États généraux du christianisme : pourquoi la radicalité (et non la radicalisation) des jeunes catholiques revivifie l’Eglise<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Etats généraux du christianisme se tiennent du 2 au 4 octobre 2015 à Strasbourg.
Les Etats généraux du christianisme se tiennent du 2 au 4 octobre 2015 à Strasbourg.
©Reuters

Coup de jeune

A l'occasion des Etats généraux du christianisme qui se tiennent du 2 au 4 octobre 2015 à Strasbourg, la question de la radicalité des jeunes catholiques est abordée. S'il est certain qu'aujourd'hui cette radicalité se confirme, il ne s'agit pas pour autant d'une radicalisation politique, mais d'un retour aux origines.

Jean-Pierre Denis

Jean-Pierre Denis

Après avoir dirigé la rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis a rejoint Bayard Presse pour créer de nouveaux médias. Intervenant régulièrement dans la presse, sur les ondes, les écrans et les réseaux sociaux, il est l'auteur de livres remarqués dont, récemment au Cerf, Un catholique s'est échappé.

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Atlantico : Les jeunes catholiques sont-ils plus particulièrement radicaux qu’avant ? D’où vient cette radicalité ? Comment peut-on l’analyser ?

Jean-Pierre Denis : Je sens aujourd’hui chez les jeunes non pas une radicalisation au sens où l’entendent souvent les médias, c’est à dire d’extrémisme et de violence, mais tout au contraire, un retour aux racines. Il y a une vraie volonté de revenir en profondeur à la source du message chrétien, et de le vivre complètement. La nouveauté est en particulier chez les intellectuels. Il existe aujourd’hui un certain nombre de noyau de radicalité évangélique.

Il ne faut pas confondre cela avec une radicalisation politique. Je les ai baptisé la génération catho « + ». Leur projet est de prendre le christianisme dans sa globalité, et ne pas se contenter de petits morceaux. Pour la génération précédente, nous parlions de christianisme cafétéria : chacun passait devant les plats et choisissait ce qu’il voulait. Cette nouvelle génération a envie d’unité de vie et est à la recherche de cohérence dans une société où cela part dans tous les sens.

Jean-Paul II a beaucoup mis en avant chez les jeunes la dimension spirituelle. A partir de Benoit XVI, il y a eu une vraie volonté de recentrer les chrétiens sur l’essentiel de leur foi. Aujourd’hui avec le pape François, il y a une autre forme de radicalité: celle d’un pape qui se dépouille de tout ce qui est accessoire pour insister sur l’essentiel du message évangélique. Effectivement, l’alternance de ces deux pontificats a un rôle important.

Nous sommes aussi dans un contexte culturel particulier : dans une société déboussolée, des religions bousculées, l’arrivée de l’Islam et de toutes les questions qui peuvent venir avec. Les catholiques s’interrogent ainsi sur ce que signifie réellement être aujourd’hui catholique dans notre société.

La différence avec la génération précédente est qu’ils ont réellement intégré leur caractère minoritaire. Ils ne sont du tout dans une logique de revendication, une logique revancharde. En revanche, ils posent déjà les fondements du christianisme de demain.

Benoit XVI écrivait que l’avenir appartient au minorité créative, il invitait par là à une refondation du christianisme. Avec le pape François, la radicalité est dans la volonté d’aller parler à tout le monde et de dépasser un certain nombre de préjugés, de stéréotype ou d’attitude complètement figée. Cette articulation entre les deux papes est tout à fait en phase avec cette génération.

Il s’agit plus d’une valeur de refondation que de résistance. Ceux qui regardent dans le passé dans rétro se trompent complètement. C’est le problème des intégristes qui pensent revenir à une situation idéalisée qui souhaitent rétablir une époque antérieur. Nous sommes dans une société profondément sécularisée, plurielle, multiculturelle. Les jeunes catholiques ont compris que c’est au sein de cette société qu’est la réalité. Ils se sentent plus libres que ne l’étaient leurs aînés. Ils ne sont pas gênés d’être catholiques. Ils sont conscients que l’avenir du christianisme est entre leurs mains. Ils sont conscients que ce sont eux qui ont la responsabilité de la disparition ou de la persistance du christianisme.

Comment cette radicalité se manifeste concrètement dans la pratique ?

Ces jeunes ont très nettement un besoin de signe. Ce besoin est souvent interprété par les générations qui précédent comme un caractère réactionnaire voire remettant en cause le concile Vatican II. En fait, je crois vraiment qu’il ne s’agit pas du tout de cela. Je pense que les générations précédentes ont vécu dans un univers saturé de christianisme, qui n’avait pas réellement besoin de signe supplémentaire,  alors que les jeunes aujourd’hui vivent dans un univers saturé de bruit, de publicité. Ils ont besoin de se raccrocher à quelque chose de symbolique et de plus profond. Le mot radicalité prend tout son sens, car ils s’agit d’un retour aux sources. Ils ont une volonté de prendre dans la panoplie liturgique sacramentelle rituelle habituelle, y compris l’adoration eucharistique qui était mal vu dans la fin du XXème siècle. Ils assurent également un engagement social fort. Ils ne se limitent plus à des combats idéologiques, mais vraiment d’être en soucis de cohérence. La manif pour tous a été un peu un trompe l’oeil, car tout le monde a cru à une radicalisation politique des catholiques, mais je crois que c’est beaucoup plus subtile que cela. 

Il y a également des foyers, jeunes couples qui s’engagent dans leur foyer dans des attitudes écologiquement responsables. Le respect de valeurs comme la chasteté avant le mariage fait aussi parti de cette radicalité. 

On voit que la communauté St Martin, proche des valeurs que vous décrivez, séduit de plus en plus, comme toutes les paroisses à Paris qui proposent pour les jeunes des messes plus conservatrices. Cette radicalité semble séduire finalement davantage ?

Il est indéniable que les séminaires qui insistent le plus sur le retour aux racines sont ceux qui marchent le mieux. Il ne faudrait cependant pas en conclure que l’Eglise est entrain de tomber dans une attitude réactionnaire. Il faut sortir des analyses idéologiques pré-fabriquées où l’on regarde le christianisme avec des grilles politiques qui elle-même sont souvent plus datées. Ce qui se produit là est d’une autre nature que politique. Il s’agit d’un ressourcement. Dans notre société, tout est possible, tout est mis sur la table, sauf une chose qui est essentielle:  le sens de la vie. Il s’agit là du coeur de sujet. La politique est en plein désarroi, la France traverse une crise d’identité culturelle, l’école ne sait plus vraiment quelle est sa mission. Finalement, dans ce contexte le christianisme résiste plutôt bien. 

Finalement, la force de l’Eglise aujourd’hui, se trouve t-elle dans cette radicalité des jeunes chrétiens, ou lorsqu’elle cherche à s’adapter à la modernité ?

Je vous répondrais ce que St Paul a dit « c’est quand je suis faible que je suis fort ». Je pense que plus les chrétiens approfondissent cela et qu’ils le vivent de manière authentique, plus ils sont amenés à envoyer un message puissant à notre société.

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