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Europe : pour les Pays-Bas, la France et l'Allemagne sont de mauvais élèves qui se rachètent une conduite
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Calvinistes

Les Hollandais jugent l'action du couple franco-allemand avec amertume. Eux n'ont pas attendu que la France et l'Allemagne remettent de l'ordre dans la maison Europe : ils avaient à plusieurs reprises tenté d'imposer des sanctions en cas de manquement aux traités. En vain, à l'époque.

Stefan De Vries

Stefan De Vries

Stefan De Vries est correspondant néerlandais à Paris pour de nombreux médias (RTL Nieuws (télévision), BNR Nieuwsradio (radio), le journal De Pers), et chroniqueur pour France 24.

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Atlantico : Quel regard portent les Pays-Bas sur la gestion de la crise européenne par le couple franco-allemand ?

Stefan De Vries : En général, les Pays-Bas ont tendance à suivre l'Allemagne, et à prendre pour "paroles d'évangile" ce que dit Angela Merkel. Ce n'est pas un phénomène nouveau, à l'époque du florin néerlandais, la politique monétaire des Pays-Bas était calquée sur celle de la Banque centrale allemande.

Par contre, ils regardent la France avec un peu de méfiance, car c'est un pays dont l'économie fonctionne mal, et ce alors que l’État - très interventionniste - se montre incapable d'obtenir le moindre bon résultat. A l'opposé, les Pays-Bas défendent une conception plus libérale de l'économie, loin du modèle socio-économique français.

L’Allemagne et la France se posent désormais comme les défenseurs du Pacte de stabilité alors qu'ils n'ont pas respecté ses règles par le passé. Comment est perçue cette initiative franco-allemande aux Pays-Bas ?

A l'époque où la France et l'Allemagne enfreignaient les règles, le ministre des Finances hollandais a essayé à de multiples reprises d'imposer des sanctions... sans toutefois y arriver, du fait notamment du faible poids des Pays-Bas face aux deux géants de l'Europe que sont la France et l'Allemagne.

Les Pays-bas perçoivent ce positionnement franco-allemand comme de l'arrogance, surtout de la part de la France. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Premier ministre néerlandais avait formulé mi-octobre la proposition d'un "super commissaire européen", chargé de sanctionner les États contrevenants aux règles du Pacte de stabilité et de croissance. Cette idée avait notamment été soufflée à Nicolas Sarkozy avant le Conseil européen du 23 octobre, mais ce dernier s'était contenté de répondre au Premier ministre néerlandais que l'idée était "intéressante"...


Pour résumer, les Pays-Bas reprochent à la France une forme d'arrogance, et suivent l'Allemagne sur son projet de sanction des États contrevenants aux règles de stabilité et de croissance européennes... Mais respectent-ils eux-mêmes ces critères ?

C'est le plus amusant... Les Pays-Bas eux-mêmes ne respectent pas ces critères. Le ministre des Finances a d'ailleurs annoncé que le déficit budgétaire serait plus grand que prévu : originellement envisagé autour de 3,5% du PIB, il s'élèverait en réalité à 4,2%. Quand à la dette, elle crève le plafond des 60% du PIB, pour s'établir aux alentours de 68%.

En définitive, les Hollandais se tirent une balle dans le pied, sachant qu'en proposant de créer un tel commissaire, il est supposé que ce dernier pourrait directement intervenir dans l'économie nationale. Mais le gouvernement hollandais, quelque peu "naïf", continue à esquisser la question, restant convaincu que ce "super commissaire" pourrait opérer à géométrie variable : dure envers des pays comme la Grèce, mais plus souple à l'égard des Pays-Bas. 

Le gouvernement hollandais fait ainsi preuve d'une grande hypocrisie. Pour lui, si tous les États membres n'agissent pas de concert selon le modèle hollandais, c'est uniquement par "bêtise". En France, c'est très différent... ce que fait le gouvernement, il le fait pour la défense des intérêts français, tout en se "foutant" de l'avis des autres... Pour caricaturer : les Français sont prétentieux, et les Hollandais "calvinistes".

Les Pays-Bas, si sensibles au positionnement d'Angela Merkel, se prononcent-ils en faveur de plus de fédéralisme, ou défendent-ils au contraire l'inter-gouvernementalisme français ?

Ils sont plutôt indépendantistes en réalité.

Actuellement, tout ce qui vient de l'Europe en ce moment est teinté de connotations négatives. Si Nicolas Sarkozy et Angela Merkel proposent un nouveau traité ce jeudi et vendredi, Geert Wilders du Partij voor de Vrijheid ou PVV (parti d'extrême droite) utilisera cet argument pour engager un référendum consultatif aux Pays-Bas, susceptible de renverser l'actuel gouvernement de coalition et de soutien, sachant que l'extrême droite joue aujourd'hui un rôle clé dans l'équilibre politique néerlandais.

Les Pays-bas ont déjà voté non au traité constitutionnel européen en 2005, et comme ils ne comptent aucun technocrate, si le gouvernement est renversé, le leader du plus grand parti devient quasi automatiquement Premier ministre. D'où la possibilité très forte pour le parti d'extrême droite de prendre le pouvoir.

Dans ce cas de figure, si le couple franco-allemand s'engage vers plus de fédéralisme, les Pays-Bas pourraient bloquer le processus d'intégration européenne aux côtés des Britanniques. Pourtant les Pays-Bas, en tant que membres de la zone euro et pays excédentaire sur le plan commercial, pourraient jouer un rôle intermédiaire en Europe. Mais il n'existe pas de politiques néerlandais assez clairvoyants pour prendre conscience de cela.


Propos recueillis par Franck Michel

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