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Infiltré pendant 27 ans au cœur du narcoterrorisme : être un bon agent, c'est "l’art de gagner la confiance de quelqu’un puis de la manipuler"
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Bonnes feuilles

E. Follis témoigne de sa carrière au sein du service de lutte antidrogue de la brigade des stupéfiants (DEA). Pendant 27 ans, il a négocié des marchés de plusieurs millions de dollars à bord de jets privés, acheté des kilos de cocaïne, est devenu intime avec les plus gros trafiquants de drogue, qui étaient parfois des agents d'Al-Qaida ou des membres de cartels. Extrait de "Infiltré", publié aux éditions Flammarion (1/2).

Edward  Follis

Edward Follis

Edward Follis est ancien numéro 2 au sein du service de lutte antidrogue de la brigade des stupéfiants (DEA).
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L’infiltration, pour l’essentiel, est un travail qui ne s’apprend pas, m’a expliqué José Martinez. Les compétences sont innées ; soit vous êtes fait pour ça, soit vous devriez faire un autre métier.

L’infiltration est un jeu de séduction. Vous gagnez la confiance de quelqu’un, mais ce n’est jamais réciproque. Vous ne devez jamais partager les mêmes sentiments. Ce n’est qu’une façade. Vous êtes comme un hologramme.

Peu à peu, j’identifiais les désirs des dealers, je leur donnais ce qu’ils voulaient et très vite ils se retrouvaient à ma merci. C’est une règle universelle et absolue : la faiblesse est humaine.

Si l’on ne refrène pas ses propres vices, on est toujours vulnérable soi-même. Je ne sais pas exactement comment (peut-être faut-il y voir un signe de la Providence), mais j’ai toujours réussi à trouver une particularité, un défaut ou une faiblesse que je pouvais exploiter. On pourrait appeler ça ma « porte d’entrée ». Le moment venu, je retournais la situation. C’est moi qui devenais le revendeur. Je faisais du dealer mon junkie.

En quoi consiste l’infiltration ? Au regard de la loi, c’est l’art de l’ombre qui permet de soutirer habilement des déclarations incriminantes. Mais concrètement, c’est l’art de gagner la confiance de quelqu’un puis de la manipuler. Pour dire les choses simplement, vous jouez une partie d’échecs avec votre cible et vous lui faites faire les coups qui vous arrangent sans qu’il n’en soit jamais conscient.

Pendant ma carrière, je n’ai jamais touché à la drogue, à part pendant un deal. Je n’ai jamais été défoncé de toute ma vie. Après ma première opération avec l’Unité Quatre (quand Mike Dawkins et Billy Queen ont défoncé la fenêtre du motel), c’est l’infiltration qui est devenue ma drogue.

Je comprends que cela puisse sembler plutôt tordu, mais rien au monde n’est plus satisfaisant que de manipuler et de diriger les actions – voire les pensées – de quelqu’un d’autre pour l’emmener dans la direction de son choix. Il n’y a aucune sensation plus puissante, aucune défonce plus intense…

En tant qu’agent infiltré, ma devise est devenue :

Il me faut un rendez-vous.

Une fois dans la même pièce que les trafiquants, c’était à moi de jouer. C’est tout ce que je demandais à mes indics, à mes supérieurs, à mes agents et aux criminels eux-mêmes :

« Il me faut un rendez-vous. »

À la DEA, il y a deux principaux types d’agents : ceux qui bossent sur le terrain et ceux qui travaillent dans le renseignement. J’ai toujours eu des facilités pour le renseignement. Mike Bansmer, un de mes plus proches amis et mon coéquipier durant mes années en Thaïlande me surnomme « Professeur Eddie ». Sans doute parce que j’aime bien lire, écrire et faire un travail de recherche important, ce qui n’est pas le cas de tous les flics.

Mais il était clair pour moi et pour tout le monde dans l’Unité Quatre que ma place n’était pas dans le renseignement : j’étais fait pour le terrain.

En revanche, l’agent spécial John Whelan était un agent de renseignements extraordinaire. Nous avions débuté à la DEA ensemble. Il est arrivé deux mois à peine avant moi, juste après la fusillade de Pasadena. Son surnom dans l’Unité Quatre était « Higgins », parce qu’il ressemblait à ce personnage de la série Magnum. Il parlait exactement de la même manière. Ses mots fusaient à toute vitesse mais il restait parfaitement compréhensible. Je n’avais jamais rencontré de flic comme lui.

Whelan était un Marine, comme moi, mais il avait été officier de renseignements dans le Corps et il avait tendance à utiliser des termes de navigation comme « azimut » dans la conversation de tous les jours. Les autres membres un peu plus frustes de l’Unité Quatre le regardaient souvent de travers, comme s’il venait d’avaler un dictionnaire.

J’ai vite été connu dans l’équipe comme le type qui met en place les enquêtes. La force de Johnny, c’est le renseignement. Mais selon moi, les deux rôles sont tout aussi importants.

Extrait de "Infiltré - Au cœur du narcoterrorisme", de Edward Follis, publié aux éditions Flammarion, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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