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Onfray, Debray… Tisseron… et moi, et moi
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Egos surdimensionnés contre égocentrique

Dans un article relayé par la version web du quotidien Le Monde, ce mardi 6 octobre et mis à jour ce vendredi 9 octobre, le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron s'en prend aux intellectuels de notre temps. L'article, intitulé "Les intellectuels d’aujourd’hui ont perdu toute prise sur notre époque", critique la vision "binaire" et les egos "surdimensionnés" d'intellectuels 'à la dérive". Tribune de Michel Fize.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Je ne connais, personnellement, ni Michel Onfray, ni Régis Debray, encore moins Alain Finkielkraut. Je ne suis du reste pas un intellectuel, pas davantage un philosophe, juste un sociologue attaché au sens des mots, habitué au regard rigoureux sur les choses. Je connais en revanche (un peu) Serge Tisseron, croisé au cours de ma carrière. Je l’aime bien, mais son dernier propos (Le Monde, 07/10/15), me confirme que l’homme reste un optimiste désespérément angélique, un peu béat, notamment quand il commente les propos des "intellectuels médiatiques" comme il les appelle. Mais à quel titre au juste le fait-il, lui, ce citoyen, qui, avant tout, est psychiatre et psychanalyste, digne représentant de cette discipline totalitaire, venue des profondeurs d’un cerveau autrichien perturbé ?

Serge Tisseron fustige l’approche binaire des choses par Onfray et Debray notamment, mais c’est oublier que la France est la championne du monde de la binarité. Droite ou gauche, catholiques ou protestants naguère, laïcs ou croyants aujourd’hui, psychanalystes (les sachants) ou non-psychanalystes (les ignorants). Aujourd’hui, encore et toujours, partout la binarité. C’est, autre exemple, pour ou contre les migrants – en bloc naturellement pour radicaliser davantage la binarité. Et donc, à présent, dernier exemple, pour ou contre les intellectuels (considérés en bloc à leur tour).

Je regrette, je ne suivrai pas cette dernière binarité, pas plus que les autres dites avant (à cause de leur brutalité). Je ne confonds pas Michel Onfray ou Régis Debray, qui restent des hommes de progrès et d’humanité, et M. Finkielkraut qui est un homme de regrets et d’extrémités. Déclinistes, nos intellectuels ? Le dernier sûrement : "ah, comme tout était mieux avant", au temps peut-être de la "race blanche" comme dirait Mme Morano, mais que lui, l’intellectuel nostalgique, prudemment ne dit pas (je ne connais pas à vrai dire son sentiment à ce sujet). Les deux premiers intellectuels se bornent, quant à eux, simplement à décliner leurs idées, qui ne sont pas, me semble-t-il, désespérantes mais éclairantes.

Des "egos sur-dimensionnés", dit Serge Tisseron. Je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Dans la défense de ce qu’ils croient juste, Onfray et Debray expriment juste leur moi, c’est leur droit, de façon médiatique, c’est leur droit encore. Qui n’a pas d’ego ? M. Tisseron, comme son compère Rufo Marcel, dit Pr Rufo, a l’"ego souriant". Ça change tout évidemment ! Souriez, Michel (Onfray), et l’on ne vous en aimera que davantage. Simplifiez Régis (Debray), et l’on vous comprendra beaucoup mieux (votre dernière tribune dans Le Monde est tout de même d’une inutile complexité, non ?).

Michel, Régis (pardonnez-moi cette familiarité), on vous reproche votre franc-parler, plus encore votre lucidité sur notre monde. Ça dérange assurément. Qu’à cela ne tienne, vous avez raison de dire ce que vous dites. Je rajouterai à vos récriminations et interrogations, pardonnez-moi, mes propres observations. Quelles sont-elles ? Une crise morale et politique sans précédent, l’empire absolu des émotions qui tiennent désormais lieu de raison, l’expansion sans limites de la médiocrité et de la bêtise, des "gens de peu" ou pas, qui n’en peuvent plus. Comment alors ne pas comprendre que les pauvres, ou futurs pauvres, se rebiffent, que les jeunes fichent le camp, aillent chercher ailleurs, moins fortune que considération ? Emplois d’avenir ? Emplois à dépérir, oui. Contrats de générations ? Contrats de dégénération, oui. On ne sauvera pas la jeunesse avec des cacahuètes !

Pour être "validé" de gauche, faudrait-il renoncer à la lucidité ? Pour être un vrai progressiste, faudrait-il renoncer au "parler vrai" cher à Michel Rocard, qui, soit dit en passant, disait aussi, sous le coup de la raison, non de l’émotion, lui, que la France ne saurait accueillir toute " la misère du monde", ce que crient aujourd’hui les Allemands à madame Merkel, avec tout autant de raison, même si notre générosité doit en souffrir ?

Avant de dessiner le monde de demain, auquel, comme M. Tisseron, j’aspire, re-tricotons fermement celui d’aujourd’hui (on le peut encore). Avant de laisser dominer les pensées complexes, donnons crédit aux pensées simples, assortissons-les, quand il faut, des nuances qui conviennent.

Gouverner, c’est choisir, disait Mendès-France. C’est aussi partager entre ceux venus d’un tristement ailleurs et ceux du dedans, malheureux à en mourir. C’est distribuer les rôles entre intellectuels et politiques. Entre élus et citoyens "ordinaires".

Alors Onfray ou Finkielkraut, non ce n’est pas le même projet, ce n’est pas la même idée de la France et du monde. La binarité n’a-t-elle pas du bon quelquefois ? Je vous le demande.

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