Harvard, Jennifer Lawrence, même constat ? Quand les disparités salariales par genre s'expliquent aussi par l'attitude des femmes<!-- --> | Atlantico.fr
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Jennifer Lawrence.
Jennifer Lawrence.
©Reuters

Fais pas genre !

Dans un message publié récemment sur un blog, Jennifer Lawrence, après avoir appris qu’elle gagnait moins que ses collègues masculins, expliquait combien elle était en colère “non contre Sony [son employeur], mais contre elle-même”.

Cecilia García-Peñalosa

Cecilia García-Peñalosa

Cecilia García-Peñalosa est directrice de recherche Cnrs à l’Ecole d’Economie d’Aix-Marseille (AMSE) et membre du Conseil d’Analyse Economique.

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Atlantico : L'actrice américaine explique que cela “voudrait dire que j'ai été mauvaise en négociation, que j'ai abandonné trop tôt”. Par ailleurs, une récente étude réalisée par une équipe de chercheurs de l'université d'Harvard montre que les femmes ne désirent pas autant les promotions que les hommes. Comment l'expliquer ?

Cécilia Garcia Penalosa : Le faible taux de promotion des femmes peut résulter de décisions discriminatoires mais il peut aussi provenir d’une faible propension à candidater de la part des femmes. Identifier ces deux effets est difficile, mais les études (peu nombreuses) qui ont abordé cette question montrent des changements au cours du temps. Si, pour les années 1970-80, la discrimination à l’encontre des femmes a été mise en évidence, à partir des années 1990 le facteur dominant semble être plutôt le faible nombre de candidates.

Une promotion implique souvent des exigences de disponibilité professionnelle que certaines femmes seraient peu enclines à accepter, mais d’autres explications sont aussi possibles. Dans mon étude sur le monde universitaire français, nous trouvons une forte différence dans la propension des hommes et des femmes à chercher une promotion, même si celle-ci n’exige pas plus de responsabilités et contraintes horaires. Une explication possible est que le processus de promotion est souvent fortement concurrentiel. Si les femmes trouvent les situations concurrentielles désagréables, n’aiment pas prendre de risque, ou essayent d’être conformes à des stéréotypes selon lesquels une femme ne doit pas "se mettre en avant", elles auront moins d’inclination à présenter leur candidature quand une promotion est envisageable.

Un deuxième aspect important concerne le concept de préférences. Est-ce que ces préférences sont formulées dans l’absolu ou bien intègrent-elles des contraintes, telles que perçues par les femmes, de conciliation vie professionnelle-vie familiale ? Un homme ambitieux ne se posera pas la question de qui va vouloir l’épouser ou qui s’occupera de ses enfants ; une femme avec des ambitions pareilles devra réfléchir à si sa réussite professionnelle impliquera rester célibataire ou si elle est prête à faire élever ses enfants par une nourrice.

Une des raisons évoquées est que les femmes redoutent davantage le stress, les conflits, les difficultés qui peuvent naitre avec des responsabilités… Et font des associations négatives avec le pouvoir. Qu'en pensez-vous ?

Une série d’études montre que les femmes sont plus altruistes et pensent davantage aux implications de leur comportement pour ceux qui les entourent. Il est ainsi possible qu’elles aient plus à l'esprit que les hommes les coûts associés au fait de prendre des responsabilités. Dans un contexte complètement différent, nous trouvons des attitudes similaires. J’ai mené une étude sur les attitudes politiques des femmes en Afrique sub-saharienne qui montre qu'elles sont moins favorables à la démocratie que les hommes. Une partie de l’explication réside dans le fait que les femmes sont particulièrement conscientes des coûts qui accompagneront l’introduction de la démocratie, tels que les conflits entre les différents groupes ou même la guerre civile. Quand elles répondent à la question "pensez-vous qu'une démocratie pourrait être le meilleur régime pour votre pays", elles ne semblent pas répondre dans l’abstrait mais plutôt en prenant en compte toute "une série de contraintes". 

Dans une des neuf études, les chercheurs mettent en exergue le fait que les femmes ont plus de buts et objectifs dans leur vie (famille, amitié, carrière…) et de fait qu'elles sont prêtes à faire plus de concessions sur leurs ambitions professionnelles…

Nous revenons ici au deux questions fondamentales. La première est celle de préférences profondes versus constructions sociales. Est-ce qu’il est socialement possible pour une femme de ne pas dire que parmi ses objectifs il y a celui d’être mère ? Les réponses de femmes ne représentent peut-être pas leurs préférences intrinsèques mais plutôt une adéquation au stéréotype. La deuxième question concerne les contraintes. Il est possible que les hommes ne disent pas qu’ils sont prêts à faire des concessions parce que pour eux la réussite professionnelle n’implique pas de sacrifices personnels.

Jennifer Lawrence donne aussi comme explication "le fait de vouloir être aimée". Mais, raconte l’actrice, "je me suis rendue compte que tous les hommes avec lesquels je travaillais s'en fichaient de se montrer "difficiles" ou "chiants. Peut-on essayer d'exprimer nos opinions sans "offenser" ou "effrayer" les hommes ?". Pourquoi les femmes sont-elles enfermées dans des stéréotypes dans lesquelles elles ne devraient pas se comporter, dire ou faire quelque chose comme les hommes ? Est-ce cet enfermement dans les stéréotypes qui peut entraver la volonté des femmes de demander davantage ?

Nous savons aujourd’hui que les attitudes vers la négociation sont bien différentes entre les sexes : les femmes ont une plus faible probabilité de demander une augmentation de salaire et passent moins de temps à négocier. En outre, elles sont pénalisées quand elles ont des "attitudes masculines" : les études d’entreprise montrent que les femmes qui mettent en place une négociation avec des supérieurs (concernant leur salaire ou autre sujet) reçoivent des évaluations négatives de leurs supérieurs, ce qui n’est pas le cas pour les hommes. Les stéréotypes existent ainsi des deux côtés, ce qui implique que même si une femme se fiche de se montrer difficile, il peut être avantageux pour elle de ne pas le faire si ça risque de détériorer les relations avec ses supérieurs. 

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