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François Hollande veut faciliter l’accès à la propriété : les nombreux pièges d’un serpent de mer politique
©Reuters

Fausse bonne idée

Le 29 octobre, lors de son déplacement à Nancy, François Hollande a proposé d'élargir les conditions d'accès au prêt à taux 0, pour les candidats à l'achat d'un bien immobilier. Une mesure cosmétique au regard du nombre de bénéficiaires, alors que 3.5 millions de personnes souffrent du mal logement en France.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Un élargissement des conditions d'accès au prêt à taux zéro est-il adapté à la problématique du logement en France ?

Jean-Yves Archer : D'évidence, le logement est un élément vital de la vie en société. Il correspond à un besoin "primaire" comme disent les économistes en le situant quasiment au même rang que l'alimentation. Or que constate-t-on ? En France, en 2015, il y a près de 3,5 millions de personnes qui souffrent du mal-logement. Selon les estimations, le déficit de logements concerne plus de deux millions d'unités ce qui est considérable pour un pays qui construit, bon an mal an, un peu plus de 400.000 logements.

Il faut savoir que 65 000 Prêts à Taux Zéro (PTZ) "formule actuelle" ont été signés en 2015 ce qui n'est pas rien mais ce qui demeure de faible impact en comparaison avec les plus de 2 millions de logements qui manquent au marché. Nous sommes en face d'une mesure sociale respectable quoique coûteuse et très ponctuelle pour ne pas dire limitée.

Face à l'ampleur de ce flux qui matérialise la course entre l'offre et les frustrations de la demande, le Président Hollande a effectivement annoncé une refonte du prêt à taux zéro qui a été instauré par Pierre-André Périssol en 1995.

Sous réserve de confirmations juridiques à venir, le dispositif subirait donc plusieurs modifications.

Dans sa configuration initiale, le prêt à taux zéro est octroyé par les banques et se trouve réservé aux primo-accédants dans le but de l'acquisition de la résidence principale. Dépourvu d'intérêt (d'où son nom), les remboursements du capital s'effectuent selon des durées diverses, liées aux tranches de revenus des emprunteurs. En cas de revenus modestes, le prêt peut avoir pour période une durée de 21 ans.

Pour François Hollande, quatre changements d'envergure doivent être engagés. Tout d'abord, le nouveau prêt à taux zéro (NPTZ) pourra désormais concerner l'acquisition d'un logement ancien sous réserve d'y faire effectuer des travaux de rénovation à hauteur de 25% du prix d'achat. Cette annonce n'est pas une véritable nouveauté puisque cette innovation remonte à Septembre 2014 : elle était alors limitée à 6 000 puis à 30 000 communes rurales. Dans l'avenir, le NPTZ serait étendu à la quasi-totalité du pays.

Puis, le NPTZ verra l'ensemble de ses attributaires bénéficier du différé de remboursement de 5 ans alors que celui-ci ne visait jusqu'à présent que les emprunteurs dotés des revenus les plus modestes.

Troisièmement, le seuil des montants prêtés est remonté et devrait aller jusqu'à 40% du prix d'achat contre un peu plus de 20% actuellement. Ce changement non négligeable va induire une dépense publique additionnelle dont il est intéressant de noter qu'elle n'impactera que les comptes publics en 2017 dans la mesure où l'Etat s'est toujours engagé à compenser le manque à gagner des établissements bancaires avec un an de décalage. Habileté, vous avez dit habileté ?

Quel risque existe-t-il à favoriser "absolument" la demande immobilière, sans se préoccuper de l'offre de logements en France ?

Une étude émanant du Ministère (voir ici) rapporte le nombre impressionnant de logements "annulés".

"Le taux d’annulation des logements individuels autorisés à être construits s’établit à 15,6 %, encore supérieur à sa moyenne de longue période (13,6 %). Dans le collectif (y compris en résidences), le taux d’annulation s’établit à 20,1 %, toujours au-dessus de sa moyenne de longue période (19,2 %)." Moyenne qui inclut le fort trou d'air des années 2008 à 2009...

Ce taux d'annulation est conséquent et atteste d'une offre fortement marquée par la conjoncture dégradée, par l'impact durable des mesures Duflot et la loi ALUR ainsi que par la baisse de solvabilité de la demande (tassement des revenus suite au coup de massue fiscale du début du quinquennat rappelé récemment avec pertinence par Manuel Valls).

En ayant aligné la fiscalité de l'épargne sur celles des revenus du travail, en ayant laissé se développer une inflation de normes dans le secteur, le Gouvernement a cumulé deux boulets aux pieds de l'offre et de la demande. Les experts ministériels le savent et le disent clairement en privé.

Si l'Etat avait voulu favoriser la demande immobilière, il aurait pu se souvenir des leçons de lucidité économique de l'emprunt Pinay exonéré pour une large part des droits de succession.

La demande immobilière va continuer à être forte (couples divorcés donc deux logements, mobilité professionnelle, migrants et réfugiés, etc) et les Pouvoirs publics ne semblent pas avoir de cap clair comme le démontrent les réponses de la Ministre Pinel lors des "questions au Gouvernement" devant les deux Assemblées.

Quels sont les principales pistes à explorer en France, afin d'assainir le marché immobilier ?

Certains spécialistes de la Cour des comptes estiment que les 42 milliards d'aides au logement ne sont pas efficaces. Et parfois dénuées de pertinence économique.

La première idée serait donc d'écouter le diagnostic de la Cour et d'en déduire une évaluation crédible de la politique immobilière. Le marché est structurellement en déséquilibre et le NPTZ est une sorte de sparadrap à l'échelle des vraies questions qui se posent.

Sparadrap digne d'un aspirateur à feuilles d'impôts si l'on songe que les 65 000 PTZ actuels ont coûté 600 millions d'euros de crédits budgétaires. Et que le changement voulu par le Président de la République va conduire à doubler cette enveloppe budgétaire.

Nul n'est besoin d'être grand clerc pour déceler un médiocre rapport qualité-prix attaché à la notion de nouveau PTZ. Quant au marché immobilier, son maintien doit beaucoup à la politique de taux bas issu du QE (quantitative easing) de la BCE. QE qui risque d'être renforcé en Décembre du fait du retournement conjoncturel qui se confirme pour 2016 (voir ici).

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