Eric Ciotti : "La caractéristique d'un chef comme Nicolas Sarkozy est de se suffire à lui-même, de ne pas avoir besoin de personnes qui pensent à sa place"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Eric Ciotti : "La caractéristique d'un chef comme Nicolas Sarkozy est de se suffire à lui-même, de ne pas avoir besoin de personnes qui pensent à sa place"
©

Grand entretien

Par ailleurs, le député des Alpes-Maritimes dénonce vigoureusement la politique gouvernementale en matière de sécurité et de justice, suite à la manifestation mercredi 14 octobre des policiers place Vendôme.

Eric Ciotti

Eric Ciotti

Eric Ciotti est député Les Républicains. Il a été président du conseil départemental des Alpes-Maritimes de 2008 à 2017. Il est également questeur de l'Assemblée nationale.

Voir la bio »

Atlantico : Les policiers ont manifesté mercredi. Vous avez récemment accusé le gouvernement de ne pas soutenir sa police, mais c'est aussi l'une des grandes critiques qui avait été adressée à Nicolas Sarkozy. Durant son quinquennat les effectifs ont diminué, les budgets aussi. La police peut-elle être moins coûteuse et tout aussi efficace ?

Eric Ciotti : Jamais la défiance de la police à l'égard d'un gouvernement n'a atteint ce niveau. Il faut remonter à 1983, déjà sous un gouvernement de gauche, pour voir une manifestation sous la fenêtre du garde des Sceaux place Vendôme. La colère légitime des policiers trouve sa source dans le mépris de la Garde des Sceaux à leur égard. Madame Taubira accorde davantage de considération aux droits des délinquants qu'aux droits des policiers ou des victimes. N'oublions pas que cette colère a éclaté après que l'un des leurs a été abattu à Saint-Ouen par un détenu qui avait obtenu une permission totalement incompréhensible. Celui-ci était multirécidiviste, fiché comme étant en voie de radicalisation par nos services de renseignement et avait été condamné pour des faits très graves. S’ajoute à ce climat de défiance un déficit de moyens pour les policiers et les gendarmes. Le gouvernement a fait des pseudos annonces sur des recrutements qui sont loin d'être au rendez-vous de ses discours. Il suffit de lire le rapport d'exécution budgétaire de la cours des comptes pour l'exercice 2013 pour mesurer qu'il y a un écart considérable entre les emplois qui devaient être créés et ceux qui l'ont été réellement.

Personnellement je n’ai jamais été adepte des diminutions d’effectifs au sein des forces de sécurité mais il convient de rappeler le contexte qui était celui d'une crise internationale qui demandait des efforts sans précédent. Je veux également rappeler qu'il y avait plus de policiers quand Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir en 2012 que lorsqu'il est rentré au ministère de l'Intérieur en 2002. Par ailleurs, outre les effectifs, il faut regarder l'action sur le terrain des policiers : entre 2013 et 2014, 2 400 000 patrouilles ont été supprimées par rapport à 2011 ce qui signifie concrètement qu’aujourd'hui il y a moins de policiers sur le terrain.

Comment Nicolas Sarkozy pourrait-il faire, dans un hypothétique futur mandat, pour améliorer la condition des policiers alors qu'il ne l'a pas fait avant ?

La priorité est de refonder notre chaîne pénale qui subit de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui. Je l'avais démontré dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy en juin 2010 qui avait débouché sur plusieurs lois dont une loi de programmation sur l'exécution des peines. Aujourd'hui, 100 000 peines de prison ferme ne sont pas exécutées, ce qui est un scandale démocratique. A cela vient s’ajouter le recours quasi-automatique à l'aménagement des peines pour toutes les condamnations de moins de deux ans de prison. Pourquoi cette inexécution et pourquoi cet aménagement systématique ? Tout simplement parce que notre pays souffre d'un manque chronique de places de prison ce qui conduit vers leur non-exécution. Il est indispensable de créer 24 000 places de prison supplémentaires pour dépasser les 80 000 places dont nous avons au minimum besoin dans notre pays à l'horizon 2017 comme nous l'avions prévu. Mme Taubira a arrêté ce programme de construction dès 2012. Au-delà d'une erreur, c'est une faute dont nous payons aujourd'hui un lourd tribut en matière de sécurité. Les policiers ne peuvent supporter d'arrêter les mêmes délinquants à maintes reprises et de les retrouver quasi-systématiquement le lendemain dans la rue.

Au passage, où en sont vos relations avec Christiane Taubira après les vifs échanges à l'Assemblée nationale ?

Je considère Mme Taubira comme portant une politique dangereuse pour notre pays. Ce n'est pas la personne qui est en cause, ce sont les idées, où devrais-je plutôt dire, l’idéologie proche de l'extrême gauche qu'elle véhicule, animée par une culture de l'excuse, qui la conduit à regarder toute forme de sanction avec suspicion. C'est cette politique dangereuse que dénoncent légitimement les policiers dans la rue.

Le 5 novembre, les Républicains organisent une convention sur la sécurité à l'issue de laquelle les militants seront consultés. Y participerez-vous ? Que proposerez-vous ? Quelles sont, selon vous, les attentes des Français en matière de sécurité ?

Je participe activement à la préparation de cette convention qui sera amenée à faire des propositions fortes. Je travaille déjà à l'Assemblée nationale sur ces questions de sécurité qui me tiennent particulièrement à cœur. Je propose notamment que l'on revienne sur cette logique automatique de l'aménagement des peines qui me paraît extrêmement pernicieuse et dangereuse. Je souhaite que le juge d'application des peines ne puisse pas déconstruire les peines prononcées par des tribunaux souverains. C’est pourquoi je suis personnellement favorable à la suppression du juge d'application des peines pour confier toute la chaine d'application des peines au parquet. Par ailleurs, je suis convaincu que la lutte contre la délinquance passe par davantage de moyens pour les forces de sécurité. La redéfinition de leur mission est essentielle alors qu'ils effectuent aujourd’hui des taches auxquelles ils n’ont pas vocation à être affectés. Je pense en particulier aux opérations de transfert de détenus, aux gardes statiques, qui devraient être confiées à d'autres corps d'État voire même à des entreprises de sécurité privé. La police et la gendarmerie doivent se recentrer sur leur cœur de métier, c’est-à-dire l'investigation. Nous aurons donc toute une gamme de propositions en ce sens. Enfin, nous voulons également étendre le champ d'intervention des polices municipales. L’ensemble de ces propositions fait l'objet de nos travaux mais les arbitrages internes ne sont pas encore actés. Ce sont donc pour le moment des propositions personnelles que je formule.  

Ces consultations doivent, à terme, déboucher sur un programme commun qui, de l'avis de Nicolas Sarkozy, engagera tous les candidats à la primaire. Que pensez-vous de cette idée ? Le président des Républicains n'est-il pas en train de transformer les primaires en simple concours de beauté ?

Je ne le pense pas. Il est important que l'on ait un socle de valeurs communes qui soit défini dans une famille politique et que tout le monde s'y reconnaisse. Maintenant, Nicolas Sarkozy l'a dit lui-même, chaque candidat à la primaire doit avoir la faculté de présenter son propre projet. Je considère que cette liberté est essentielle.

Vous venez d'être nommé par Nicolas Sarkozy secrétaire départemental de la fédération des Républicains des Alpes Maritimes, vous allez donc être chargé d'organiser ces primaires au niveau local. Nicolas Sarkozy a récemment déclaré que les 10 000 bureaux de vote pourtant validés par le comité d'organisation des primaires ne pourraient être mis en place. Qu'en pensez-vous ?

J'étais présent au cours de la réunion et je peux vous dire que ce n'est pas ce qu'a dit Nicolas Sarkozy. C'est à la Commission nationale d’organisation des primaires et à la Haute autorité de définir l'organisation de ce scrutin. Je leur fait toute confiance. Le chiffre de 10 000 bureaux a été arrêté, je n'y vois pas un dogme absolu. C'est à la Commission et à la Haute Autorité de définir ce nombre. Cela peut être plus, cela peut être moins, l'essentiel étant que tous ceux qui veulent voter puissent le faire dans de bonnes conditions.

Dans un sondage Atlantico/Ifop, pour la primaire des Républicains, Nadine Morano a fait une percée étant créditée de 5 points. Que cela vous inspire-t-il ? Sur cette affaire "Morano", François Fillon a dénoncé "un procès en sorcellerie excessif", quel est votre avis ?

Nicolas Sarkozy a pris la seule décision qui s’imposait. Il l'a fait avec courage, sans démagogie. En tant que chef de notre famille politique, il a rappelé l'attachement aux valeurs républicaines qui sont les nôtres. Il l'a fait avec pertinence et je soutiens totalement sa décision. Le propos de Mme Morano était une faute. Il lui a donné l'occasion de le retirer et elle ne l'a pas fait dans une forme de provocation que je condamne. Ne nous attardons pas là-dessus, ne faisons pas de Nadine Morano le centre de la vie politique française. Chacun peut exprimer sa position mais je considère que celle de Nicolas Sarkozy était la seule possible. Nicolas Sarkozy a affirmé de manière pertinente et courageuse : "combattre la pensée unique ce n'est pas soutenir la pensée fausse". Je me retrouve totalement dans cette approche et suis persuadé que dans quelques semaines tout cela n'aura plus beaucoup d'intérêt.

En plus de Nadine Morano, de nouveaux fronts hostiles s'ouvrent contre Nicolas Sarkozy comme Jean-François Copé ou Jérôme Lavrilleux. Le président des Républicains n'a-t-il pas trop d'ennemis pour espérer l'emporter ?

Des ennemis, il en a, mais il a surtout la capacité de les affronter. Ce que dit Monsieur Lavrilleux n'a pour moi aucun fondement, aucune crédibilité. Notre famille politique a déjà eu l'occasion de subir son action pernicieuse lors des élections internes de l'UMP fin 2012. Il est le moins bien placé pour donner des leçons à quiconque. Dans cette affaire je suis convaincu que Nicolas Sarkozy et notre parti ont été victimes d'une escroquerie de la part d'une bande de malfaiteurs. La justice le démontrera et je lui fais toute confiance pour cela.

Quant à Jean-François Copé, je pense que les Français n'ont ni besoin ni envie de lui donner l'occasion d'une revanche et qu'ils ont bien raison.

Dans Le Point de cette semaine, il est fait référence à certains membres de l'équipe Sarkozy qui expliquent anonymement qu'il manque "un penseur, quelqu'un qui a une colonne vertébrale" à l'ancien chef de l'Etat. Qu'en pensez-vous ?

La caractéristique d'un chef comme Nicolas Sarkozy est de se suffire à lui-même, de ne pas avoir besoin de personnes qui pensent à sa place. Par ailleurs, je vois une équipe autour de Nicolas Sarkozy mais également dans l'ensemble de notre parti qui est tout à fait compétente.

Les régionales approchent, comment jugez-vous la campagne de Christian Estrosi, tête de liste en PACA ?

Je suis certain de la victoire de Christian Estrosi. Il conduit une excellente campagne, dynamique et ancrée dans le terrain qui rassemble des personnalités de grand talent. Jeudi soir  nous avons lancé le comité de soutien des élus départementaux à La Crau que je préside. Face à lui se présentent les responsables d'une région ruinée avec 2,65 milliards de dettes, 6 000 fonctionnaires, des déficits, du clientélisme etc. De l'autre côté se trouve l'impasse du Front national. Donc oui, je suis convaincu de la victoire de Christian Estrosi puisqu'il faut tourner la page socialiste et éviter à tout prix le drame de l’election du Front National dans la région de France la plus connue au monde après Paris.

Jean-Marie Le Pen a demandé vendredi à ses proches de rallier Marion Maréchal-Le Pen, qu'est-ce que cela vous inspire ? Cela va-t-il compliquer la tâche de Christian Estrosi ?

Non, tout cela fait cuisine politicienne avec la combinaison entre la petite fille et le grand-père sous l'œil de la tante. La politique n'est pas une affaire de famille, d'héritage et de partage. On ne se distribue pas la tunique. On y exprime des valeurs, des convictions et l'envie de servir. Cette approche est loin du psychodrame de la petite entreprise familiale des  Le Pen.

Autre dossier important : les inondations en PACA. Ou en est-on en termes d'indemnisation après les intempéries qui ont ravagé le Cote d'Azur ?

Nulle part. Je viens d’adresser une lettre au président de la République pour lancer un cri de colère. Quinze jours après le drame qu'a subi notre département avec ses 20 morts et son milliard d'euros de dégâts, rien n'est fait malgré une visite très médiatisée de F. Hollande après la catastrophe. L'Etat n'a pas annoncé pour l'instant le moindre euro d'aide. Nous avons eu des visites qui relèvent plus de la communication de Mme Najat Vallaud-Belkacem et d'une secrétaire au commerce et à l'artisanat inconnue, qui sont venues les poches vides. Elles ont suscité la colère des élus qui désormais refuseront de voir arriver des ministres qui affichent un tel mépris.

Les sinistrées, pour l’instant réparent les dégâts. Ils bénéficient du soutien du département car pendant que l'État reste inerte, le Conseil départemental que je préside a déjà aidé 2 500 familles avec près d'un million d'euros d'aides. Nous avons voté un plan de 10 millions d'euro et dès lundi matin, nous voterons un plan d'urgence de subvention aux communes. Il faut également souligner que beaucoup d'entreprises sont cruellement touchées, près de 2 000. Le message que je lance donc au gouvernement c'est que la solidarité affichée par des mots doit maintenant passer aux actes.

Les spécialistes ont pointé du doigt des problèmes de sururbanisation et de dérèglement climatique, partagez-vous leur avis ? Que peut-on faire pour éviter le pire la prochaine fois ?

Il faut tirer très lucidement toutes les conséquences de ce phénomène et pour cela il faut d'abord un diagnostic très précis. Le phénomène sur le plan météorologique a été totalement inédit. Il est tombé presque 200 millimètres d'eau en deux heures ce qui équivaut à un mois très pluvieux. Dans l'histoire météorologique des Alpes-Maritimes, c'est la plus forte pluviométrie enregistrée. Il s’agit certes d’un phénomène d'une ampleur inédite mais il ne faut cependant pas écarter la possibilité qu'il se reproduise. Nous sommes dans un département qui ne part pas d'une feuille blanche. Toutes les communes touchées avait fait l'objet d'un plan de prévention des risques contre les inondations. 159 millions d'euros de travaux ont déjà été alloués pour la prévention de futures inondations mais il faudra sans doute aller plus loin. Je récuse les leçons données par tous les professeurs nimbus de la terre.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !