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Domptons la mondialisation plutôt que de la subir !
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La paresse et l’incurie des élites européennes ont conduit à ce que le gouvernail de la mondialisation échappe aux Européens alors même que le vieux continent en est une pièce maîtresse. Les bonnes feuilles du livre deJean-Luc Sauron : "L'Europe est-elle toujours une bonne idée?" Extraits 2/2

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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La situation de l’Europe rappelle une nouvelle de Kafka, où un homme attend toute sa vie d’entrer dans un château empêché par un gardien menaçant et revêche. Puis, alors qu’il va mourir, il s’étonne de n’avoir vu personne entrer par cette porte. Le gardien lui révèle alors que cette porte lui était réservée, lui seul pouvait l’emprunter pour entrer dans le château.

La mondialisation n’est pas un handicap, encore moins une malédiction pour les Européens. Elle constitue sans doute « leur » porte d’entrée dans le XXIe siècle. Pour cela, donnons-nous les moyens de l’emprunter en acceptant cette singularité partagée par les cinq cent deux millions d’Européens. Nous n’arriverons à passer cette porte qu’ensemble ou bien nous serons condamnés à rester, tous mais séparément, devant cette porte qui, comme dans la nouvelle de Kafka se fermera de manière irrémédiable.

L’Europe tient une place centrale dans la mondialisation : que ce soient les États-Unis ou les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et Afrique du Sud), tous savent que nous sommes sur le même bateau. Simplement, la paresse et l’incurie des élites européennes conduisent à ce que le gouvernail échappe aux Européens. Il est bien temps de se lamenter en France sur cette situation, alors que les budgets sont déficitaires depuis 1974 !

Dans le discours politique sur l’Europe, le fossé entre les « coûts de court terme » et les « avantages de long terme » est difficile à franchir. L’Europe a plus que jamais besoin d’un débat urgent sur les coûts (et les conséquences) politiques, économiques et géostratégiques d’une « non-intégration », plutôt que de discuter uniquement sur ces impossibilités. Plus que jamais, la force de l’Union est de ne pas être statique, d’être flexible et de pouvoir réagir face aux défis du XXIe siècle. Le besoin d’une modernisation du débat européen actuel se fait sentir. Le concept de géostratégie européenne et d’intérêts européens doit être introduit pour prendre de la distance et intégrer l’avenir.

Passer de la souveraineté limitée qui était celle des États européens à l’époque de la guerre froide à la « souveraineté partagée » mais réelle dans un cadre fédéral prendra du temps. Il faut restaurer « le temps long » pour les individus et pour les sociétés, se libérer de la dictature du présent et de l’immédiat que le néolibéralisme économique a imposé au monde depuis près de 40 ans.

L’Europe a su régler les problèmes d’hier. Elle dispose d’un capital de ressources pour régler les problèmes d’aujourd’hui : la mondialisation ou le partage des richesses au niveau mondial. Autrement dit, jusqu’à présent l’histoire de l’Europe était essentiellement « interne » : réconciliation franco-allemande, amélioration économique, et élargissement. L’Europe de demain se définira par ce qu’elle réalisera par delà de ses frontières (mondialisation, etc.). L’idée d’une puissance continentale partageant (et non plus dominant) la direction des affaires du monde pourrait, sans doute, rendre à beaucoup l’appétit pour les affaires européennes !

Les Européens accepteront de se lancer et de s’investir dans une aventure de grandeur et d’espérance. Redonnons un sens à l’aventure de plus de cinq cents millions d’Européens qui ont hâte de s’inscrire dans un projet commun. L’identité européenne est difficile à discerner au sens classique du terme. La pluralité des langues (vingt-trois reconnues au sein de l’Union, sans compter d’importantes langues régionales), des religions (quelle proximité existe entre un Luthérien suédois, un Grec orthodoxe et un Français de confession musulmane ?) des approches éthiques et des mémoires nationales interdit d’en donner un contenu précis, partagé et suffisamment fort dans lequel chacun des Européens puisse se projeter.

En revanche, la matérialisation de cette communauté de destin, réaffirmée dans le cadre de la démarche intégrationniste, puis fédérale proposée ci-dessus, constituera le socle de la solidarité nécessaire entre les habitants des vingt-sept États membres de l’Union européenne.

Elle est ce qui permettra à un Européen de se sentir comme tel et de pouvoir partager avec ses semblables un patriotisme européen. Elle est constitutive de l’identité européenne.

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Extraits deL'Europe est-elle toujours une bonne idée ?  Souverainetés nationales, Union européenne, Mondialisation, Gualino Éditeur (6 décembre 2011)

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