Inégalités de revenu : France 1-0 Etats-Unis (mais pourquoi ce bon score tricolore est un trompe-l'œil)<!-- --> | Atlantico.fr
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La France ne compte pas parmi les pays qui parviennent à compenser le plus fortement le niveau d’inégalités.
La France ne compte pas parmi les pays qui parviennent à compenser le plus fortement le niveau d’inégalités.
©Reuters

Le match

Si la France fait figure de bon élève en matière d’inégalités, un tel classement masque surtout le manque d’efficacité des politiques de redistribution du pays et son incapacité à générer une croissance des revenus pour l’ensemble de la population. A l’inverse, d’autres pays comme les Etats-Unis doivent en faire plus pour faire face à des inégalités croissantes.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 22 septembre dernier, l’INSEE dévoilait son dernier rapport sur les niveaux de vie en France, pour l’année 2013. Avec une conclusion en demi-teinte ; si le revenu médian (50% gagnent plus, et 50% gagnent moins) reste stable dans le pays, les inégalités tendent à se réduire. La combinaison d’une baisse sensible des revenus des plus riches et de la légère progression des revenus des plus pauvres aura permis ce résultat. Car en effet, et malgré une hausse significative des inégalités depuis 2008, la France fait figure de bon élève en matière de redistribution, ce qui se traduit par un indicateur de Gini (mesurant les écarts entre les différentes catégories de revenus- les inégalités) plutôt favorable pour le pays.

Ainsi, en prenant en compte la base de données mise en place par la Luxembourg Income database, concernant l’année 2010, il apparaît que les inégalités de revenus sont bien plus marquées dans les pays anglo-saxons. Les Etats-Unis et le Royaume Uni prenant la tête du classement. A l’inverse, et comme cela est largement admis, les pays du nord de l’Europe, comme la Norvège ou le Danemark, sont ceux qui sont les plus en pointe en matière d’égalité de revenus. En l’espèce, les niveaux de revenus pris en compte sont mesurés après taxes et transferts, ce qui permet de mesurer l’impact de la redistribution publique (plus l’indicateur de GINI se rapproche de 1, plus le niveau d’inégalités est élevé dans le pays).

Indicateur de GINI après taxes et transferts. Source Luxembourg Income Database. 2010

Cependant, les inégalités de revenus peuvent également se mesurer avant taxes et transferts, c’est-à-dire en ne tenant pas compte de l’impact des politiques de redistribution. Dans un tel cas, la France ne diffère pas réellement des pays les plus inégalitaires :

Indicateur de Gini avant taxes et transferts. Source Luxembourg Income Database. 2010

En se classant à un niveau équivalent de celui des Etats-Unis, et dans le classement de tête des pays européens, la France ne fait plus figure d’exception. La structure économique française se voit donc tout aussi « naturellement inégalitaire » que ses partenaires. C’est donc par la voie des prestations sociales que le pays parvient à procéder à des ajustements entre les différentes catégories de population. Et en effet, la France fait figure de championne du monde absolue en matière de dépenses de prestations sociales : 

Prestations sociales en % de PIB. Source Banque Mondiale

Pourtant, malgré ce record mondial, la France ne compte pas parmi les pays qui parviennent à compenser le plus fortement le niveau d’inégalités. Il suffit de comparer les indicateurs de GINI avant, puis après taxes et transferts pour se faire une idée de cette situation. L’écart constaté correspond ainsi au résultat réel des politiques de redistribution. Si les Etats-Unis sont le pays qui est le moins « généreux » dans ce domaine, la Norvège ou le Danemark sont en pointe : 

Impact des politiques de redistribution sur les niveaux d’inégalités. (Différence de GINI avant et après taxes et transferts). Source. Luxembourg Income Database. 2010.

Il est alors possible de se représenter le niveau d’efficacité des dépenses de prestations sociales sur la réduction des inégalités. C’est-à-dire le rapport entre le niveau de dépenses et la baisse effective des inégalités avant, puis après taxes et transferts. Car certains pays dépensent beaucoup pour un résultat insatisfaisant, quand d’autres obtiennent des résultats convaincants. Et à ce jeu-là, la France campe parmi les plus mauvais élèves, au même titre que l’Espagne ou l’Italie. A l’inverse, la Norvège est une nouvelle fois au premier rang de l’efficacité.

Efficacité de la redistribution sur la réduction des inégalités (différence de GINI / poids des prestations sociales sur PIB)

France et Etats-Unis, pour prendre des extrêmes, ont ainsi chacun à apprendre de l’autre. Les Etats-Unis peuvent prendre exemple sur les pays européens afin d’élever leur niveau de redistribution, et ainsi permettre une réduction sensible des inégalités de revenus dans le pays. Une voie dans laquelle le pays s’engage peu à peu, notamment au travers de la réforme de l’assurance maladie, Obamacare. 

Par contre, ce que les Etats-Unis savent faire, c’est générer de la croissance. Ce qui permet au pays de figurer à un niveau très élevé en termes de PIB par habitant. Mais toujours derrière la Norvège, toujours propulsée à la tête des classements de richesse grâce à sa rente pétrolière. La France, quant à elle, ne peut prétendre à un classement satisfaisant. 

PIB Par Habitant PPP. 2014. Source Banque Mondiale

Car la grande défaillance des mesures inégalitaires est qu’elles ne nous disent rien de la croissance des revenus des pays concernés. Si un pays très égalitaire ne parvient pas à générer de croissance du tout, il n’y aura rien à redistribuer. Ce qui peut se vérifier à la seule comparaison de l’évolution des niveaux de revenus médians entre les pays. Entre 2012 et 2013, et malgré la baisse des inégalités, le revenu médian a baissé de 0.1% en France. A l’inverse, et malgré des inégalités bien plus fortes, le niveau de revenu médian a progressé de 1.6% entre 2013 et 2014 aux Etats-Unis.

Voilà pourquoi la situation de la France est inverse de celle des Etats-Unis. En étant d’ores et déjà en première ligne des dépenses de prestations sociales tout en ne parvenant pas à réduire substantiellement les niveaux d’inégalités, la France doit déjà chercher à rendre son système plus efficace. Mais, et en priorité, pour parvenir à réduire les inégalités tout en permettant une hausse des revenus de la plus grande partie de la population, le pays se doit de retrouver des niveaux de croissance en adéquation avec son potentiel économique. Sans quoi, la réduction des inégalités ne pourra pas longtemps masquer l’appauvrissement de la majorité de la population. 

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