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Mais pourquoi François Hollande veut-il inscrire la séparation de l'Église et de l'État
dans la Constitution ?
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Promesse de campagne

François Hollande a affirmé au Bourget vouloir intégrer dans la Constitution le principe de séparation de l’Église et de l’État, ce qu'il avait déjà fait face à un auditoire de francs-maçons en novembre dernier. Pour le constitutionnaliste Didier Maus, en plus d'être inutile du point de vue du Droit, une telle modification pourrait entraîner une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Cette contribution de Didier Maus avait initialement été publiée sur Atlantico en novembre 2011.

François Hollande a évoqué il y a quelques jours, devant le Grand Orient de France, son intention d’inscrire dans la Constitution la séparation des églises et de l’État. Devant un auditoire traditionnellement très attaché (à juste titre) à la pratique française de la laïcité le candidat à présidence de la République ne pouvait que recevoir des louanges et des approbations, à défaut d’applaudissements qui auraient été contraires aux tradition d’une "tenue blanche fermée".

Le problème réside dans le fait que la laïcité figure déjà dans la Constitution et que la séparation des églises et de l’État n’en est que le prolongement naturel, voire peut-être même le fondement. L’article 1er de la Constitution, dans sa rédaction d’aujourd’hui, affirme « La France est une République indivisible, laïque,… ». Il s’agit de la première phrase de la Constitution. Il n’est guère possible de trouver un meilleur emplacement pour inscrire un tel principe. Depuis la constitution de 1946, il n’ y a plus guère de discussion sur la signification constitutionnelle de cette énonciation. Elle ne fait que reprendre, sous une forme ramassée, le contenu de la célèbre Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, en vertu de laquelle « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

Même si cette loi, au moins dans ses dispositions emblématiques, ne fait pas partie intégrante des articles 1 à 89 de la Constitution, elle y figure, comme par ailleurs la liberté d’association, par renvoi grâce la catégorie des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». En application des préambules de 1946 et de 1958 et de la jurisprudence du Conseil d’État elle a acquis une valeur constitutionnelle positive. Encore récemment, le Conseil d’État en a fait application rigoureuse en annulant des décisions administratives susceptibles d’être considérées comme des subventions déguisées à certaines confessions religieuses ou à leurs institutions.

Dans sa décision du 19 novembre 204 sur le défunt Traité constitutionnel européen, le Conseil constitutionnel a précisé le contenu de la laïcité en jugeant que « les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque » interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». Dans sa décision du 7 octobre 2010 ce même Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la loi interdisant la burqua confirmant, de la sorte, une interprétation « très française » de la laïcité ou, a contrario, des limites dans l’espace publique à une certaine conception de la liberté religieuse au nom des valeurs historiques de la République.

L’analyse juridique pourrait être approfondie. Elle conduirait nécessairement à renforcer le constat selon lequel il n’y a nul besoin de compléter la Constitution. La laïcité comporte beaucoup d’aspects avec comme pierre angulaire la séparation des églises et de l’État. Elle implique également que chacun puisse pratiquer librement son culte, y compris dans les lieux privatifs de liberté. Ceci implique que les facilités nécessaires, et éventuellement les financements adéquats, soient mis en place dans les hôpitaux, les prisons ou les lieux de rétention des étrangers en situation irrégulière. Pousser à l’extrême la logique d’une séparation absolue risquerait d’entraîner une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme. L’équilibre français fait partie des singularités de l’identité constitutionnelle nationale. La Constitution se suffit à elle-même. Il suffit d’avoir la volonté politique d’en être le fidèle serviteur.

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