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Mode d’emploi pour un nouveau 1958 (quand la France était TRES en avance sur le Royaume-Uni et l’Allemagne pour se réformer en profondeur)
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"De Gaullomics"

En 1958, et sous l'impulsion du Général de Gaulle, la France "transforme" sa modernisation initiée après la fin de la seconde guerre mondiale. Tiraillements de la société, blocages structurels, rapport des élites au pays... Un nombre important de commentateurs estiment aujourd'hui que la France est irréformable, alors que la quatrième conférence sociale doit commencer lundi 19 octobre.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : En quoi certains éléments profonds de la société française de 1958 peuvent ressembler pour partie à la situation actuelle ?

Christophe Bouillaud : Il faudrait tout d’abord souligner les différences : la société française de la fin des années 1950 est encore très structurée, comme celle du XIXème siècle, par des institutions englobantes qui contraignent et soutiennent à la fois les individus : l’Eglise catholique, le Parti communiste, l’Ecole républicaine, l’Armée, etc. Les mondes du travail sont nettement différenciées et identifiables : le monde ouvrier, la paysannerie, la "boutique", le fonctionnariat, etc. L’Etat, devenu plus interventionniste dans l’économie et la société après 1945, se construit une élite nouvelle avec la création de l’ENA. Les conflits sont aussi clairement identifiés, dont bien sûr le conflit de classe, et le sort à réserver à l’Algérie occupe les esprits depuis 1954. C’est d’ailleurs l’incapacité des élites partisanes de la IVème République à résoudre la "question algérienne" qui ramènera le Général De Gaulle aux affaires, bien plus que les questions constitutionnelles ou économiques et sociales dont pourtant il s’occupera aussi dès son retour au pouvoir. Aujourd’hui, la société française n’est plus structurée de cette manière, les lignes de conflit sont devenues bien plus floues pour nos contemporains, l’Etat ne sait plus bien comment et dans quel but former ses propres élites, et surtout la politique française ne peut plus se comprendre sans prendre en compte son insertion dans l’ordre européen et international. Par contre, un premier parallèle peut être fait dans la mesure même où beaucoup de commentateurs ou de politiciens, de droite comme de gauche d’ailleurs, extrémistes ou modérés, ont déjà décrété la fin prochaine de la situation présente. "Cela ne peut plus durer ainsi" est devenu le slogan de notre époque. Presque tout le monde le dit, qu’il s’agisse de J. L. Mélenchon, de F. Bayrou, de M. Le Pen, ou de F. Fillon.

Nos attachements partisans nous font ignorer que  les discours se ressemblent sur ce point. Plus grand monde n’entend assumer le régime politique actuel et ses piteux résultats (chômage de masse, pauvreté, désindustrialisation, endettement public, insécurité, etc.), mais, en même temps, aucun accord n’apparait sur les changements à opérer. C’est comme pour l’Algérie en 1957-58, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut changer, mais le personnel politique n’arrive pas à se mettre d’accord ni sur la direction ni sur la méthode. Par ailleurs, il existe une autre ressemblance : dans les années 1950, le mouvement Poujade entend défendre la "boutique" - le petit commerce – contre la modernisation de ce secteur qui s’annonce. Plus généralement, il existe de nombreux secteurs en déclin (le charbon, le textile, etc.).

Le gaullisme réussira à liquider ces secteurs arriérés de l’économie française au nom de la "grandeur de la France" à retrouver, mais aussi plus directement de l’accès de tous les Français à la consommation de masse. Dans la France contemporaine, il existe  des secteurs en très grande souffrance en raison de la nouvelle division internationale du travail dans laquelle la France s’insère, comme l’élevage intensif en agriculture ou le reliquat du monde ouvrier des première et seconde industrialisations par exemple. De fait, le Front national tente de plus en plus de représenter ces mondes populaires promis à la liquidation par l’évolution capitaliste – d’où par exemple son influence dans les anciens bassins houillers du nord du pays. On peut du coup imaginer un nouveau "De Gaulle" qui arrive à gérer l’élimination finale de ces mondes en déclin, et qui mette l’accent sur les réels points forts du pays, l’innovation médicale par exemple. Cependant, cette élimination peut se faire, soit dans une optique ultra-libérale, qui  déciderait par exemple qu’il est extrêmement urgent qu’Air France fasse faillite pour se débarrasser de ce "canard boiteux" et ouvrir la voie à d’éventuelles compagnies aériennes low cost françaises ou que l’agriculture française  ne reçoive plus aucune subvention directe ou indirecte pour ne garder dans l’hexagone que les productions agricoles à haute valeur ajoutée. Cette optique ultra-libérale fait le pari qu’on pourrait trouver ensuite des occupations à tous ces actifs chassés de ces secteurs détruits.  Elle peut se faire à l’inverse dans une optique écologiste, qui déciderait que la France doit jouer à fond la carte de l’innovation sociale et économique pour devenir l’un des pays leaders dans l’indépendance énergétique, alimentaire, et plus généralement économique. En somme, c’est le choix entre jouer à fond la carte de la mondialisation libérale dans toute son "horreur économique" comme l’on fait il y a quelques années chacun dans leur genre le Royaume-Uni ou l’Allemagne avec une grande cruauté pour leurs perdants, ou bien préparer le coup d’après l’ère actuelle de la mondialisation productive quand la capacité d’un pays à survivre à la crise climatique qui vient dépendra de sa capacité à organiser au mieux son territoire et à préserver la cohésion entre ses habitants.

Jean Petaux La comparaison est intellectuellement intéressante même si elle n’est pas aisée. En 1958 on pourrait presque considérer que la France est dans une situation de quasi-schizophrénie.

Economiquement et socialement elle connait une situation tout à fait dynamique et prometteuse. Pour ce qui concerne les indicateurs, le chômage n’existe pratiquement pas et la croissance est forte : 5% !  Cela fait un peu plus de dix ans que les effets du Plan Marshall se font clairement sentir sur le pays et ce qui va rester dans l’histoire sous le nom de « Reconstruction » est une véritable croisade nationale destinée à effacer au plus vite les conséquences d’une destruction massive de l’appareil de production industrielle, des infrastructures routières et ferroviaires mais aussi de villes entières, certaines quasi-rasées d’ailleurs telles que Caen, Le Havre, Brest ou Royan. Si l’inflation existe et entraine de vigoureuses campagnes contre la vie chère de la part du Parti Communiste Français (indétrônable premier parti de France en militants) et de la CGT, elle est aussi une formidable opportunité pour emprunter et investir. En d’autres termes, ce que le célèbre économiste Jean Fourastié nomme alors les « Trente Glorieuses » (1945-1973) traduit une formidable transformation de la société française, en un temps record. Il ne faut pas s’imaginer pour autant un « âge d’or » radieux. Les problèmes sociaux sont nombreux, les conditions de travail encore extrêmement pénibles et les droits des travailleurs fort peu développés. Pour autant l’optimisme est de rigueur. Le même Fourastié, dans un de ses 40 ouvrages, « Pourquoi nous travaillons »publié en 1959 et traduit en une dizaine de langues étrangères, prédit que le temps de travail dans le futur sera de 30 heures par semaine et que la durée d’une vie de labeur sera de 35 ans…

Politiquement et institutionnellement en revanche la France est totalement bloquée. La IVème République, mal née (en octobre 1946 par un référendum ayant mobilisé une participation insuffisante pour être légitimement respecté et ayant recueilli un « oui » trop étriqué pour être incontestablement admise), a connu, de 1946 à 1958, plus de 20 gouvernements (en moins de 12 ans !). Elle voit son honneur et son image internationale totalement ravagés par une guerre d’Algérie qui ne porte même pas ce nom puisque, selon la réalité de l’époque et le statut administratif de cette colonie « l’Algérie c’est la France et il ne saurait y avoir une guerre civile en France ». La situation politique est tellement fermée et bloquée qu’elle se révèle dangereuse. Dès 1954, une « mini-révolte » de petits commerçants et artisans, refusant la modernisation des circuits de distribution, hostiles à ce qu’ils appellent (déjà) le matraquage fiscal, va voir la naissance de l’UDCA (Union de Défense des Commerçants et Artisans) dirigée par un quasi-factieux, Pierre Poujade, cafetier de son état. Ce qui va passer à la postérité sous le nom de « poujadisme » est un rassemblement hétéroclite d’antisémites débridés (campagnes violentes comme Mendes-France par exemple), de résurgents du pétainisme de la Révolution nationale, d’anticommunistes viscéraux, de petits-bourgeois en révolte et d’antidémocrates de circonstance. Jean-Marie Le Pen fait ainsi, à 28 ans, avec l’étiquette « poujadiste » (UFF, Union et Fraternité Française), son entrée au Palais-Bourbon lors des élections législatives du 2 janvier 1956 et en devient le benjamin. Ils sont 51 autres que lui (52 députés poujadistes donc)  à être élus…. 30 de plus que les « Républicains sociaux », décombres du gaullisme politique et parlementaire. La dangerosité de la situation politique en France en 1958 va être telle que la crise politique qui démarre le 13 mai de cette année-là vire à la crise institutionnelle et n’est pas loin de se transformer en crise de légitimité puisque, entre autres, le plan « Résurrection » place la France sous la menace des militaires qui se battent en Algérie. C’est l’arrivée du général de Gaulle, son accord pour revenir dans le jeu politique et le vote des pleins pouvoirs constitutionnels pour changer de régime et créer une Vème République, qui va tout dénouer en quelque sorte. Mais il faudra néanmoins près de 4 ans pour qu’Algérie obtienne son indépendance… Et pas moins de 7 tentatives avortées d’attentats contre le général de Gaulle jusqu’en 1963…

On constate donc que la situation de 1958 est très différente de celle que l’on connait aujourd’hui. La France rencontre régulièrement dans son histoire des situations de blocages. En 1970, le grand sociologue français Michel Crozier publie un livre qui va faire date :« La Société bloquée ». Il va, entre autres, inspirer le premier ministre de l’époque Jacques Chaban-Delmas, en place à Matignon depuis mai 1969 et auteur d’un fameux projet politique : « La nouvelle société ». L’historien Jean Garrigues vient, très opportunément, de publier un petit opuscule sur « Chaban-Delmas, l’ardent »  (La Documentation Française) dans lequel il revisite cette période et cet épisode. Chaban (dont on célèbre en ce moment à Bordeaux le centenaire de la naissance) a été un acteur important dans le dénouement de la crise politique de 1958, et présida l’Assemblée nationale de la nouvelle république entre 1958 et son entrée à Matignon. Toute son analyse politique, intellectuelle et sociale de la situation de la France a consisté à repérer les points de blocage de la société française. Ils n’étaient plus institutionnels à partir de 1958, mais très majoritairement sociaux et culturels. La meilleure preuve en sont les événements de mai 1968, véritable « émulsion-émotion » à la française qui va plonger le pays dans un de ses simulacres de révolution dont il a le secret.

Ce qui est étonnant en ce qui concerne l’année 1958 et les suivantes (au moins jusqu’au référendum d’octobre 1962, adoptant le suffrage universel comme mode d’élection du président de la République) c’est que la réforme est généralisée. Elle porte à la fois sur les institutions (constitution du 4 octobre 1958), sur le fonctionnement de l’administration (ordonnances de 1959), sur la fin de l’Empire (vagues de décolonisations en Afrique sub-saharienne à partir de 1960), sur la modernisation de l’outil de défense (même si la décision de construire la première bombe atomique française n’a pas été prise sous de Gaulle président, mais signée le 11 avril 1958 par Félix Gaillard, président du conseil de la IVème République et Jacques Chaban-Delmas… encore lui… ministre de la Défense). Au plan économique les plans Pinay et Rueff dopent la France. Le « nouveau franc » arrive comme le symbole parfait d’une économie en pleine explosion. Au plan culturel l’arrivée d’un Malraux au tout premier ministère de la Culture créé est une formidable bulle d’air pour toute la culture française dont la « Nouvelle vague » devient l’incarnation tangible et passionnante. Tout bouge parce que tout doit changer. Simplement, il ne faut pas se tromper : tout cela se fait parce que la IVème République, la précédente, n’a pas su résister aux effets délétères d’une crise gouvernementale permanente et qu’elle s’est révélée incapable de régler la question algérienne. Deux contraintes à la fois interne et externe, aux conséquences multiples nationales et internationales qui n’ont rien de comparables aujourd’hui, aussi bien dans l’intensité des blocages qu’en matière institutionnelle.

Il reste que si les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets, des causes totalement différentes peuvent aboutir aux mêmes conséquences… : crise de régime et crise politique. Reste à savoir si une VIème République sortira d’un tel contexte et si, surtout, elle sera le remède à tous les maux actuels (réels ou supposés, fantasmés ou attestés) que rencontre la société française. La Vème République est, d’ores et déjà, en longévité, le deuxième régime politique qu’a connu la France depuis 1791 (15 au total). Elle a fêté ses 57 ans le 4 octobre dernier. Il lui reste 8 ans à vivre avant de « détrôner » la IIIème du nom. Souhaitons simplement, si elle doit battre ce record, qu’elle ne sombre pas dans les mêmes délires que cette dernière, en juin 1940, dans la honte et le déshonneur.

Il est fréquent d'entendre l'idée que la France serait en retard par rapport à la Grande-Bretagne ou l'Allemagne en termes de "réformes". Cette lecture est-elle la seule possible ? Et quels enseignements tirer de cette année de 1958, quel mode d'emploi peut-on élaborer à partir de ceux-ci pour aujourd'hui ?

Nicolas Goetzmann : La France n’est pas réformable. A l’inverse d’une Allemagne qui a su réagir suite à la réunification, ou du Royaume Uni qui avait su sortir de 30 années de politiques économiques mal avisées, la France semble immobile, inapte au changement. Pourtant, à l’aube des années 60, et dans des circonstances exceptionnelles, notamment au regard du contexte algérien, et des pleins pouvoirs attribués au gouvernement, le pays a su se réformer en profondeur, le temps de quelques ordonnances.

Si le détail des mesures mises en œuvre alors constitueraient un anachronisme dépourvu de sens dans la France de 2015, la stratégie déployée sous l’autorité du Général de Gaulle conserve une surprenante modernité. Et ce, aussi bien en termes purement économiques que dans la méthode d’application, c’est-à-dire la simultanéité. Les questions budgétaire, monétaire, et de libéralisation de l’économie sont ainsi traitées au sein du plan élaboré par les équipes d’Antoine Pinay et de Jacques Rueff, et c’est l’efficacité de cette approche holistique qui reste, encore aujourd’hui, un enseignement majeur dans un pays soucieux de franchir une étape dans son développement.

D’un point de vue économique, le pays se trouve dans une situation plutôt confortable, les années de croissance se succèdent sur un rythme soutenu. Pourtant, après 4 années d’une croissance supérieure à 5%, le pays se voit confronté à un ralentissement. Le budget déficitaire est mis en cause, comme peut l’être la balance commerciale française. De plus, les rigidités économiques du pays sont nombreuses, et appellent à de grandes réformes de l’offre. Si le contexte est loin d’être identique comparativement à la situation actuelle, les similitudes restent nombreuses.

Pour y faire face, le plan Pinay Rueff prévoit un ensemble de réformes traitant chacune des problématiques rencontrées. La première est l’organisation d’une dévaluation monétaire dont l’ambition est de soutenir le niveau d’activité et de permettre les ajustements nécessaires, avant de le stabiliser sous l’égide d’un nouveau Franc, qui prendra naissance en 1960. La seconde vient répondre à la problématique budgétaire. Antoine Pinay veille à la réduction des dépenses publiques en s’attaquant directement aux diverses subventions, exonérations et autres "interventions publiques ». L’action coordonnée de l’outil monétaire et du contrôle des dépenses va produire ses effets rapidement. (Les évènements de 62-63 viennent expliquer la détérioration de la situation observable sur le graphique)

Déficit  / Excédent public. France. En milliards de nouveaux Francs. Source INSEE.

L’amélioration immédiate de la situation des finances publiques est à comparer avec l’inefficacité actuelle des politiques dites de "sérieux budgétaire", ou des politiques d’austérité menées dasn el sud de l’Europe. En agissant "à sec", c’est-à-dire sans soutien monétaire, l’approche macroéconomique des années 2008-2015 n’apporte que peu de résultats. La recherche d’un équilibre budgétaire est difficilement atteignable si un gouvernement ne s’attache qu’à la réduction des dépenses, sans se soucier de la croissance de ses revenus. Il est à noter qu’Etats Unis, Royaume Uni, et Japon, ont agi sur un modèle s’approchant de Pinay Rueff, alors que l’Europe et la France post 2000 semblent avoir oublié ces leçons.

Puis, le troisième volet du plan est abordé. Suite à la signature du traité de Rome et à son entrée en vigueur au 1er janvier 1958, la France s’inscrit dans un processus de modernisation et d’ouverture de son économie. Les mouvements de capitaux et de devises sont désormais libres, les droits de douane sont abaissés, les "corporatismes" sont en partie démantelés, ceci afin de soutenir un nouvel âge de la concurrence, et des échanges internationaux. Dans la même optique, les salaires sont désindexés, et ne sont plus soumis à une révision systématique cohérente avec la hausse des prix. En combinant une telle mesure avec la dévaluation, le gouvernement remet les compteurs à zéro, tout en préservant une exception, le SMIG.

Les résultats ne tardent pas. Dès 1959, le budget est excédentaire. En 1960, le taux de croissance du pays atteint 8%. La France connaitra un niveau d’expansion économique parmi les plus importants de tous les pays développés, ce qui perdurera jusqu’à la fin des années 70. Décennie qui voit le pays être le champion de la croissance mondiale, derrière le seul Japon.

Taux de croissance réelle. France. 1950-1970. Données Insee. En %.

La modernité du plan Pinay-Rueff est ici flagrante. La facilité d’exécution permise par les pleins pouvoirs et les ordonnances a offert au gouvernement une capacité d’action globale et coordonnée, intégrant la totalité des leviers disponibles : budget, monnaie et libéralisation. Au même moment, le Royaume Uni continue d’agir à l’inverse, en pratiquant une politique dite du "stop and go", sans coordination, ce qui affaiblira durablement le pays, et ce, jusque dans les années 80. 

Etrangement, les réformes de 1958 peuvent être comparées à l’action du gouvernement japonais de 2012, c’est-à-dire les Abenomics. En proposant, d’agir à travers les "3 flèches", Shinzo Abe a accompli une version japonaise de 1958, incluant notamment une relance monétaire, des ajustements fiscaux, et une volonté de libéralisation de l’économie, et ce, suivant une annonce simultanée. Jamais depuis plus de 20 ans, la croissance nominale du pays n’avait été aussi soutenue, le chômage atteint 3.4%, la situation déflationniste est en voie d’être abattue.

La France, et plus largement l’Europe, ont encore à apprendre de cette expérience des  "De Gaullomics", qui a permis à la France de se moderniser avant ses partenaires, et ce, d’une façon aussi rapide qu’efficace.

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