Handicap : la France a besoin de dépasser les effets pervers de la politique des quotas<!-- --> | Atlantico.fr
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Le quota de 6% a permis de fixer un objectif clair aux entreprises comme aux collectivités et à l’Etat.
Le quota de 6% a permis de fixer un objectif clair aux entreprises comme aux collectivités et à l’Etat.
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Livre noir

Alors que l'Assemblée se prononcera le 27 octobre sur le PLFSS 2016, l'Unapei, une fédération d'associations de défense des intérêts des personnes handicapées, a remis aux députés un livre noir sur la situation des handicapés en France. Une problématique que les différentes politiques mises en place n'ont pas été en mesure de résoudre.

Jean-Marc Maillet-Contoz

Jean-Marc Maillet-Contoz

Jean-Marc Maillet-Contoz est le créateur du magazine bimestriel spécialisé dans le monde du handicap : HANDIRECT, qui s'accompagne de deux site internet dont un sur l’emploi. Membre du Conseil d’administration de LADAPT et du Mouvement pour une société inclusive.

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Atlantico : Depuis la loi sur le handicap de 1987, quel bilan peut-on tirer de l'intégration des handicapés en France ?

Jean-Marc Maillet-Contoz : Le bilan que l’on peut  tirer depuis la loi de 1987 est poly forme. D’un coté cette loi a véritablement changé le rapport entre les employeurs et plus généralement le monde du travail et les personnes handicapées. Elle a permis de faire décoller l’emploi des personnes handicapées qui avant 1987 était insignifiant. La naissance de l’Agefiph qui gère les fonds collectés auprès des entreprises de 20 salariés et plus qui n’emploient pas 6% des personnes handicapées est encore aujourd’hui considérée comme un acte salutaire. La sensibilisation permanente des entreprises ces 28 dernières années a porté ses fruits et certaines entreprises sont exemplaires avec des taux entre 8 et 10 % de salariés handicapés. Le handicap fait partie de la RSE et de la GPEC de manière naturelle. Les PME ont aussi beaucoup fait de leur coté pour recruter des personnes handicapées. Les différences d’accompagnement proposées par l’Agefiph ont permis aussi de développer fortement le maintien dans l’emploi et les aménagements de postes qui ont permis à des milliers de personnes de conserver leur emploi malgré un handicap survenu en cour de vie active. 

Parallèlement cette loi a aussi été mal perçue par les entreprises qui la considèrent comme une forme d’imposition et une ingérence dans leur fonctionnement. Beaucoup d’entreprises font du handicap une vitrine sociale mais ne développent rien en interne pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. Encore trop de managers considèrent les personnes handicapées comme sympathiques mais non rentables pour l’entreprise (Cf enquête IMS Entreprendre). L’évolution de carrière de personnes handicapées est très souvent ignorée et les postes à responsabilités rarement attribués. Le taux national d’emploi des personnes handicapées n’a jamais dépassé les 4% et il régresse depuis 4 ans. Les objectifs de 1987 de 6% n’ont pas été atteints, malgré les milliards d’euros engagés sur 28 ans. La situation économique française depuis 2008 n’arrange évidement pas les choses, elle en partie responsable du doublement du chômage des personnes handicapée qui atteint 430 000 personnes soit 22% de la population active porteuse d’un handicap. A travers ces chiffres, nous devons aussi tenir des effets de la loi de 2005 très nettement élargi l’assiette des candidats potentiels à la qualité de travailleur handicapé tout comme de la forte augmentation de reconnaissances du handicap que nous avons connu ces dernières années.

Comment expliquer l'échec de la politique mise en place ? 

Les personnes handicapées avant 1987 n’avait que peu accès à la formation initiale comme à la formation professionnelle. Celles qui sont arrivées sur le marché jusqu’en 2000 étaient peu en phase avec le marché du travail.

Malgré les politiques successives en faveur de la formation, de l’apprentissage et de l’accès à une scolarité ordinaires les résultats ne sont pas au rendez-vous et le niveau moyen des personnes handicapées en recherche d’emploi est en moyenne très faible et en tout cas par en adéquation avec les besoin du marché. Il n’y a jamais eu de véritable volonté politique pour faire bouger cela et les écoles du premier et second degré sont restées inhospitalières tout comme l’enseignement supérieur. Le cheminement scolaire d’une enfant handicapé est un véritable parcours du combattant et l’accès à la formation professionnelle trop peu promu et trop peu financée.

Quelle analyse peut-on faire de la politique des quotas ?

Le quota de 6% a permis de fixer un objectif clair aux entreprises comme aux collectivités et à l’Etat. Il fallait mettre la pression aux employeurs pour faire bouger les mentalités. Ce quota n’est plus très adapté depuis de nombreuses années car il s’applique de manière uniforme à tous les secteurs, or dans le domaine de l’ingénierie et des postes de hautes qualifications il est déjà très difficile de trouver des candidats classiques pour répondent aux exigences requises. Le monde des travailleurs handicapés ne compte que très peu de profils de ce niveau, ils sont soient rapidement embauchés soient systématiquement écartés des recrutements du fait de leur handicap. Certaines entreprises ont intégré ce quota et la contribution financière qui en découle comme un charge ordinaire et préfèrent payer plutôt que recruter, mais je ne veux pas généraliser. 

Vous avez piloté une étude sur l'emploi des personnes handicapées "travail, handicap, entreprise 2025". Quels défis selon vous doivent être relevés ?

Les défis à relever sont aussi nombreux que si l’on partait de zéro car le chantier est vaste. Nous avons identifié 13 défis considérés comme des leviers essentiels pour développer demain l’emploi et le travail des personnes handicapées. Ces défis impliquent pour la plupart d’entre eux la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés: entreprises, grands groupes et PME, puissances publiques, grandes associations, partenaires sociaux, secteur adapté et protégé… Quatre ont  été  considérés comme prioritaires.

Le premier défi est celui de la formation professionnelle. La montée en compétences des personnes  handicapées est indispensable pour améliorer leur potentiel d’insertion sur le marché du travail. Les efforts qui seront engagés dans l’enseignement supérieur sont importants mais ils ne seront pas suffisants notamment en raison du retard pris. La formation professionnelle tout au long de la vie doit être l’un des principaux leviers de l’adaptation des compétences des personnes handicapées aux besoins du marché du travail dans les années à venir. C’est très clairement l’un des  principaux résultats de cette réflexion prospective collective.

Le deuxième défi concerne les PME qui représentent une cible prioritaire pour l’emploi des personnes handicapées à mieux connaître et à soutenir. 

On sait cependant que les entreprises y compris les plus petites ont fait la preuve de leurs capacités à intégrer des collaborateurs handicapés. On sait aussi que c’est au sein de ces entreprises que l’essentiel des emplois créés se trouvera. En conséquence, les PME doivent être une cible prioritaire pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. L’Etat et les organismes consulaires devront inciter à inclure dans leur programme d’action en direction des PME la question du développement de l’emploi des personnes handicapées (formations, conseils…).

Troisième défi, l’augmentation de la part des jeunes handicapés à l’université et dans les lycées d’enseignement général est la prochaine frontière à franchir pour l’éducation nationale.

L’université apparaît clairement comme un des domaines d’actions prioritaires, avec la nécessité de la mise en place de politiques volontaristes, ambitieuses et probablement en partie coercitives. Il paraît évident que l’augmentation du nombre de lycéens comme des étudiants handicapés est un préalable à toute démarche. Au-delà de l’augmentation du nombre d’étudiants,  leur  insertion  professionnelle réussie dépendra de deux facteurs essentiels: l’orientation vers des filières professionnalisantes et l’insertion précoce dans des dispositifs favorisant la connaissance de leur futur milieu professionnel: stages, alternance, parrainages...

Le quatrième défi touche le milieu protégé, les ESAT et les EA, acteurs des changements en faveur de l’emploi des personnes handicapées.

Les ESAT et les EA accueillent les publics les plus éloignés de l’emploi et proposent des dispositifs innovants, mais encore rares comme les ESAT hors les murs. Demain, ils favoriseront pour certains les passerelles vers le milieu ordinaire, et accompagneront d’autres tout au long de leur parcours, etc. Dans le même temps, ces structures font face à de nombreux défis : l’arrivée d’un public nouveau de personnes souffrant d’un handicap psychique. L’État et les grandes associations gestionnaires devront dans les prochaines années engager d’importants efforts pour favoriser l’innovation, l’ouverture vers l’extérieur, l’évolution de leurs champs d’actions, de leurs activités.

Je vous invite à découvrir les résultats complets de cette étude sur le site dédié (voir ici).

Vous verrez aussi que l’un des grands défis actuels des entreprises concerne le recrutement ou le maintien dans l’emploi de personnes atteintes de handicap psychique pour lesquelles les préjugés sont encore très forts.

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