Alerte au krach : la prochaine crise mondiale pourrait bien avoir déjà commencé<!-- --> | Atlantico.fr
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La dette mondiale s’est accrue de 57 trillions de dollars.
La dette mondiale s’est accrue de 57 trillions de dollars.
©Reuters

La Terre n'a plus un rond

Accroissement de la dette mondiale de 57 trillions de dollars depuis 2007, ralentissement économique chinois, baisse du pétrole... les premiers signes d'un nouveau krach mondial font déjà leurs premières victimes. Et pour cause : le monde n'est plus capable d'aligner un taux de croissance supérieur à son taux d'endettement.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Depuis l’année 2007, la dette mondiale s’est accrue de 57 trillions de dollars, ce qui représente une progression de la dette de 5.3% par an depuis lors, soit un taux plus élevé que la croissance mondiale. Quels sont les risques associés à une telle situation ? Comment y faire face ? Les symptômes d’un crash mondial sont-ils déjà perceptibles ?

Nicolas Goetzmann : Le symptôme le plus flagrant de ce phénomène est la situation actuelle du Brésil. Parce que si la nouvelle est passée inaperçue, il n’est pas inutile de rappeler que la dette brésilienne a été dégradée par S&P au rang d’ "obligation pourrie" en septembre dernier, et que, par conséquent, les taux d’intérêts à 10 ans ont explosé, pour atteindre 16%, et ce, alors même que le pays est en récession. Ce qui est déjà une situation intenable. Le Brésil fait donc figure de première victime, et il s’agit de la 7e économie mondiale, juste derrière la France.

Mais plus largement, la question de la soutenabilité de la dette mondiale doit être abordée d’un point de vue dynamique, et non pas statique. Le point inquiétant n’est pas que la dette ait progressé de 53 trillions de $, mais que le taux de croissance de l’endettement soit supérieur au taux de croissance économique. C’est la relation entre ces deux variables qui a un effet, et non pas la dette prise isolément. Parce que la croissance permet aux Etats d’assurer un certain niveau de revenus, qui leur permet alors de faire face au remboursement de leurs engagements. Ce qui est d’ailleurs vrai pour tous les acteurs économiques, qu’ils soient des entreprises ou des ménages. Il s’agit de comparer le revenu et la capacité de remboursement de la dette. 

Le défi actuel relève donc plus de la capacité des Etats à générer une croissance suffisante pour permettre de faire face à leur niveau d’endettement. Et non l’inverse. Parce que la dette est aussi le symptôme d’une faible croissance. Dans le cas d’un ralentissement de la croissance, les Etats ont tendance à ne pas abaisser leur niveau de dépense, ce qui produit des déficits et donc de la dette. Ce qui signifie, au bout du compte, que la cause du phénomène est la faible croissance. Aussi longtemps que ce problème de faible croissance ne sera pas résolu, la question de l’endettement sera effectivement une menace crédible sur l’économie mondiale. 

Parce que certaines décisions politiques se concentrent sur le symptôme, c’est-à-dire la dette, sans se préoccuper de la cause, c’est-à-dire la croissance. Le résultat, c’est que les dépenses des Etats sont revues à la baisse, ce qui entraîne également une baisse de la croissance, et le cercle vicieux s’enclenche dans une spirale déflationniste. 

L’objectif est donc de mettre en place des politiques de soutien de l’activité, ce qui peut prendre des formes très différentes en fonction des pays concernés. Le Brésil doit se réformer, la Chine doit continuer sa bascule vers un modèle de consommation, l’Europe doit relancer son activité etc... Lorsque les grandes puissances atteindront leur potentiel de croissance, ce qui est un objectif réalisable, la dette baissera mécaniquement. 

Au cours des derniers mois, la locomotive de la croissance mondiale, c’est-à-dire la Chine, a pu montrer certains signes de faiblesse. Quelles sont les conséquences de changement de paradigme au niveau mondial ? Et plus précisément au niveau européen ?

La problématique ne concerne pas la Chine seule, mais la réaction en chaîne qu’elle implique. Lorsque la croissance chinoise décélère, lorsque le modèle de croissance local évolue vers la consommation intérieure, cela a des conséquences pour les autres. Et notamment les grands pays exportateurs de matière première, comme le Brésil, ou les pays dépendants de leurs ventes de produits pétroliers. Les perspectives de croissance chinoise ne sont plus suffisantes pour assurer des prix élevés, et l’ensemble de ces Etats sont fragilisés par cette situation. Outre le Brésil, le Venezuela est au bord du gouffre. Certains pays africains subissent l’effet ciseau de la baisse du pétrole et du désinvestissement chinois, l’Algérie est également menacée à terme. La Russie est dans une situation périlleuse. Il s’agit donc pour ces pays d’accélérer la diversification de leur économie afin de ne plus être totalement dépendants de leurs exportations de matières premières, mais cela nécessite du temps. En l’occurrence, si les risques sont économiques, ils sont aussi géopolitiques. 

Concernant l’Europe en particulier, la BCE vient de produire un document analysant l’impact du ralentissement chinois. Mais la conclusion est la même, le seul ralentissement chinois n’est pas une véritable menace, c’est l’ensemble de ses conséquences sur des pays plus dépendants, et donc plus fragiles, qui devient alarmant.  

"Par conséquent, l'impact sur la zone euro d‘un approfondissement du ralentissement en Chine dépend en définitive de la mesure dans laquelle ce ralentissement déborde à d'autres marchés émergents, plus généralement, et de la mesure dans laquelle la perte de confiance qui en résulte affecte les marchés financiers mondiaux ainsi que le commerce mondial"

Ce qui signifie surtout qu’il n’est pas question de nier la réalité, et que l’Europe doit prendre en compte ces différents développements au sérieux, parce que nous ne sommes pas immunisés. Les exportations européennes représentent 26.4% du PIB du continent, ce qui est bien plus lourd que l’exposition des Etats Unis (8.8%), ou même de la Chine (24.6%).  

Si certains symptômes d’un nouveau crash se sont déjà matérialisés, que peuvent faire les pouvoirs publics pour l’éviter ? 

Malheureusement, dans certains cas, il est déjà trop tard. D’un point de vue global, la question prioritaire est que les grands ensembles économiques soutiennent leur propre croissance à un niveau d’équilibre c’est-à-dire au niveau de leur croissance potentielle. Cela est presque le cas aux Etats Unis, mais pas en Europe, ni en Chine, qui sont les deux autres grands marchés mondiaux. Ainsi, pour l’Europe et la Chine, il s’agit de permettre un taux de croissance supérieur, ce qui aura pour effet de soutenir le commerce mondial, et notamment les prix des matières premières dont le pétrole. Ce qui permettra d’atténuer les risques actuels. Mais, et cela est un impératif, les pays fragilisés doivent se réformer pour enclencher une diversification de leurs économies. La croissance chinoise baisse de façon structurelle, et il faut en tenir compte. La période de croissance à deux chiffres est terminée pour ce pays, qui a déjà effectué une bonne partie de son rattrapage économique. A l’inverse, le cas de l’Inde semble prometteur, car avec un taux de croissance de plus de 7%, l’Inde de demain est susceptible de prendre le relais de la Chine comme relais de la croissance mondiale. 

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