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L'Europe de "Gabhollande" serait-elle vraiment différente de celle de "Merkozy" ?
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Rhin à déclarer

François Hollande était ce lundi l’invité d’honneur du congrès du SPD en Allemagne. A cette occasion, il a déclaré "trouver plus de compromis avec le SPD que Nicolas Sarkozy avec Angela Merkel". Après le couple Merkozy, peut-on assister à la naissance du duo Hollande-Gabriel ou Hollande-Steinbruck ?

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde est politologue et directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg.

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Atlantico : François Hollande était ce lundi l’invité d’honneur du congrès du SPD en Allemagne. L’Europe selon Sigmar Gabriel, chef de file du SPD, et François Hollande serait-elle différente de celle de "Merkozy" ?

Henrik Uterwedde : Pas vraiment. Certes, ils partagent certaines préférences visant une Europe plus sociale, plus solidaire, mais en même temps ils sont aussi tributaires des leurs valeurs et approches nationales.

L'Europe politique vue du SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne) serait plus communautaire, plus fédérale que celle du PS. Le SPD a voté la règle d'or allemande qui limitera sévèrement l'endettement, alors que le PS y est en apparence opposé. Enfin, concernant l'énergie nucléaire, il y a un fossé...

Dans tous les cas, l'Europe ne sera ni allemande, ni française, ni de gauche, ni de droite... La construction européenne se fera forcément par des compromis, et tout le monde ferait mieux l'admettre au lieu de chercher des polarisations idéologiques.

Existe-t-il des points communs entre les stratégies d’opposition du SPD et celle du Parti socialiste ?

Les deux camps sont dans une position de critique facile, c’est de bonne guerre. Mais si ces deux partis arrivent au pouvoir, on verrait sûrement ressurgir des tendances lourdes de nos deux sociétés qui pourraient amener à des conflits entre ces deux éventuels gouvernements de gauche.

Le PS comme le SPD agissent dans deux systèmes politiques différents. En France, il existe une bipolarisation due au vote majoritaire qui pousse le Parti socialiste à rassembler sur sa gauche, y compris du côté de la gauche de la gauche. Vue d’Allemagne, la stratégie et le discours du PS sont ainsi toujours plus à gauche que ceux du SPD.

En Allemagne, nous pensons qu’une élection se gagne au centre. Le système mixte à finalité proportionnelle fait que l’on aura toujours besoin d’un partenaire de coalition, y compris le SPD. Toute la culture politique de l’Allemagne d’après-guerre s’est faite dans le rejet profond des extrémismes, bien sûr l’extrême droite et le national-socialisme, mais aussi l’extrême gauche et le communisme. Cela explique le centrisme de la politique allemande qui pousse les quatre grands partis allemands (CDU-CSU, SPD, FDP, DL) vers la modération, vers des positions moins polarisantes et moins tranchantes.

Un couple franco-allemand proche idéologiquement est-il forcément plus efficace ?

Même si les idéologies peuvent les rapprocher, certaines tendances nationales les séparent. Quand l’on compare les couples franco-allemands dans le temps, il y a rarement eu un cas ou la proximité idéologique des deux leaders aurait vraiment aidé à pousser vers l’avant le couple. Le couple Jospin-Schröder n’a jamais été très clair. Mitterrand-Schmidt n’a pas marché non plus, l’un étant en bout de course et l’autre venant d’être élu. Au contraire, le couple Schmidt-Giscard (l’un social-démocrate du SPD et l’autre de droite libérale) a très bien fonctionné.

Les couples qui ont clairement marqué la marche de l’Europe ont été le résultat de personnalités qui avaient bien saisi le sens de l’histoire et leurs responsabilités réciproques. Ce n’était pas du tout la résultante d’une proximité idéologique.

François Hollande a déclaré "trouver plus de compromis avec le SPD que Nicolas Sarkozy avec Angela Merkel". Est-ce exact ?

François Hollande dit cela, j’en aurais fait de même à sa place…  Il fait un constat logique dans sa position : "Sarkozy et Merkel ont raté le coche. Ils ont poussé l’Europe dans la crise car ils ne s’entendent pas, car Sarkozy est le petit 'esclave' de Merkel". La posture est de dire : "Nous allons équilibrer la chose. Avec Sigmar Gabriel, cela marchera mieux, on marchera main dans la main… ". Je pense que c’est tout simplement un effet d’annonce, il ne faut rien y voir de plus.

Les soutiens de François Hollande ont émis l’idée que ce dernier, fraichement élu, pourrait rééquilibrer les rapports de force avec une Angela Merkel, en fin de course. Est-ce aussi votre idée ?

C'est un discours qui ne peut émaner que du Parti socialiste. Déjà, rien n’est gagné ni perdu, les dés ne sont pas jetés, en Allemagne comme en France. Ensuite, je ne pense pas que cela change profondément la donne, qui est la nécessité de trouver un terrain d’entente.

Je pense que le rôle de la BCE pour les Allemands est une ligne rouge. Nous pouvons très bien tacitement tolérer qu’elle fasse davantage mais l’Allemagne ne cèdera pas sur ce point, que cela soit avec Nicolas Sarkozy ou avec François Hollande. Si les socialistes croient cela, ils se font des illusions.

Je crois vraiment que l’Allemagne va devoir en revanche faire des concessions sur une espèce de mutualisation de la dette. Nous devrons évoluer dans le temps sur des mécanismes comme le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou sur la création d’un éventuel fond monétaire européen.

En vérité, la relation franco-allemande dépasse les clivages politiques et les personnalités. Depuis le traité de Rome et la création d’un marché commun, la construction européenne passe, dans les moments difficiles, par une entente franco-allemande. C’est en quelques sortes le rôle historique de nos deux pays. Ce sont deux cultures économiques et politiques, qui se complètent mutuellement.

La France et l’Allemagne représente plus de la moitié du PIB européen. Ce sont les partenaires qui ont le plus de poids et qui tout au long des cinquante dernières années ont assumé une responsabilité commune pour la construction européenne. Le président Hollande ou le chancelier Steinbruck ou Gabriel ne pourront rien changer à cette donne fondamentale, quitte à mettre au placard les grands discours idéologiques qu’ils peuvent avoir. Le pragmatisme et le sens des responsabilités l’emporteront.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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