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L'alcool au volant, une affaire d'hommes
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Boire ou conduire...

La première cause de mortalité sur les routes, c'est l'alcool. Selon la Sécurité routière, 31% des accidents mortels sont imputables à l'alcool et, dans 92% des cas, le conducteur alcoolisé est un homme. Comment expliquer ce chiffre ?

Anne Kletzlen

Anne Kletzlen

Anne Kletzlen est juriste.  Docteur en droit elle est également chercheure contractuelle au CERMES3 Equipe Cesames. Ses travaux portent sur l’histoire et la genèse des lois et politiques de sécurité routière  et de contrôle de l’alcool au volant.Auteur de De l’alcool à l’alcool au volant. La transformation d’un problème public, L’Harmattan (2007).

 

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La possession d’un éthylotest à l’intérieur de chaque véhicule sera obligatoire dès le printemps prochain. L’objectif est de permettre au conducteur d’évaluer sa  capacité à prendre le volant après avoir consommé de l’alcool.  Cette mesure, déjà prévue par la loi du 9 juillet 1970 instaurant un taux d’alcoolémie, repose sur le postulat d’un conducteur rationnel, respectueux des normes qui lui sont imposées. C’est oublier que l’impact des normes légales est faible lorsqu’elles ne corroborent pas des normes sociales préexistantes. C’est le cas à propos de l’alcool au volant. 

Une étude de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière réalisée en 2008 montre que plus de 90 % des conducteurs impliqués dans  un accident corporel ou mortel avec un  taux d’alcoolémie positif sont des hommes. C’est dire que l’alcool au volant est une affaire d’hommes, liée aux représentations et pratiques de la consommation d’alcool et de la conduite automobile.  

En effet, une enquête qualitative de l’INPES effectuée en 2003 souligne le caractère masculin de la consommation d’alcool. Certes, chez les hommes comme chez les femmes, les pratiques de consommation diffèrent selon les  catégories socio-professionnelles et les tranches d’âge.  Elles symbolisent cependant chez les hommes outre la culture française, la virilité, la masculinité,  l’héritage du père. La consommation d’alcool signifie être adulte, responsable, maître de soi. Elle est donc synonyme d’appartenance à une famille, à un groupe de pairs, au monde adulte. Elle revêt des fonctions de détente, de convivialité, de plaisir. C’est pourquoi la pratique de l’excès -recherché notamment chez les jeunes sur un mode festif- apparait  normale. Seule l’ivrognerie fait depuis toujours l’objet d’une forte réprobation sociale car elle renvoie à l’image de la marginalité et du désoeuvrement. 

Toutefois, il y a une sous-évaluation des consommations individuelles, de leurs effets sanitaires (cancers, maladies) et sociaux (violences) et donc des risques de provoquer un accident de la route. Le taux d’alcoolémie, établi sur la base de travaux scientifiques américains répliqués en France, est le même pour tout le monde. Il accrédite ainsi l’idée qu’on peut conduire sans risque jusqu’au seuil légal alors qu’avant même ce seuil de 0,5 g/l de sang, l’alcool au volant peut constituer une source de danger selon les personnes. Car les effets de la consommation d’alcool diffèrent selon le sexe, la corpulence, le poids et les habitudes des personnes. Les femmes sont beaucoup plus vulnérables sur ce point que les hommes. En d’autres termes, il y a une inégalité des sexes et des personnes d’un même sexe au regard des effets de la consommation d’alcool. De ce fait, ce sont les conducteurs qui apprécient eux-mêmes le seuil à partir duquel leur conduite devient dangereuse. D’autant que l’accident est bien souvent perçu comme le résultat de circonstances liées au hasard et à la faute des autres. 

Les hommes conduisent davantage que les femmes, ils effectuent des parcours plus longs qu’elles, ils utilisent plus les deux roues et les voitures puissantes car la possession et la conduite d’un engin performant constituent pour certains  groupes sociaux des signes de virilité et de réussite sociale. Les hommes, en raison notamment du kilométrage parcouru, sont donc plus exposés que les femmes aux risques d’accident et par là-même, souvent plus impliqués qu’elles dans des accidents. De plus, les femmes assignent plutôt des fonctions utilitaires à la conduite automobile. Elles conduisent plus prudemment que les hommes en particulier parce qu’elles transportent leurs enfants. Généralement moins enclines que les hommes aux conduites à risque, les femmes sont davantage respectueuses du code de la route.  

Ainsi, du fait des représentations et pratiques des automobilistes, l’obligation de posséder des éthylotests aura des effets dissuasifs surtout sur les conducteurs qui boivent occasionnellement et sur ceux qui sont convaincus du bien-fondé de la mesure.  A moins de multiplier les contrôles, ce qui permettra de mieux connaître les personnes qui conduisent nonobstant un dépistage positif et d’identifier celles pour qui cette consommation revêt un caractère  pathologique.

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