Synode sur la famille : pourquoi le comportement de monarque de François ne plaît pas à tous les Pères synodaux<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Synode sur la famille : pourquoi le comportement de monarque de François ne plaît pas à tous les Pères synodaux
©Reuters

Tensions à Rome

Le synode sur la famille débute dimanche 4 octobre à Rome dans une ambiance tendue. Cette tension se cristallise autour de certains pères synodaux, qui ne se sont pas sentis assez impliqués dans l'organisation des débats.

Christophe Dickès

Christophe Dickès

Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique étrangère et à la papauté (L’Héritage de Benoît XVI, Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde). Il est enfin le fondateur de la radio web Storiavoce consacrée uniquement à l’histoire et à son enseignement.

 

Voir la bio »

Atlantico : Le synode de la famille qui s'ouvre ce dimanche à Rome s'annonce tendu aux yeux d'une partie de la communauté catholique. Par quel contexte cela s'explique-t-il ?

Christophe Dickès : Tout a commencé l’année dernière. En effet, le pape a souhaité que le synode de la famille se déroule en deux temps, en 2014 puis 2015. Or, l’année passée, au bout de la première semaine, le synode a été marqué par la publication d’un document d’étape qui était un document de travail. C’est ce document qui, en quelque sorte, a mis le feu aux poudres puisqu’il semblait renverser la position de l’Eglise sur deux questions : celle des divorcés remariés et leur possibilité d’accéder à la communion mais aussi celle des rapports de l’Eglise avec les homosexuels.

Ce texte fut considéré comme un véritable coup d’Etat par le haut dans la mesure où il ne reflétait absolument pas les positions de l’assemblée qui avait débattu la première semaine. D’autant plus que le document fut relayé dans les médias avant même que les pères synodaux en prennent connaissance ! Si bien qu’en deuxième semaine, s’est constitué une sorte de front général contre une minorité voulant imposer ses vues, en cherchant bien évidemment le soutien du pape François. Or, toute la question est de savoir si le pape François a validé le fameux rapport d’étape… Le secrétaire général du Synode, le cardinal Baldisserri, a indiqué au mois de janvier dernier que le pape avait "vu et approuvé" le document.

Certes, ce fameux rapport ne fait pas autorité puisqu’un rapport final a été publié, cette fois dûment approuvé par l’ensemble de l’assemblée. Mais le pape a souhaité que les questions controversées restent à l’ordre du jour pour le deuxième volet du synode qui s’ouvre donc aujourd’hui.

Est-ce rare d'avoir une telle tension à l'ouverture d'un synode ?

Cela rappelle en partie les grands débats du Concile Vatican II. En fait, le débat n’a jamais été véritablement clos depuis le rapport d’étape. Dès le lendemain de sa publication, les hostilités, si je puis dire, ont été immédiates ! Encore une fois, une grande majorité des pères synodaux s’est sentie flouée par la tournure des évènements. Dans un livre paru dernièrement, le vaticaniste Edward Pentin a souhaité montrer qu’il existait une véritable manipulation, organisée et orchestrée par une minorité composée essentiellement du cardinal Baldisserri et de Mgr Forte (1). Le livre de Pentin, très largement documenté, est bourré d’anecdotes traduisant la volonté de cette minorité de passer en force, avec un mépris et un aplomb assez extraordinaires.

>>> Lire aussi - Cardinal Burke : "Face à l'islam, il n'est pas déraisonnable de ressentir une certaine peur. Une peur juste"

Un an après, les cartes sont rebattues car le pape a révisé la liste des pères synodaux. Comme à son habitude, il a donné des gages à sa droite et à sa gauche, mais certaines figures majeures, comme le cardinal Burke, manquent à l’appel. Alors que Burke est sans aucun doute un des plus grands juristes de sa génération. En 2008, il a pris la tête du Tribunal suprême de la Signature apostolique qui est la plus haute juridiction du Saint-Siège,  le premier non européen à occuper cette charge. Or, il fut un des chefs de file des opposants aux cardinaux progressistes Kasper ou Marx.  C’est dire si son éviction a eu des allures de sanction.

Depuis la première étape du synode l'an dernier, des pères synodaux sont montés aux créneaux. Des désaccords se sont amplifiés ces dernières semaines. Qui sont ces pères ?

Aujourd’hui, l’opposition se cristallise autour de l’Eglise d’Afrique et du cardinal guinéen Robert Sarah. La promotion internationale de son livre Dieu ou rien (Fayard) a donné au personnage une dimension médiatique très importante et surtout rarement égalée dans les dernières décennies. Mais il n’est pas le seul à s’opposer aux novateurs, loin de là : on pense notamment au cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ou au cardinal Pell dont les responsabilités au sein du Saint-Siège font de lui une pièce essentielle de l’échiquier. Ces hommes ont été soutenus par des initiatives de par le monde. Notamment une « filiale supplique au Saint Père » qui a réuni près d’un million de signatures. Bien des livres aussi sont parus : de cardinaux, de théologiens, de relogieux…. A la suite du synode 2014, ceux qui souhaitent garder la doctrine intacte se sont donc renforcés même si le camp d’en face n’est pas resté inactif. Toute la question est de savoir quelle sera la position du pape, car c’est bien lui qui décidera. Seul.

La situation risque-t-elle d'empirer ?

Début septembre, les mots du cardinal Müller ont été sans ambiguïté. Dans un entretien au quotidien allemand Die Tagespost, il a mis en garde l’église allemande contre le danger de schisme, c’est dire de rupture de la communion ecclésiale. Il a même comparé ce risque à la situation de Luther au début du XVIe siècle… Au sein des instances du Vatican, Müller, lui-même allemand, est le gardien de la Foi et de la doctrine. Il fait partie des cinq ou six personnages les plus importants de la tête de l’Eglise. Or, la conférence des évêques allemands souhaite imposer sa partition à l’ensemble des autres conférences dans le monde. Ce qui, pour beaucoup, est considéré comme un comportement néo-colonialiste : en quoi les Eglises d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie devraient-elles s’aligner sur des comportements qui concernent principalement les Eglises occidentales ?

De son côté, François n’aurait aucun intérêt à ce que la situation s’envenime. A son retour des Etats-Unis, il a tenté de rassurer ceux qui souhaitent garder intacte la doctrine du mariage. Mais il a aussi évité  soigneusement tout jugement définitif sur la question des divorcés remariés et leur accès à la communion. L’ambiguïté demeure donc. Et le risque est que le flou actuel domine au sortir du synode, ce qui permettrait aux novateurs de faire valoir sur le plus long terme leur volonté de changer la doctrine sur le mariage.

Qu'attend-on au fond de ce synode ? Quels en sont les enjeux ?

Le synode, tout le monde semble l’oublier, est d’abord consacré à la famille, cellule de base de la société. Alors que cette institution fait l’objet d’attaques régulières dans les législations nationales à travers le monde, beaucoup de catholiques attendent de ce moment que l’enseignement de Jean-Paul II soit approfondi, répété et revalorisé. En France, la défense du mariage contre la loi Taubira a témoigné de cette volonté de mettre en exergue un corpus de valeurs et une conception de la civilisation contre un libéralisme et un relativisme sans frein. C’est pourquoi, paradoxalement, cette minorité souhaitant une évolution doctrinale se situe à l’opposé d’un mouvement de fond, à la fois spirituel et social que l’on rencontre à travers le monde et qui vient de la base du catholicisme. A cet égard, on compare souvent la situation actuelle avec la période du Concile Vatican II. D’un certain point de vue, cela y ressemble. Mais les rapports de force ne sont plus les mêmes. Surtout, le monde catholique, grâce notamment à l’usage des médias sociaux, a pris ses distances avec le monde médiatique occidental qui, dans l’ensemble, souhaite ses évolutions doctrinales de l’Eglise.

(1) PENTIN Edward, The rigging of a Vatican Synod ?, Ignatius press. Disponible uniquement sur support électronique: http://www.ignatius.com

Propos recueillis par Cécile Picco

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !