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Sommet sur l’Ukraine à Paris : l’Europe a-t-elle d’ores et déjà perdu la partie (et depuis longtemps) ?
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Test révélateur

Vendredi 2 octobre doit se tenir à Paris une réunion au sommet concernant la situation de l'Ukraine. Petro Porochenko, le Président ukrainien, ses homologues russe et français Vladimir Poutine et François Hollande ainsi que la chancelière allemande Angela Merkel se rencontreront à l'Elysée. L'Europe doit faire ses preuves.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Depuis avril 2014, le conflit à fait près de 8.000 morts et plus de 17.000 blessés. L'Europe n'a-t-elle pas déjà perdu en un sens la partie ?

Florent Parmentier : Les pères fondateurs de l’Europe avaient construit leur projet politique autour d’une conviction commune : il fallait mettre fin à la guerre sur le vieux continent, la rendre impossible, obsolète. Le conflit en Ukraine, après les guerres yougoslaves et la guerre en Géorgie, ouvre une plaie que beaucoup d’Européens jugent inconcevables. Les opinions publiques européennes ont paru choquées par ce conflit, plus par moment que par le conflit syrien qui s’est étendu sur plusieurs années.

Pour autant, si la politique de voisinage initiée en 2004, à destination des pays entourant l’Union européenne, paraît être mise en échec, il est faux de dire que la Russie a gagné lors de cette guerre. Pour avoir pris la Crimée et agité l’Est de l’Ukraine, la Russie s’est aliénée une population slave orthodoxe avec laquelle elle a partagé plusieurs siècles d’histoire, jalonnés parfois de tragédies.

Les deux côtés semblent avoir perdu, et il faudra du temps pour recréer de la confiance dans les relations entre les Européens et la Russie. Il n’est pas certain qu’une coalition internationale réunie pour combattre Daech suffise à dissiper les nombreux malentendus advenus depuis une décennie…

Comment en est-on arrivé là ? Quelle est la part de responsabilité qui incombe à l'Europe ?

Il est certain que l’Europe a sous-estimé la réaction de la Russie lorsqu’elle a proposé un rapprochement avec l’Ukraine. On a pu reprocher à la politique européenne de voisinage de manquer d’ambition en ne proposant pas de perspective d’adhésion aux pays concernés. Elle n’en demeurait pas moins un programme pertinent lorsqu’elle concerne les accords de libre-échange ou les accords de libéralisation sur les visas.

Pour autant, au-delà de la rivalité entre l’Union eurasiatique et le projet d’accord de libre-échange approfondi et complet, la Russie avait d’autres craintes. Sur le plan stratégique, la peur de perdre la base de Sébastopol en Crimée et d’y voir arriver des troupes navales de l’OTAN a constitué un véritable casus belli. Et les Européens n’ont pas vraiment rassuré les dirigeants russes en prenant rapidement le parti des manifestants contre le gouvernement élu en 2010... La mémoire de la « Révolution orange » est encore particulièrement vivace chez les dirigeants russes, qui dénoncent avec régularité leur hostilité à la promotion de la démocratie à la mode bruxelloise.

D'après les quatre dirigeants le nouveau "cessez-le-feu complet" en vigueur depuis le 1er septembre dans l'est de l'Ukraine serait "globalement respecté". Est-ce suffisant dans la perspective d'une sortie de crise ?

Assurément, on peut se féliciter du fait de la baisse de l’intensité des combats. Il faut saluer cette nouvelle situation, même si la situation n’est pas encore totalement stabilisée, et que des tirs sont tirés chaque semaine. Cela semble toutefois insuffisant pour garantir la mise en place d’une paix durable, qui doit reposer sur une volonté politique partagée et un contexte régional constructif. Pour le moment, ces conditions ne semblent pas réunies.

Il ne faut toutefois aucun doute que les accords de Minsk, en mettant autour de la table la Russie, l’Ukraine, la France et l’Allemagne, ont constitué une avancée décisive dans l’apaisement du conflit. Le conflit risque de se stabiliser sur les positions actuelles, tout en ne trouvant pas de résolution rapide. 

Les ministres des Affaires étrangères ont échangé sur la crise ukrainienne le 12 septembre à Berlin afin de formuler des "propositions concrètes". Que peut-on attendre d'une telle réunion vendredi ?

Le conflit s’apaisant sur le plan militaire, les vraies questions demeurent de nature politique : comment faire cohabiter les Ukrainiens du Donbass et les autres ? Quel statut politique donner à ces régions ? La Crimée peut-elle être un exemple de souveraineté partagée entre la Russie et l’Ukraine, à défaut comment peut-on éviter qu’elle ne constitue un point d’accès permanent dans les relations entre la Russie, les Ukrainiens et les Européens ? On peut apporter plusieurs réponses à ces différents problèmes, et des consultations au plus haut niveau permettront peut-être de proposer des solutions audacieuses.

Egalement, il convient de se demander quelles contreparties la Russie pourrait offrir à un allègement des sanctions par les Européens. Les sanctions n’ont pas vocation à être éternelles, et nous devons réfléchir, en dépit d’un climat bilatéral profondément et durablement dégradé, aux projets ambitieux qui pourraient rapprocher Européens et Russes.

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