"Les classes populaires doivent revenir au centre des préoccupations du PS"<!-- --> | Atlantico.fr
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"François Hollande me semble mettre très nettement la question des catégories populaires au cœur de sa campagne."
"François Hollande me semble mettre très nettement la question des catégories populaires au cœur de sa campagne."
©Reuters

Vote des étrangers

Le Sénat discute ce jeudi de la proposition de loi de la gauche visant à accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales. Martine Aubry avait fait de cette mesure une priorité. Pour François Kalfon, secrétaire national du PS en charge des études d’opinion, si cette mesure correspond à un engagement de longue date, le parti doit prendre soin de ne pas se couper de son électorat populaire traditionnel.

François Kalfon

François Kalfon

Francois KALFON est conseiller régional d'Ile-de-France et membre de la direction collégiale du PS

Il a publié avec Laurent Baumel un Plaidoyer pour une gauche populaire : La gauche face à ses électeurs, Editions Le Bord de l'eau (novembre 2011).

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Atlantico : Le Sénat discute ce jeudi de la proposition de loi de la gauche visant à accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales. Est-ce vraiment la priorité politique du moment ?

François Kalfon : C’est un dû, une promesse qui date de François Mitterrand. Certains candidats se signalent par leurs promesses non tenues, d’autres tiennent leurs engagements... Il s'agit d'un signal consécutif au basculement du Sénat à gauche. S’agit-il de la colonne vertébrale de la campagne de François Hollande ? Sans doute pas. L’objectif premier reste la question du pouvoir d’achat et d’emploi, ainsi que la peur du déclassement.

Il existe plusieurs familles au sein de la gauche. L’une d’entre elle est « droit-de-l’hommiste ». C’est tout à son honneur. Mais je pense qu’il est aussi important qu’il existe au sein du PS une famille « républicaine ». Entre ces différentes familles, la liste des priorités n’est peut-être pas la même. François Hollande me semble mettre très nettement la question des catégories populaires au cœur de sa campagne.

Plus que Martine Aubry, si je vous comprends bien…

Martine Aubry n’a pas été candidate à l’élection présidentielle, mais elle a sa sensibilité, le Sénat passe pour la première fois à gauche. Or certains engagements, comme le droit de vote des étrangers, avaient été pris de longue date.

Vous venez de publier un ouvrage intitulé "Plaidoyer pour une gauche populaire". C’est quoi au juste une "gauche populaire" ?

D'un point de vue objectif, on peut parler des foyers qui reçoivent moins de 2500 euros par mois. Cette population subit la crise de plein fouet. La gauche – mais aussi la droite parlementaire – s’est adressée davantage à ceux qui sont insérés plutôt qu’à ceux qui souffrent et sont victimes de la crise et de la mondialisation.

Une récente note du think-tank Terra Nova préconisait à la gauche de s'adresser à un public électoral plus féminin, jeune et immigré plutôt qu'aux classes ouvrières, cœur de cible traditionnel du PS. C'est une erreur, selon vous ?

La note que vous évoquez semblait indiquer : « Puisque ce peuple ne nous convient pas, changeons-le ». Dans notre livre, nous disons des choses très simples. Tout d'abord, d’un point de vue électoral, il n’y a pas de majorité dans l’addition de l’électorat gentrifié des centres urbains, des minorités et du public traditionnel de fonctionnaires. Ensuite, et c'est peut-être plus important, d’un point de vue moral et politique, la lutte contre les inégalités correspond à l’identité même de la gauche ; notamment contre les inégalités au sein du monde du travail.

Je veux rendre visible cette France invisible des classes populaires et qu’elle soit au centre des préoccupations et des considérations électorales. La gauche a pu donner par le passé le sentiment que la lutte des classes avait évolué vers un clivage nord/sud, avec une attention particulière donnée à la population immigrée… Je ne crois pas à cela. Il existe une unité du peuple français face aux inégalités.

Nicolas Sarkozy a eu une intuition gagnante en 2007 sur son thème de « la présidence du pouvoir d’achat ». Encore faut-il la faire. De quelles façons ? Par la réforme fiscale, par exemple, en ayant un effet réel de redistribution de l’impôt. Ensuite, je considère qu’il faut basculer une partie de nos dépenses en protections sociales sur la valeur ajoutée (l’ensemble de nos partenaires l’ont fait). Enfin, il s’agit de rééquilibrer la solidarité entre revenu d’assistance et revenu du travail en privilégiant clairement l’inclusion par le travail. Cela passe également par le réarmement industriel de la France, en rééquilibrant la fiscalité en direction des PME plutôt que vers les grands groupes.

Comment expliquez-vous que la gauche en soit arrivée à oublier les classes populaires ?

Il y a eu un certain embourgeoisement des directions politiques – de droite, mais aussi de gauche – en privilégiant l’accession des hauts fonctionnaires issus de l’ENA plutôt que des ouvriers. Au sein du PS, la question sociale était au centre, désormais c’est plutôt la question territoriale qui domine, au gré des conquêtes locales du parti. Dans les années 1970-80, les dirigeants du PS étaient davantage issus du monde syndical et se préoccupaient ainsi davantage de la question salariale, des conditions de travail, etc.


Votre propos évoque finalement celui de Laurent Wauquiez sur les classes moyennes…

Lorsque nous parlons des classes populaires, nous parlons de la classe ouvrière, mais aussi des classes moyennes rattrapées par le décrochage, qui ont objectivement des problèmes de fin de mois, et de façon subjective se sentent touchées par le déclassement. C’est très bien que plusieurs responsables politiques posent cette question comme centrale. De ce point de vue, je veux bien être d’accord avec Laurent Wauquiez sur le constat. Mais je ne partage pas ses réponses qui consistent à développer les haines de proximité, à faire la chasse aux fraudeurs… C’est une erreur. Il faut davantage rassembler les groupes sociaux que les diviser.

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