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Défense du "made in France" : une fausse bonne idée
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Cocoricouac

François Bayrou prône un label "made in France", au nom d’un pacte national pour produire et acheter au pays. Une idée déjà ancienne, mais qui se révèle plus compliquée à mettre en place qu'on ne pourrait le supposer...

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Monsieur Bayrou a plaidé jeudi en faveur d’une relance de la production française via la création d’un "label France", essayant de rallier les Français au panache tricolore. "Il faut bien faire quelque chose, c'est une question de vie ou de mort" a-t-il même ajouté.

Faire du neuf avec du vieux

Il y a deux mois déjà, dans un article Aux armes consommateurs, nous faisions état de la tendance à la référence au pays d’origine. Au niveau théorique, ce concept avait été théorisé par des chercheurs en marketing dans les années 1990 et 2000. Il existe une relation positive entre la perception d'un pays et l'évaluation de ces produits, qui peut générer une préférence en termes d'achats. D’un point de vue concret, ces questions ont déjà quitté le débat politique et sont en train d’être votées.

L’extension de l’obligation du marquage d’origine, aujourd’hui limitée aux fruits, légumes et viande bovine, fait aussi l’objet de nombreux débats au sein des institutions européennes. Au Parlement européen et au Conseil, trois projets de règlements sont en cours d’examen : proposition sur l’indication du pays d’origine de certains produits importés, proposition relative à l’étiquetage des produits textiles, proposition concernant l’obligation d’étiquetage pour tous les types de viandes et produits laitiers.

La tentation électoraliste

Alors certes, le sujet est à la mode. L’étude IFOP du 24 novembre montrait que 66% des français se déclarent prêts à payer jusqu'à 10% plus cher pour du made in France. Mais elle ne fait que confirmer des études plus anciennes. Selon le Credoc, en 2011, 64% des Français se déclaraient déjà prêts à payer plus cher des produits industriels fabriqués en France plutôt qu'hors d'Europe. Et cette enquête ne faisait que confirmer une étude de la TNS Sofres, de mars 2010. Les Français s’y montraient très attachés aux produits de consommation portant la mention "Fabriqué en France". 95 % des Français estimaient important, dont 65 % très important, que les entreprises indiquent aux consommateurs si leurs produits sont fabriqués en France, et près de 93% d’entre eux déclaraient même qu’il s’agissait d’une information pouvant motiver leur décision d’achat. Remarquons qu’en 2005, quand moins d’un Français sur deux (44 %) était disposé à payer ce supplément, peu de politiciens entonnaient le même couplet.

Label obligatoire "fabriqué en France" : un mensonge

Tout d’abord, il n’existe aucune obligation légale de préciser l’origine d’un produit vendu en France. La loi sanctionne uniquement l'apposition d'indications d'origine inexactes en tant que fraude. L’Etat utilise certains critères pour vérifier les certificats d'origine, notamment la notion de transformation substantielle mais parfois le simple assemblage de pièces importées permet d’apposer ce label.

Rendre obligatoire un tel label rendrait plus difficile la vente pour les produits importés des autres pays de l’Union européen que les produits nationaux et pourrait donc être considéré comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation interdite par l’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. C’est pourquoi les débats à ce sujet ont lieu au niveau communautaire.

Des labels indicatifs existent déjà !

La meilleure voie pour opérer reste donc les démarches volontaires de la part des entreprises. Là encore, le débat est loin d’être nouveau. Il y a 18 ans, l'Assemblée permanente des Chambres de Commerce et d'Industrie lançait déjà la campagne : "Nos emplettes sont nos emplois". Depuis mai 2010, l'association Pro France a obtenu la création d'un véritable label au sens juridique du terme, appuyé sur un cahier des charges rigoureux, et non d'une mention commerciale de référence à l'origine. La mission de certification a été confiée bureau d’études indépendant Bureau Veritas et a abouti à la création d'un référentiel applicable à tous types de produits s’ils remplissent deux conditions : au moins 50% de la valeur du produit doit avoir été acquise sur le territoire national et le lieu où il a pris ses caractéristiques essentielles est situé en France.

Pour l’instant le nombre d’entreprises agréées reste modeste[1], ce qui s’explique par le faible nombre de productions industrielles capables de répondre à ces conditions. Vouloir changer la structure industrielle du pays via le seul ajustement des comportements des consommateurs se révèle donc très illusoire.



[1] Opticiens Atol et Vuillet Vega, brasseur Kronenbourg, fabricant d’électroménager FagorBrandt, fabricant de couche Génération Plume, entre autres.

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