Air France : guerre de l'information autour de vidéos montées en épingle<!-- --> | Atlantico.fr
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Une véritable guerre de l'information se tient autour de la crise que rencontre la compagnie aérienne.
Une véritable guerre de l'information se tient autour de la crise que rencontre la compagnie aérienne.
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(Dés)Intox

Depuis quelques mois, une véritable guerre de l'information se tient autour de la crise que rencontre la compagnie aérienne, et l'on n'hésite pas à déformer les faits, oubliant tout un pan du contexte de la vidéo de la fameuse salariée éplorée, ou travestissant les propos d'Alexandre de Juniac, à des fins politiques.

Jacques Tarmac

Jacques Tarmac

Jacques Tarmac est un manager anonyme qui travaille au siège d’Air France depuis une dizaine d’années. Il a décidé de parler car il ne supporte plus les privilèges, les conservatismes, les ingérences politiques et syndicales et surtout le manque de fermeté de la direction générale, qui empêchent cette société d'être gérée comme une vraie entreprise, la conduisant lentement à sa perte.

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En marge des événements violents qui ont fait la une de l'actualité, lundi 5 octobre, et dont les images chocs ont fait le tour du monde, une vidéo montrant une autre facette de cette journée a elle aussi fait l'objet d'un énorme buzz sur Internet, totalisant plus de 2 millions de visionnages.

Cette vidéo, prise lors du comité central d'entreprise, montre, d'une part, une salariée émue et émouvante et, d'autre part, une direction apparemment autiste et méprisante, indifférente au sort du "petit personnel". Un message qui tombe à pic, comme pour justifier les violences syndicales de la journée. Les patrons d'Air France l'ont bien cherché... Il n'en fallait pas davantage pour que certains médias en fassent leurs choux gras, titrant et tirant à vue : "Air France : derrière la violence physique, une employée face à la violence sociale".

Une vidéo sortie de son contexte

Problème : cette vidéo, si elle a effectivement de quoi choquer sortie de son contexte, ne montre qu'un aspect tronqué de la réalité. Les managers, qui semblent ici indifférents à l'interpellation de la salariée, ont en effet longuement prêté l'oreille juste après cette séquence, passant plus d'une heure à s'entretenir avec elle et les autres membres du personnel présents.

Devant l'interprétation biaisée et l'exploitation qui en était faite, la vidéo a été retirée de Facebook par l'internaute qui l'avait postée. Une internaute qui avait pourtant pris soin de préciser sur son post "Il est primordial de situer cette scène de grande émotion ! Nous sommes rentrés sans savoir ce qui venait de s'y dérouler, nous étions déterminés à dialoguer et il est très important de noter qu'après cette intervention, nous avons discuté longuement avec Mr Mie et le DRH PN dont je n'ai pas le nom..." Pas très vendeuse, cette précision sera occultée dans la plupart des médias. Coupée au montage. Idem, on ne lira nulle part que les managers ont été remerciés par écrit par plusieurs participants après cet échange spontané.

"Ça fait quatre ans qu'on travaille pour rien ! Quatre ans que nos salaires n'ont pas évolué !" se plaint la salariée de la vidéo, dans un cri du cœur convaincant. Il semblerait pourtant que, sous le coup de l'émotion, elle ait oublié les augmentations et primes dont elle a bénéficié ces dernières années. Bien qu'elle se situe en bas de la grille salariale d'Air France, son salaire moyen net n'en est pas moins équivalent au salaire net moyen des Français. Air France demeure une maison généreuse.

Bref, beaucoup de bruit pour rien, et une nouvelle démonstration de l'extraordinaire pouvoir de diffusion et d'influence des réseaux sociaux, surtout quand l'émotion apparaît à l'image.

Le mea culpa d'Alexandre de Juniac

A propos de buzz, il en est un que le Président d'Air France aurait préféré éviter. Lors de l'édition 2014 des entretiens de Royaumont, jetlagué et épuisé par plusieurs voyages successifs (il revenait d'Amérique du Nord), Alexandre de Juniac est invité à s'exprimer sur les acquis sociaux. Son équipe lui avait déconseillé de se rendre à cette rencontre patronale. Il ira quand même, et tiendra des propos confus et maladroits. La fatigue et le manque de préparation lui font manquer de réalisme. Imprécise, son intervention donne lieu à toutes les interprétations possibles. On en retiendra principalement qu'il se prononce en faveur du travail des enfants, quitte à se permettre quelques libertés sur ce qu'il a effectivement dit.   

Mauvais timing, cette vidéo est diffusée à quelques semaines de la fin du premier mandat d'Alexandre de Juniac à la tête d'Air France, alors qu'il doit défendre son bilan. Une aubaine pour les autres prétendants au job, qui n'hésitent pas à solliciter des amis d'amis pour qu'elle soit reprise sur des médias ultra-contestataires type le Grand Soir. La vidéo connait également un succès retentissant en interne, les syndicats ayant effectué des montages à charge, dont l'un s'appelle Juniassic Parc, référence sarcastique au caractère rétrograde des positions avancées. 

Conscient que cette sortie malencontreuse risquait de le coller tel un sparadrap (la salariée de la vidéo ne s'est d'ailleurs pas privée de l'évoquer dans son discours), de Juniac vient de profiter de son passage au grand jury de RTL pour faire son mea culpa. Il a dit regretter cet "exemple maladroit", avant d'ajouter : "jamais, jamais, je n'ai dit ou insinué que je souhaitais le travail des enfants. C'est insultant." Une mise au point qui ne suffira sans doute pas à mettre un terme à l'exploitation de cette déclaration par ceux qui veulent faire d'Air France un nouveau champ de bataille de la lutte des classes.

Controverse interne au Monde

L'hystérie et la guerre de l'information autour d'Air France ont même gagné la très sérieuse, et généralement très calme, rédaction du Monde. Le grand entretien accordé par Alexandre de Juniac au journal y a été résumé par un titre pour le moins insidieux, apparaissant à la Une : "Air France : Juniac ne se reconnaît aucun tort." Certains journalistes de la rédaction se sont étonnés que l'on choisisse un titre aussi réducteur et hors-sujet pour résumer un long entretien de fond ou cette question personnelle n'a même pas été évoquée. Le titre retenu par Le Monde, peu représentatif de la teneur d'ensemble de l'entretien, se positionne en faveur des syndicats et cherche à séduire l'opinion publique en renvoyant l'image d'un grand patron hermétique, déconnecté du peuple, claquemuré dans sa tour d'ivoire. Face à la fronde interne, Le Monde a rétropédalé d'urgence en modifiant le titre sur le web. 

Ce petit tacle politique, du jamais vu pour une interview de grand patron accordée au Monde, a provoqué un certain émoi dans le Landerneau des dirigeants et des agences de comm'... Nombreux sont les patrons qui y réfléchiront à deux fois avant de risquer de choisir Le Monde plutôt que Les Echos ou Le Figaro pour leurs prochaines interventions, le dogmatisme de certains membres de la direction (sur ordre politique ?) étant un peu effrayant auprès de chefs d'entreprises soucieux de leur image.

Air France, c'est la France

Tout le monde a bien compris que les difficultés d'Air France sont symptomatiques de la crise que connaît la France et de ses enjeux politiques, économiques et sociaux. Syndicats et politiques, chacun s'en sert pour défendre son propre agenda politique et idéologique, avec 2017 en vue. Un mélange des genres qui dure depuis des décennies. Et si c'était ça le vrai problème d'Air France ?

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