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Medef Ile-de-France ou le déni de la démocratie
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Les entrepreneurs parlent aux Français

Quand les entrepreneurs sont privés du droit d’expression... devant les entrepreneurs.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Pierre Gattaz est une sorte de héros. Dans une interview au Figaro il y a quelques jours, il laissait poindre une colère légitime. Celle liée à son envie sincère de voir les politiques sortir du jeu des mots faciles et des postures d’un jour, et de rêver d’un monde où la parole reprendrait sa valeur. D’un monde où la vision serait redonnée aux aveugles. Fatigué, il semblait l’être, de ses mots forts prononcés, dans l’enceinte même du Medef, lors de ses Universités, de ses mots qui faisaient figure d’espoir colossal, pour accoucher de broutilles ridicules qui font "pschitt" dans un océan d’hypocrisie et de défiance, dont la politique nous abreuve sans cesse.

Pierre Gattaz, pour briser le culte de la personnalité de celle qui lui a précédé, a annoncé dès son arrivée qu’il éviterait de demander le renouvellement de son mandat et indiquait ainsi, qu’il n’avait pas l’intention de violer les lois de la démocratie interne pour s’y maintenir de force. Un Medef de combat nous était annoncé, dans lequel l’ego servirait enfin la cause et non plus les intérêts personnels de ses dirigeants. Si chaque jour, il doit se désespérer de ces forces extérieures contraires, il doit souffrir au moins autant, des forces intérieures adverses. De toutes ses baronnies et spécialistes de la futilité, qui, de façon identique aux politiques qu’ils dénoncent tant, dans les cocktails trop riches, dont ils sont les organisateurs appliqués, passent leur temps à remettre la réforme au lendemain.

Ces hommes (principalement), souvent âgés, pour qui la position institutionnelle tient lieu d’intelligence, leur fournit une excuse pour n’avoir pas de vision et ils vérolent, avec application, chaque jour, l’action des réformateurs. Un combat sourd et masqué, qui détourne aujourd’hui le monde des jeunes et du digital, d’une institution dont ils se sentent tout à fait éloignés, et dont ils pensent, à raison, que l’ubérisation les emportera comme toutes les institutions qui refuseront d’évoluer. C’est à cela, autant qu’aux veules politiques, que Pierre doit s’affronter chaque jour, alors que sa volonté de réforme est sincère. Mais la réforme est synonyme de changement et met en exergue l’incompétence. Ceux que le changement concerne, déteste être découverts et préfèrent tuer le changement, que d’être ainsi mis à nu.

Et puis il y a les lustres. Les dorures. La fatuité. La rencontre avec les personnalités. C’est inutile, dépassé, mais cela flatte l’égo. Le bal des petites prétentions est joué par des musiciens usés, qui jouent une partition aux notes inaudibles, mais la jouent entre eux, dans des salles de plus en plus petites, afin que l’illusion du niveau sonore soit maintenue. Pouvoir approcher ceux qui gouvernent notre pays reste un rêve de midinettes, qui les distinguent du bon peuple, qui lui, doit se contenter de résumés au journal de 20 heures. Loin, derrière un écran. Eux les touchent, échangent des propos sans intérêts, écoutent des promesses sans lendemain, devisent de leur absence de vision réciproque. Mais entre médiocres, c’est plus supportable. Leur apparence est sauvegardée et atteste de leur "pouvoir".

Ces parodies d’échanges et de rencontres, sont l’occasion de concours de banalité, de jeux de dupes pitoyables. Mais chacun respecte la petite musique qui les berce depuis 30 ans et dont ils ne peuvent se passer, comme drogués à l’inutilité. On ne peut s’empêcher de penser à César et à Louis XVI. L’un donnait à la plèbe des jeux et du pain, semblant se mêler au peuple, dans une parodie de démocratie destinée à les maintenir loin du pouvoir. L’autre, au contraire, s’isolait dans cette cour peuplée de vils opportunistes et parasites, bien à l’écart du moindre esprit populaire, ces gueux détestables, nombreux et sales, qui faisaient honte à leur noblesse impeccable et risquait d’assombrir le far blanchâtre destiné à masquer leurs traits humains.

L’un est mort poignardé par son fils et l’autre par son peuple. L’un se moquait du peuple qu’il utilisait. Le second le méprisait et y laissa sa tête. Ces leçons de l’Histoire, pourtant cruelles, ne semblent pas avoir atteint le Medef Ile-de-France, surement au grand dam de Pierre Gattaz, qui aimerait tant voir la fraîcheur et le renouvellement prendre le pouvoir.Mais surtout à l’effarement des entrepreneurs, qui attendent des actes et non plus des promesses d’arracheurs de dents.

Lors du premier débat organisé pour les entrepreneurs, qui je le rappelle constituent leurs rangs, le Medef Ile-de-France, contrairement à nombre de Medef territoriaux, qui ont compris, eux, la nécessite de changer de logiciel, a décidé que la démocratie, c’était pour les autres. Le changement surement pas pour maintenant, et que finalement le "style Louis XVI" gardait son lustre. Qu’il s’agissait de rester entre soi, malgré le dégoût des entrepreneurs pour les politiques, pour les partis en place, dont ils constatent, avec le temps, que rien ne les distingue, à part la couleur du logo et la marque des costumes. Et encore, si l’on en croit le coût des costumes de la CGT ! Des entrepreneurs désabusés qui avaient voté Sarko en 2007, et ne voteront plus jamais pour lui. Des entrepreneurs trompés, qui ont compris qu’à tous les échelons ils étaient la proie d’étrangleurs pour qui leur vie n’avait d’importance que si nous consentions à créer des emplois en dépit d’une croissance zéro, d’une fiscalité écrasante et de délais de paiement passés au delà de 73 jours. Brefs, les politiques attendent des entrepreneurs l’attitude d’un véritable coq gaulois, capable de chanter les pieds dans la M… Des entrepreneurs tellement meurtris que tous ceux qui le peuvent quittent leur pays et en font fuir leurs enfants, hypothéquant ainsi la moindre reprise dans un pays que les politiques leur ont volé.

On aurait légitimement pensé qu’un Medef à l’écoute de ses membres pourrait profiter de cette opportunité pour mettre en avant une parole différente. Un verbe riche. Une vision nouvelle. Une profession de foi désintéressée et uniquement vouée à la cause de la nation. Que le Medef Ile-de-France aurait préféré mettre sur l’avant de la scène les rares porteurs d’un message capable d’être compris par les entrepreneurs. Tout cela aurait été logique et bienvenu. Et bien non ! Tout le contraire. Les sièges sur scène n’ont pas changé de place depuis 20 ans, faisant presque des marques sur le sol, et les organisateurs de cette pitrerie ont décidé, au pire, de mettre la parole neuve à l’écart ou de lui accorder, du fait de quelques pressions et étonnements, un strapontin comme Louis XVI ou César en auraient fait l’aumône aux manants. A nous les entrepreneurs, ces gueux de petite condition. Tout cela afin de laisser les danseurs mondains twister entre eux pour éviter les questions gênantes et les réponses précises et laisser se dérouler cette pantomime jouée par ceux dont la proximité des édiles fait frétiller les hormones.

Les entrepreneurs qui ont pris un pouvoir certain au PLD, et encore plus dans ce rassemblement nommé "Aux Actes Citoyens", issus de tout ce que la société civile compte d’actifs irréductibles passionnés par la réussite de la France, n’ont pas du mot à dire lors de la rencontre entre les hommes et femmes du passé, du monde d’avant et les entrepreneurs. Ces derniers n’ont pas eu droit à un discours réaliste en lieu et place des lieux communs. Interdits. Muselés. Tout juste JM.Cavada, aura eu la parole, apeurés qu’étaient les organisateurs, la CCI et le Medef Ile-de-France, du pouvoir médiatique de représailles de ce dernier. La gauche de la gauche dont on connaît la passion pour l’entrepreneur avait plus de poids que nous. Etonnant non ?

Le deni de démocratie. Pris la main dans le sac du conformisme et de la collusion. En flagrant délit de refus de donner aux entrepreneurs la parole devant leurs pairs. C’est terrible mais enivrant. Car ces ennemis de la démocratie et du changement n’ont plus que quelques mois, années peut-être, à vivre et donnent ainsi un coup de scie de plus à la branche sur laquelle ils sont assis. Comme dans la société de façon générale, c’est le bas et l’extérieur qui feront le ménage que l’intérieur et le haut leur refusent. Honte à une institution qui représente les entrepreneurs, de nous refuser la parole. Mais les amphis sont de bien petits cercles comparés à l’internet, et refuser à 300 entrepreneurs la démocratie sera vengé par une lecture démocratique par des millions.

Nous aurons plaisir à intervenir dans divers Medef à travers la France, et n’avons aujourd’hui comme seul exemple que l’Ile-de-France, qui restera à notre avis, seul contre tous. Nous lui laissons "ses amis" politiques, ces mimes tristes, dont les seules rares bonnes idées en matière de PME et d’économie, leurs ont été soufflées par nous. Nombre d’entre eux sont venus nous voir depuis plusieurs mois pour nous demander de leur donner les idées qu’ils ne peuvent avoir. Nous avons décidé que nous allions continuer à les leur donner, à droite comme à gauche, mais que nous avions mieux à faire en les proposant nous mêmes. Quelque chose nous dit à nous, entrepreneurs, que dans six ans, la scène du Medef Ile-de-France, si elle existe encore, sera occupée par de bien meilleurs occupants et des organisateurs plus réalistes !

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