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Le paiement par smartphone est là : pourquoi une France sans argent liquide n’est pourtant pas pour demain
©Reuters

Money, money, money...

L'opérateur Orange annonce le déploiement de son service de paiement par smartphone. A l'instar de l'entreprise hexagonale, le paiement dématérialisé profite de la croissance de l'équipement en mobile nouvelle génération des Français. Ces derniers semblent prêts à ranger leur carte bancaire mais pas leur porte-monnaie.

Julien Gagliardi

Julien Gagliardi

Julien Gagliardi est journaliste pour Atlantico. Il couvre l’actualité des entrepreneurs et des start-up.

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Lundi 19 octobre, Orange annonçait la généralisation de son service Orange Cash. En test depuis un an dans 5 grandes villes françaises, l’opérateur veut accélérer le déploiement de son système de paiement sans contact. Concrètement, les abonnés Orange – possédant un smartphone Android ou Windows Phone équipé – pourront utiliser l’application Cash pour régler des achats du quotidien en passant leur mobile sur le terminal de paiement du commerçant.

L’ex-France Telecom vise 400 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici à 2018 et espère surtout prendre de l’avance sur la concurrence. Et pour cause, les fabricants de mobiles, les banques et les opérateurs comptent bien, dans les années à venir, vous faire abandonner votre portefeuille au profit de votre smartphone. "A l’avenir, la plupart des transactions se feront sur, ou bien, avec le mobile" analyse Sylvain Pigeon, consultant nouvelles technologies chez Solucom. "Le temps passé par les particuliers sur un smartphone dépasse celui consacré aux ordinateurs. Cette utilisation massive génère des usages nouveaux, notamment autour du paiement et du m-commerce."

Votre mobile pourrait donc bientôt remplacer votre carte bancaire et même votre argent liquide. Comme Orange Cash, c’est donc le paiement sans contact, ou NFC pour Near Field Communication, qui semble la technologie la plus prometteuse. Ce système de puce déjà présent sur certaines cartes bancaires permet de régler ses achats sans composer de code, simplement en effleurant le terminal de paiement du commerçant. Une fonction désormais intégrée sur les nouvelles générations de smartphones. "Ces technologies embarquées sur les mobiles sont appelées à se développer. Reste la question de savoir comment transitent nos données, qui va détenir nos informations financières, au-delà de notre banque", complète Sylvain Pigeon.

Mais les réseaux sociaux, notamment Twitter ou Facebook, se tiennent en embuscade et comptent bien profiter des marchés qu’ouvrent la dématérialisation du paiement. Cependant, les premiers développements paraissent peu concluants. "Le groupe bancaire BPCE a par exemple lancé, il y a quelques mois, un service de transfert d’argent en s’appuyant sur Twitter. Il faut donc rédiger un tweet  comme "@SMoneyfr #envoyer X€ @destinataire", pour être redirigé sur l’application. Force est de constater qu’il y a peu de valeur ajoutée pour l’utilisateur, cela complexifie même la démarche."

Pour le spécialiste, Twitter et Facebook prendront leur part du gâteau surtout via le m-commerce, l’achat en ligne depuis son smartphone. "Actuellement, les marques sont présentes sur Facebook et Twitter, mais en cas d’achat, vous êtes redirigé vers un site mobile : le parcours d’achat manque de fluidité. L’opportunité  pour les réseaux sociaux c’est donc, en plus de faire la promotion des produits, de donner la possibilité d'acheter directement. Facebook travaille beaucoup sur ces questions actuellement."

Si technologiquement, tous les ingrédients sont réunis pour que vous rangiez votre portefeuille, reste à savoir si les Français seront prêts à accepter cette mutation. Sur la question du NFC, la réponse ne fait pas de doute. "Les Français semblent mûrs" argue la sociologue, Jeanne Lazarus, dans une interview au Parisien. Selon cette spécialiste des questions de l’argent, la France fut le pays à l’époque "qui s'est le premier converti à la carte bancaire et avec un vrai succès. Ce n'est pas un hasard si, avec 99 % des personnes ayant un compte, la France est le pays le plus bancarisé au monde. Ici, les seules réticences que l'on pourrait rencontrer se situent encore chez certaines personnes âgées, un peu dans le monde rural ainsi que parmi la population immigrée où existe souvent une circulation d'argent parallèle."

Sur le paiement via les réseaux sociaux, la réponse est moins évidente. "Les marques craignent cette perspective car cela va déporter l’acte d’achat de leur propre site. Elles deviendraient ainsi dépendantes du réseau social. Au-delà donc de l’acceptation de l’utilisateur, il y a la question de l’acceptation des marques", détaille Sylvain Pigeon. "Sur les réseaux sociaux, difficile de dire si cela va marcher. Aujourd’hui, on se dirige davantage vers une utilisation du sans contact."

Une tendance à mettre en perspective avec la volonté de certains pays européens d’éradiquer la circulation de l’argent liquide dans leurs circuits économique. Au Danemark, le gouvernement envisage de supprimer l'obligation pour les commerçants d'accepter l'argent liquide. En Suède, l’Institut royal technologique de Stockholm révélait le 14 octobre dernier que la circulation du cash a diminué de 4 milliards d’euros en 6 ans dans le royaume. En Norvège, une association regroupant 200 établissements financiers estimait de son côté, que l’argent liquide pourrait disparaitre d’ici 2020 dans le pays. Cependant, la tâche s’annonce plus délicate dans l’hexagone. "Nous faisons partie des pays de l’Europe du Sud. Nos usages, comme notre modèle social et d’autres paramètres économiques, sont différents", décrypte Hervé Grelet, General Manager Retail de Wincor Nixdorf France.

En effet, si les Français paraissent accepter ces nouvelles technologies de paiement, ils ne sont pas pour autant en faveur d’une disparition totale de l’argent liquide. D’après un sondage Ifop pour la Brink’s réalisé au printemps 2015, 86 % des Français se disent opposés à l’abandon de l’utilisation du cash. "En France, le cash est loin d’être mort dans la circulation comme dans l’usage. Si on regarde les chiffres de la BCE, on voit que le nombre de billets mis en circulation augmente chaque année de plus de 10%. L'Hexagone reste très attaché au cash, notre dernier baromètre avec l’Ifop révèle que 54% des Français estiment qu’ils paieront autant ou plus en liquide dans les années à venir."

Un "attachement" qui trouve certainement une partie de son explication dans l’utilisation de l’argent liquide à des fins moins officielles et légales, en témoigne les récentes dispositions gouvernementales visants à limiter les paiements en espèce dans les magasins et la détention de liquide.

Sur le plan technologique, comme sur le plan sociologique, le paiement dématérialisé a donc de beaux jours de lui. Selon les chiffres de la Mobile Marketing Association, 31,6 millions de Français sont équipés d’un smartphone. L’organisation révèle également que 82,3 % des Français accèdent à internet en situation de mobilité, un chiffre amené à croître avec les 20 millions de smartphones qui seront vendus cette année.

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