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Notre-Dame-des-Landes : les arrière-pensées masquées du duel public Valls-Duflot
©Reuters

Au bal masqué ohé ohé

Quatre mois après le rejet des recours déposés par les opposants au projet Notre-Dame-des-Landes, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé la reprise des travaux, et la préfecture a lancé un appel d'offre pour reprendre le chantier. Suite à cette annonce, Cécile Duflot a menacé de ne pas inviter les militants EEVL à se rassembler derrière les rangs du PS pour les élections régionales qui ont lieu dans un mois. Cécile Duflot et Manuel Valls, déterminés, préparent chacun à leur manière, le terrain pour 2017.

Frédéric  Métézeau

Frédéric Métézeau

Frédéric Métézeau est journaliste depuis 15 ans. Il a été journaliste pour France Bleu Nord, basé à Lille, et a présenté les informations sur France Inter avant devenir chef du service politique sur France Culture. Depuis août 2015, il est chef du service politique de France Inter.

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Atlantico : Cécile Duflot a annoncé refuser tout alliance avec le PS si Manuel Valls n'arrêtait pas l'appel d'offre en cours pour reprendre le chantier de Notre-Dame-des-Landes. Que cherche t-elle dans cette affaire ? Quelle est sa stratégie ?

Frédéric Métézeau: Cécile Duflot est constante. Elle reste absolument fidèle aux engagements d'Europe Ecologie les Verts, et plus précisément au courant qu'elle porte au sein du parti. Notre-Dame-des-Landes représente un sujet non-négociable pour les Verts. Ce projet n'a pas de place au cœur de leur logiciel politique. Cécile Duflot cherche à tenir sa pensée la plus profonde de façon très sincère. Pour elle, il s'agit d'un projet qui n'est pas fiable, pas pertinent. En le dénonçant avec force et en se rendant sur les lieux, elle veut rester fidèle à ses engagements.

Son choix de placer Notre-Dame-des-Landes en priorité politique n°1 quitte à abandonner le front anti-FN, ne revient-il à penser que pour elle, ce projet est un plus grave danger que le Front National ?

Il y a deux scénarios possibles. Si nous prenons en premier le cas de la région pays-de-la-Loire. Soit le FN est en position pour se maintenir au 2nd tour et concurrence directement le PS. Dans ce cas là, effectivement il peut y avoir un émiettement des voix et peut-être que la gauche peut perdre cette élection. Est-ce que cela sera au bénéfice de la droite ou de l'extrême droite ? Cela reste à prouver. Ensuite, Cécile Duflot a dans son esprit la formule "il vaut certainement mieux perdre une élection que perdre son âme".

Si nous appliquons son raisonnement à l'ensemble de la France, et par exemple à la région Nord-pas-de-Calais, si Notre-Dame-de-Landes demeure, les Verts n'appelleraient pas à voter pour le PS. Déjà, ce sont les militants d'EEVL qui se prononceront dans les urnes. Ensuite, le raisonnement des Verts est le suivant : est-ce que, sous prétexte de menace du FN, il faut à tout prix abdiquer les engagements écologistes ?

Nous pouvons également retourner l'argument. Cécile Duflot peut se demander si ce ne sont pas un certain nombre d'errements et d'erreurs du PS qui font monter le FN. Notre-Dame des Landes est considéré comme une de ses grandes erreurs. Pour EEVL, ce qui fait en outre monter le FN c'est le social libéralisme et l'abandon de promesses environnementales. François Hollande a gagné en 2012 parce qu'il avait un programme qui faisait quelques avancées écologiques, or aujourd'hui il perd de la vitesse sur ce terrain.

Cécile Duflot peut-elle également chercher à développer une stratégie en vue certes des élections régionales, mais surtout de 2017 ?

Cécile Duflot se prépare à une candidature pour 2017 c'est certain. Toute la question de 2017 est la suivante: considère t-on que Marine Lepen sera forcement au second tour ? A partir de là, cela signifie qu'à gauche comme droite : chacun veut faire des primaires pour éviter le danger de l'émiettement. La droite se dirige vers les centristes pour faire un front anti-FN. A gauche, le PS veut se réunir pour éviter un nouveau 21 avril. Ce rassemblement réside dans l'idée qu'il est possible que Marine Lepen arrive au 2nd tour. Ce qui veut dire, que les petits partis doivent se mettre derrière les gros. La question qui se pose est: doit-on geler la pensée politique et geler toute idée de projet en raison du FN, et donc avoir dès le premier tour une logique de front républicain ? Ou alors, faut-il interroger le PS et les Républicains sur leur politique : ont-ils mené une bonne politique, en matière d'environnement, d'économie, de politique européenne, fiscale ? Pour l'instant leur argument est plutôt de dire "attention, il y a un gros danger FN, évitons de nous poser des questions, et que tout le monde vienne se ranger derrière nous." Cécile Duflot ne veut pas de cela, et c'est pourquoi elle se positionne ainsi : elle veut rester fidèle aux engagements de son parti.

Pourquoi le premier ministre a-t-il décidé de la reprise des travaux maintenant, à un mois des élections régionales, sachant que les recours déposés par les opposants avaient été rejettés début juillet ? 

Manuel Valls est comme Cécile Duflot : fidèle à ses engagements. Il estime que cet aéroport est une bonne chose, qu'il participe au développement économique, et donc il pense qu'il n'y a aucune raison d'abandonner le projet Notre-Dame-des-Landes. Il tient le même discours qu'avec le pacte de responsabilité par exemple. Il pense être dans ce qui lui semble juste et il trace sa ligne. Le discours de Manuel Valls est justement de dire "les français supportent de moins en moins les reculades et les revirements, donc il vaut mieux être soit même, jusqu'au bout." Selon lui, revenir sur ses promesses est aussi ce qui fait le jeu du FN. Manuel Valls veut être cohérent avec lui-même.

En revanche, annoncer cela à un mois des régionales et de la COP21 est vraiment malheureux en terme de communication et de message envoyé à ceux qui sont opposés à Notre-Dame-des-Landes.

Le raisonnement politique de Manuel Valls et de son entourage est que les écologistes sont tellement faibles et tellement éparpillés qu'ils ne pèsent plus assez pour concurrencer le Parti socialiste. C'est ce que m'expliquait un député proche de Manuel Valls : « les écologistes sont tombés très bas, ils sont en train d'exploser. Et chez eux c'est « plus écolos que moi tu meurs » ». Donc le PS et notamment Manuel Valls, raisonne de manière politique, en terme de rapports de force. Ils pensent donc que les écologistes sont trop faibles pour mériter des égards, donc par exemple qu'on aille dans leur sens sur la question de Notre-Dame des Landes. L'autre argument de Manuel Valls et de l'exécutif c'est de dire « on ne peut pas nous accuser d’être des pollueurs ou des bétonneurs car on se bat pour la COP21 et on est en train d'augmenter la fiscalité du diesel. Donc en matière d'environnement on n'a pas de leçons à recevoir ! »

Ne peut-on pas y voir derrière une stratégie de la part de Manuel Valls, comme celle d'un piège tendu à Cécile Duflot qui permettrait ensuite de la de la montrer coupable de la division de la gauche ? Stratégie, qui aurait pour objectif de la décrédibiliser en vue de 2017 ?

Oui, bien sûr. Quand vous vous engagez dans une l'élection présidentielle, dont le système fait que seulement deux candidats peuvent être présents au second tour, vous devez tout faire pour affaiblir ceux qui se présentent contre vous. Il s'agit d'une stratégie permanente en politique. Quand vous avez des candidats face à vous, il faut les affaiblir. Vous n'allez pas faire en sorte de faire monter les gens qui sont face à vous, surtout quand vous êtes le président sortant. Lorsque vous êtes le sortant, vous avez tout intérêt à être le candidat unique de votre bord et à ce que tout le monde se range derrière vous. C'est ce qu'a cherché à faire Nicolas Sarkozy en 2012. Il a tout fait pour que le centre-droit ne se présente pas. Certes, François Bayrou s'est présenté, mais mis à part ce dernier, Hervé Morin ne s'est pas présenté et Christine Boutin non plus. François Hollande qui ambitionne d'être candidat 2017 à intérêt à ce que ses concurrents à gauche soient le plus faible possible. Reste la question des réserves de voix qui est en partie liée à la manière dont vous vous êtes comporté avec vos concurrents avant le premier tour. Si vous humiliez vos concurrents de gauche au premier tour, il est sûr que leurs électeurs viendront moins facilement vers vous au second. 

C.P.

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