem in terris en 1963 (sur le danger de guerre atomique). C’est le cas, cette fois, sur la sauvegarde de la planète. Parce que l’Eglise apporte aux réflexions communes une dimension éthique, morale et spirituelle qu’on n’est pas obligé de partager, bien sûr, mais qui en fait, objectivement, toute la valeur.

L’approche de la conférence COP21 incite beaucoup de décideurs, de responsables ou d’esprit curieux à lire l’encyclique du pape François. Nombre de ses lecteurs, surtout ceux qui ne connaissent pas bien la doctrine sociale de l’Eglise, sont surpris de la profondeur de la réflexion papale. Du reste, beaucoup de délégués du tiers monde à la conférence de Paris, fin novembre, auront le texte papal sur leur pupitre. J’observe que c’est dans les milieux politiques français qu’on se réfère le moins, pour le moment, à l’encyclique du pape François…

Quels sont d'après-vous les risques de défendre la décroissance comme une solution aux dérives économiques et technologiques du monde contemporain ? Faut-il, pour les représentants de l'Eglise, se démarquer des écologistes par exemple ?

Le pape, qui représente un peu plus d’un milliard de catholiques sur l’ensemble de la planète, ne se situe pas sur le même terrain que les écologistes. Il ne négocie aucune alliance électorale à l’approche des régionales, et il n’ambitionne pas d’entrer dans le gouvernement Hollande ! Plus sérieusement, l’encyclique du pape argentin, qui connaît le monde et le tiers monde, dépasse largement les questions strictement politiques sur le nucléaire, les OGM ou les éoliennes. Il aborde toutes les dimensions du problème : politique et économique, certes, mais aussi philosophique, sociétale et spirituelle qui composent, comme il dit, une "écologie intégrale".

Le pape propose une vision globale de la façon dont les hommes doivent préserver leur "maison commune", une vision qui inclut une nouvelle définition du progrès, un rappel des buts fondamentaux de l’existence humaine, des points de repère pour une éthique sociale et humaniste, une réflexion sur le droit à la vie. Je cite ce passage, par exemple : "Quand on ne reconnaît pas la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne handicapée, on écoutera difficilement le cri de la nature elle-même". Ce n’est pas seulement le logiciel technologique et économique que le pape appelle à changer ! Qui d’autre que lui ose aller aussi loin dans la défense de l’homme sur terre ? 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !