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Législatives : le PS sombre 
dans la guerre des clans
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Rien ne va plus

L'investiture pour les élections législatives de 2012 divise les socialistes. Cécile Duflot parachutée dans le 11e arrondissement de Paris, Malek Boutih qui accuse Julien Dray de "tricherie", Jack Lang pas investi dans le Pas de Calais après les accusations d'Arnaud Montebourg... autant d'affaires qui entachent l'unité de façade des socialistes.

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Ces derniers jours ont été marqués par plusieurs querelles de candidats socialistes à l’investiture pour les élections législatives de 2012. Cécile Duflot parachutée dans le 11e arrondissement de Paris, Malek Boutih qui accuse Julien Dray de "tricherie". Hier encore, Jack Lang n'était pas investi dans le Pas de Calais suite aux accusations de financement illégal portées par Arnaud Montebourg contre la fédération socialiste du département. Le Parti socialiste est-il en train de plomber la campagne de François Hollande ?

David Valence : Ce qui est sûr c’est qu’une partie de l’opinion peut avoir le sentiment que le Parti socialiste considère qu’il a déjà gagné l’élection présidentielle et que son objectif principal est maintenant les législatives. Il faut se souvenir que le même sentiment d’euphorie face à une victoire qui apparaissait certaine était déjà présent chez les socialistes en décembre 2006. Les sondages à l’issu de la primaire qui avaient départagé Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn donnaient Ségolène Royal gagnante devant Nicolas Sarkozy. Déjà à cette époque, on avait le sentiment que les socialistes avaient la tête à la présidentielle, considérant que les choses étaient réglées.

Au-delà même des législatives, un certain nombre de déclarations dans la presse ont donné le sentiment que les socialistes se partageaient déjà les postes. Je pense notamment au fait que Ségolène Royal ait déclaré qu’elle était quasiment assurée de devenir présidente de l’Assemblée, ce qui est tout à fait prématuré car elle est investie dans une circonscription où elle n’est aujourd’hui même pas député. Beaucoup de socialistes ont déjà la tête à l'« après », ce qui est relativement dangereux électoralement.

Au-delà des querelles d'investitures, il semble que les clans Aubrystes et Hollandais soient toujours en vigueur, malgré l'unité de façade... 

Ce sont les conséquences d’un paradoxe qui veut qu’en France, depuis 2002, les deux candidats que les socialistes ont investi n’étaient pas les leaders du parti. Dans la plupart des autres pays occidentaux, même s’ils ont des régimes parlementaires, le candidat à l’élection suprême est toujours le leader du parti. Il y a là un hiatus que l’on retrouve dans d’autres formations politiques de gauche notamment chez les Verts qui fait que le candidat est forcé, pour ne pas avoir l’air enfermé dans le parti, de dire autre chose que le parti et comme il n’en tient pas les clés, il est bridé par des accords qu’il n’a pas lui-même négocié. C’est ce qui s’est passé avec François Hollande et Martine Aubry. Martine Aubry a négocié avec EELV et François Hollande s’est trouvé lié par un accord dont il ne connaissait pas très bien les termes. Il a été obligé de démentir et de détricoter tout ça. On a peut-être surestimé la part d’unité du Parti socialiste après les primaires, un certain nombre de personnes au PS a toujours du mal à digérer que ce soit François Hollande le candidat.

Qui est le responsable de cette situation ? Le système de la primaire ou les négociations avec les partenaires ?

Je ne pense pas que les primaires aient créé la polémique. La désignation d’un candidat qui ne soit pas le chef du parti crée une situation inextricable. Il aurait fallu en toute logique que Martine Aubry démissionne de son poste de premier secrétaire à partir du moment où elle avait perdu les primaires. Elle ne l’a pas fait, il y a donc deux têtes différentes. Et comme Martine Aubry n’est pas du genre à expédier les affaires courantes pour quelqu’un d’autre, elle continue d’avoir la main sur le parti. Il y a forcément un hiatus entre les deux courants politiques.

L’ouverture de négociations avec les Verts et le Front de gauche traduit la réalité de la gauche. Malgré une division du PS en écurie qui sont plus ou moins proches d’une personnalité, structurellement, les socialistes ont un problème avec les élections présidentielles, cela fait longtemps qu’on le sait. Les socialistes sont plus à l’aise dans la négociation électorale avec les partenaires que dans la personnalisation ou la remise des clés à un candidat qui défendra leurs propositions.

Comment expliquer alors ces tensions ?

Il faut bien analyser les raisons qui font qu’il y a ce type de dissension. La première c’est qu’il y a eu un redécoupage électoral depuis 2007, et il y a donc des circonscriptions qui disparaissent, notamment en Seine St Denis où la carte a été profondément modifiée. Il est donc logique qu'il y ait entre Claude Bartolone, Elisabeth Guigou et d’autres, un peu de tension. La deuxième raison c’est que le PS a beaucoup d’élus locaux, c’est devenu un parti d’élus et de collaborateurs d’élus, donc beaucoup d’ambitions à satisfaire. Cela complique la tâche de la féminisation, l’ouverture à la diversité et de la négociation avec les partenaires. Le PS doit également négocier avec des alliés comme EELV qui sont devenus plus gourmands car ils ont obtenu de bons scores lors des élections intermédiaires. Pour toutes ces raisons, les législatives se déroulent pour le PS dans un contexte difficile. Entre ces trois circonscriptions, il n’y aura sans doute pas de candidat contre Royal parce qu’elle est quand même présidente de région, ce n'est pas un parachutage. Elle a le soutien du député sortant Maxime Bono.

Dans le cas de Dray et Boutih c’est vraiment un affrontement interne au PS, c’est un règlement de comptes entre deux personnes qui ont été très proches. C’est SOS Racisme contre SOS Racisme. Le plus dangereux pour le PS est le cas Cécile Duflot contre Danielle Hoffman-Rispal dans le 11e arrondissement de Paris. Si la député sortante socialiste se maintient et qu’elle bat Cécile Duflot au premier tour (ce qui est probable), cela sera un énorme cactus dans les relation Verts/PS.

Pour les investitures aux élections législatives, le vote des militants socialistes est purement consultatif. La direction du PS peut outrepasser la décision des urnes. Cela vous parait-il logique ?

Dans un certain nombre de circonscriptions, des candidats avaient demandé que sur le modèle de la primaire pour la présidentielle, cela soit à nouveau une primaire ouverte. Cela a été le cas dans plusieurs départements pour éviter que les apparatchiks soient désignés par les militants encartés.

Il est vrai que les nécessités d’arbitrage font que le PS ne peut pas se lier les mains. Je pense que tous les candidats qui seront investis avec plus de 60% des voix sont relativement tranquilles pour la suite. Ceux qui seront contestés ou qui auront une majorité étroite auront le risque d’être dédits par le PS.

Ce mode de désignation est démocratique mais risque de susciter des candidatures dissidentes. Je prends le pari que la discipline à gauche, qui est quand même assez bonne au PS, sera moins respectée aux prochaines législatives. Il y aura plus de candidatures dissidentes en 2012 qu’en 2007.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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