20 ans après l’assassinat de Yitzhak Rabin : la blessure qui continue à produire des effets politiques en Israël<!-- --> | Atlantico.fr
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Une statue en mémoire de Yitzhak Rabin.
Une statue en mémoire de Yitzhak Rabin.
©Reuters

Souvenir douloureux

Les Israéliens demeurent profondément attachés à la figure de Yitzhak Rabin, négociateur des accords d'Oslo en 1993. La mémoire de l'assassinat du Premier ministre témoigne du fait que la plus grande menace ne vient pas forcément de l'extérieur.

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il a notamment écrit en 2024 "Journal de guerre : C'est l'Occident qu'on assassine" (éditions Fayard) et en 2021 "Manuel de résistance au fascisme d'extrême-gauche" (Les Nouvelles éditions de Passy). 

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Atlantico: Le 4 novembre 1995, le Premier ministre Israélien Yitzhak Rabin était assassiné par Yigal Amir, nationaliste fermement opposé aux accords d'Oslo. Vingt ans après, les Israéliens s'en sont-ils remis ? Le traumatisme est-il toujours présent?

Gilles-William Goldnadel: Yitzhak Rabin était un chef d'Etat major victorieux, valeureux pendant la Guerre des Six Jours, qui a également été Premier ministre pendant le raid d'Entebbe en 1976. Deux événements que les Israéliens n'oublieront jamais. Et c'est selon moi grâce à son prestige, que le processus d'Oslo a pu être enclenché. Par conséquent, lorsqu'un homme d'Etat de la valeur et de la profondeur de M. Rabin disparait dans un attentat commis par l'un des leurs, c'est forcément quelque chose qui restera ancré dans la mémoire collective des Israéliens. Les commémorations sont là pour le rappeler.

Quelle place Yitzhak Rabin a-t-il laissé dans l'Histoire du peuple israélien? Comment sa place est-elle interprétée aujourd'hui? M. Rabin a-t-il emporté avec lui l'espoir de vivre en paix durablement ?

Non. Lorsque Yitzhak Rabin a été assassiné, le processus de paix avait du plomb dans l'aile en raison des attentats suicide commis quotidiennement par le Hamas, avec un Yasser Arafat pour le moins passif. Les Israéliens avaient déjà une vision beaucoup plus contrastée des bénéfices d'Oslo. Yigal Amir n'a pas tué la colombe en plein vol.

Contrairement à la légende dorée, Yitzhak Rabin n'avait plus la cote au sein de l'opinion occidentale avant son assassinat. A l'époque, quelques mois avant sa mort, j'avais d'ailleurs commis un article dans le Figaro titré "SOS Rabin". Ce qui me désolait, c'était de voir la popularité d'Yitzhak Rabin – comme celle de Shimon Peres – avoir déjà fondu comme neige au soleil. M. Rabin avait fait la proposition de combattre le terrorisme du Hamas en utilisant les moyens légaux de l'armée, tout en continuant la négociation. Or, les médias occidentaux lui reprochaient l'utilisation de cette violence, exactement dans les mêmes termes que l'on reproche aujourd'hui à Tsahal de répliquer violemment aux attaques du Hamas depuis Gaza. A l'époque, le Yitzhak Rabin que l'on pleure aujourd'hui à chaudes larmes dans les médias occidentaux, rencontrait très peu d'appui de la part de ces mêmes médias occidentaux.

A ce jour, la situation concernant le processus de paix n'a guère changé. L'Israélien d'aujourd'hui a l'impression – qui n'est pas fausse –  qu'il n'y a pas d'interlocuteur acceptant un véritable processus de paix qui pourrait déboucher sur un accord définitif (certes au prix d'un compromis douloureux pour Israël), dans lequel serait acceptée la présence d'un Etat pour le peuple juif sur une partie du territoire disputé.

Si Yitzhak Rabin n'avait pas été assassiné en 1995, que cela aurait-il changé pour Israël ?

Très sincèrement, je pense que la droite serait revenue aux affaires. Ceux qui pensent que M. Rabin aurait pu arriver à un accord de paix avec Yasser Arafat ont oublié qu'ensuite Ehud Barak a échoué avec ce même Arafat. Et ce, même en lui promettant de lui céder 90% du territoire contesté et Jérusalem-Est, parce que M. Arafat ne voulait pas céder sur le retour des réfugiés. Au-delà de cela, je pense qu'une acceptation de la paix définitive aurait signifié pour Yasser Arafat un arrêt de mort, compte-tenu de l'opinion irrédentiste des arabes de Palestine et de la posture adoptée à l'époque par les pays arabes. Yasser Arafat craignait - peut-être à juste titre - de subir le même sort qu'Anouar el-Sadate, assassiné le 6 octobre 1981. Par ailleurs, comme Ehud Barak, Ehud Olmert s'est également vu opposé une fin de non recevoir.

Donc, si au sein de l'occident médiatique - si peu critique qu'il soit envers les Palestiniens -, on a oublié les faits historiques, alors je me charge de les rappeler ici. Les Israéliens, eux, ne les ont pas oubliés, y compris les partis de gauche.

Les Israéliens craignent-ils particulièrement les attaques nationalistes actuellement?

On reste dans un cadre très marginal. Il y a eu une médiatisation d'événements, dont un mortel ces derniers temps, à lier aux événements terroristes palestiniens, mais on ne peut pas du tout laisser penser qu'il y ait une sorte d'"OAS juive" qui ferait que l'armée ou le gouvernement israélien seraient dépassés.

Toutefois, je tiens pour fait qu'il y a une radicalisation d'une partie des Israéliens. Cela s'observe aussi bien dans les territoires que chez une partie de ceux qui voudraient maintenant voir les juifs avoir le droit de prier sur le Mont du Temple, ce qui est moralement compréhensible mais politiquement inepte. Il n'en demeure pas moins qu'encore aujourd'hui, 80% du peuple israélien serait d'accord pour consentir un compromis territorial avec les Arabes de Palestine, à condition que cela soit fait en l'échange d'une certitude: celle d'une paix définitive.

Contrairement à ce que l'on peut croire en Occident, une grande partie de la droite et du centre sont dans cet état d'esprit, et non pas seulement les successeurs travaillistes d'Yitzhak Rabin.

Propos receuillis par Adeline Raynal

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