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Chômage : non, tout n’a pas été essayé pour l'éradiquer
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Mauvais chiffres

Près de 2,9 millions de chômeurs. Les chiffres pour le mois d'octobre sont tombés : la France enregistre le taux de chômage le plus élevé depuis douze ans. Des mesures nouvelles pourraient toutefois être entreprises pour enrayer cette spirale négative...

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo

Arnaud-Cyprien Nana Mvogo est analyste financier chez un broker interbancaire.

Il est également chargé de cours au Pôle Universitaire Léonard de Vinci, administrateur du Club des Jeunes Financiers et  bénévole associatif en action sociale.

 

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Les annonces du gouvernement français se suivent et se ressemblent : les chiffres du chômage sont invariablement mauvais, et ils contribuent à déprimer le moral des ménages. En effet, aucun gouvernement ne peut se satisfaire de chiffres qui montrent qu’en France métropolitaine, 2 814 900 personnes sont au chômage et que ce chiffre atteint 4 193 000 si on y ajoute les personnes qui exercent une activité réduite mais souhaitent travailler plus.

Face à ces chiffres, le discours du gouvernement associe volontarisme économique, légal et fiscal et constatation de la fatalité de la conjoncture économique mondiale, avant de conclure de manière plus ou moins implicite que tout est ou a été tenté, en matière de lutte contre le chômage. Etant donné qu’on peut raisonnablement penser que la lutte contre le chômage est une réelle priorité des gouvernements de gauche comme de droite, on peut se demander, au vu des résultats, si cette mission ne devrait pas être entièrement déléguée aux acteurs créateurs d’emplois tels que les PME.

Taux de chômage durablement installé au-dessus de 9%

L’INSEE nous apprend qu’il y a 63,1 millions de personnes vivant en France métropolitaine et 1,9 million dans les départements d’outre-mer (DOM). Sur les 63,1 millions de Français de métropole, 28,3 millions font partie de la population active. Le taux de chômage est donc durablement installé au-dessus de 9%, et il y a donc 2,8 millions de français prêts à travailler mais qui ne trouvent pas de travail. Le chiffre est donc élevé en ce qui concerne l’échelon national.

Les disparités régionales sont fortes : la Bretagne est à 7.2% tandis que le Languedoc-Roussillon est à 14.4%. 

Partant de la définition classique des économistes, à savoir le fait que le travail, c'est-à-dire le nombre d'heures travaillées, est égal au produit du volume du nombre d'emplois offerts par la durée moyenne du travail, la plupart des gouvernements ont essayé, pour lutter contre le chômage, de jouer sur les paramètres suivants :

  • Réduction du temps de travail
  • Défiscalisation de l’heure de travail
  • Dispositifs d’aides ciblées envers les populations surconcernées par le chômage
  • Création d’emplois publics

En ce qui concerne le cas français, il est difficile de dire que ces politiques ont été couronnées de succès. Bien que les 35 heures, les exonérations de charge dans certains cas d’embauches ou l’existence de près de 30 contrats de travail différents soient en vigueur, et alors que près de 22% des actifs occupés sont employés d’une des fonctions publiques, le chômage reste durablement élevé.

On pourrait accuser la conjoncture, mais celle-ci est loin de constituer un facteur explicatif satisfaisant. En 1999, en pleine bulle Internet, le taux de chômage était déjà à 9.6%, alors que le PIB s’accroissait de près de 4%. La France est entrée dans la crise de 2008 avec un taux de chômage plus élevé que celui de ses économies voisines et concurrentes, mais le seul motif de satisfaction du gouvernement peut éventuellement résider dans le fait que son évolution entre 2007 et 2010 a été moins élevé chez nous en comparaison de ce qui s’est passé en Angleterre, en Espagne ou en Allemagne.

Suppression du SMIC nécessaire mais insuffisante

Quelle mesure privilégier alors ? La flexibilité des rémunérations ? Nos voisins luxembourgeois ont un SMIC à 1600 euros et connaissent un taux de chômage modéré, mais l’exemple du canton de Genève, de la Suède ou de l’Allemagne montre que l’absence de salaire minimum permet aussi de bénéficier d’un taux de chômage faible. La suppression du SMIC est donc une condition sans doute nécessaire mais probablement pas du tout suffisante à la baisse du chômage, notamment pour les emplois peu qualifiés en France.

 En réalité, on arrive à une conclusion triviale : le taux de chômage est faible là ou des entreprises recrutent et trouvent une main d’œuvre adaptée aux emplois proposés. Il ne suffit pas d’avoir des emplois. On le sait, le chômage français coexiste avec des tensions salariales sur certains types d’emploi, voire des offres non pourvues, en PME artisanales et industrielles notamment. Il ne suffit pas non plus d’une main d’œuvre qualifiée. Le taux de chômage des doctorants est, en France, supérieur à celui des titulaires de formations supérieures courtes. Les emplois sont créés par les entreprises qui ont identifié un besoin et chercher à y pourvoir en fournissant un bien ou un service qui requiert plus ou moins de travail et plus ou moins de capital.

Faciliter l'entrepreneuriat

Une politique de lutte contre le chômage passe donc par une politique qui favorise la création d’emploi. Cette conclusion est assez frustrante pour le politique, notamment français, habitué qu’il est à élaborer de grandes stratégies visionnaires (plan calcul, 80% d’une classe d’âge au bac, etc) et à penser que l’Etat peut créer des emplois marchands pérennes. Pour lutter contre le chômage, il « suffit » de faciliter l’entrepreneuriat, de simplifier au maximum les démarches de recrutement, de paye et de licenciement et de garantir aux entrepreneurs une stabilité fiscale et juridique que tous requièrent, avant même les baisses d’impôts et autres dispositifs d’aide.

Les changements incessants de loi, la complexité administrative, voilà les freins à l’embauche, en PME notamment, bien que celles-ci continuent à créer des emplois et à recruter, à contrario de ce qui se passe dans les filiales françaises des sociétés du CAC 40. Cette conclusion de laissez-faire à laquelle Turgot, Constant ou Bastiat auraient pu aboutir il y a déjà 200 ans est assez frustrante pour le politique car elle implique qu’il joue le succès de son action sur les décisions individuelles, microéconomiques et décentralisées de quelque 2,5 millions de petits patrons non identifiés, dispersés sur le territoire national. Il est tellement plus simple de réunir les PDG des banques et des constructeurs automobiles dans un bureau de Matignon afin de décider d’un Grand Plan pour l’emploi !

Des prévisions difficiles

Chacun doit bien comprendre qu’au-delà d’un horizon à l’échelle de la simple vie humaine, les prévisions sont difficiles. Au-delà de 5 ans et sans même tenir compte de chocs asymétriques qui peuvent survenir tous les jours, qui peut prévoir ce que sera l’état de l’économie ? Même en Chine, dont on nous vend le modèle de planification, on voit que la bulle immobilière qui se dessine ne faisait pas partie du plan. Par contre, il y a une personne qui a une opinion mieux informée que celle des autres sur une partie de l’économie : c’est l’entrepreneur, spécialiste de son marché et son marché uniquement. Ce focus peut être géographique ou sectoriel.

Or, trop souvent, le personnel politique, nourri aux théories keynésiennes de demande globale et aux enseignements Samuelsoniens de macroéconomie, non seulement pense qu’il sait, mais en plus ignore les implications concrètes du déluge de lois qu’il vote en toute bonne foi. Que les députés et les ministres qui ont déjà rempli une DADS, subit un contrôle URSSAF, fait passer des entretiens d’embauche après avoir reçu 200 CV pour une annonce lèvent le doigt !

En attendant qu’ils réalisent, ils peuvent toujours penser à déléguer la fonction et les moyens qu’ils se sont attribués aux acteurs de terrain qui cherchent à recruter, comme la CGMPE, Croissance Plus et autres associations plus ou moins formelles d’entrepreneurs divers et variés. Ils peuvent aussi prendre conscience du fait que parler du marché du travail est moins pertinent que d’évoquer les marchés du travail. Ils pourraient se référer au mécanisme du tâtonnement  walrasien pour analyser les blocages locaux à la rencontre de l’offre et de la demande. Ils pourront enfin se demander comment on équilibre un marché si on refuse à la fois la flexibilité des prix et des quantités.  Alors on pourra espérer (mais pas promettre) une baisse du taux de chômage en France.

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