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La rigueur, oui. Mais avec
un plan de relance industriel
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SOS croissance

Troisième et dernière partie d'une mini-série sur l'impossible sauvetage de l'euro sans plan de relance ambitieux pour accompagner la rigueur. La croissance ne pourra être retrouvée que par une relance ciblée sur la réindustrialisation et les équipements publics qui devrait générer son propre remboursement

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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A lire : les épisodes publiés précédemment de notre mini-série sur l'impossible sauvetage de l'Euro sans plan de relance industriel pour accompagner la rigueur :

L'Euro "pousse-au-crime" de la désindustrialisation et de l'endettement du Sud de l'Europe

BCE : La monétisation de la dette est nécessaire mais ne ferait
« qu'acheter du temps »

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L’Europe et les États-Unis sont confrontés à une grave désindustrialisation en raison de la manipulation de la concurrence par le biais de la valeur des monnaies, et du contournement des législations sociales.

La manipulation des monnaies exigerait, en pure théorie libérale, des droits de douane pour rétablir la véritable parité monétaire, celle qui correspond à la valeur de la monnaie en pouvoir d’achat. Pour la Chine, 50% de droits de douane par rapport au dollar, et 70% par rapport à l’euro.

Par ailleurs, les conventions sociales élémentaires, acceptées formellement par les États émergents, ne sont pas exigées pour l’ouverture des frontières dans le cadre de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce). Cette organisation, qui n’est pas issue des Nations Unies, n’exige pas, avant toute ouverture des frontières, l’application des normes sociales de l’OIT (Organisation internationale du Travail) issue pourtant des Nations Unies.

En conséquence, sans réciprocité - la Chine maintient ses droits de douane - avec la manipulation monétaire et le contournement de la législation sociale, avec une main d’œuvre abondante et peu chère, la concurrence des émergents devient un jeu de massacre pour nos industries. La Chine à elle seule explique tout le déficit des pays européens, qui serait à l'équilibre si nous avions des échanges homogènes avec ce pays.

Au sein de la zone euro, la concurrence n'est pas libre et elle est faussée

Cette désindustrialisation se constate tout autant en Allemagne qu’en France, en partant certes de niveaux différents, tant dans les pays du Nord de la zone euro que dans les pays du Sud. Contrairement à la concurrence théorique, libre et non faussée, des traités européens, la concurrence mondiale actuelle est non libre et faussée ; nous en faisons les frais. Nous ne pouvons continuer à ignorer cette réalité, en particulier si nous voulons vraiment nous réindustrialiser sans en faire un slogan de campagne électorale !

Par ailleurs, au sein même de la zone euro, la différence de valeur des monnaies existe en raison d’une inflation non maîtrisée. Le tableau sur le taux de change effectif réel, ci-dessous, montre cette disparité entre le Nord et Sud, qui est évidemment le reflet du manque de compétitivité interne aux pays. La disparité structurelle entre le Nord et le Sud, renforcée par la monnaie unique, rend le fort plus fort et le faible plus faible, tout en interdisant les dévaluations.


Il faut y remédier par un mécanisme de montants compensatoires momentanés - maximum 5 ans - pour rétablir la valeur de la monnaie, comme une dévaluation, tout en adaptant une politique structurelle par des investissements productifs dans les secteurs forts des pays. Ceux-ci existent ! Depuis la rentrée dans l’euro, la Grèce a augmenté ses exportations de 30%, et son déficit structurel hors intérêts de la dette n’est que de 4%...

Combiner le FESF et la BCE pour lutter contre le déficit structurel des Etats de la zone euro

Le déficit structurel ne peut être comblé que deux manières : par les transferts d’un budget fédéral ou par la canalisation de l’épargne vers les pays du Sud structurellement déficitaires. Comme il n’est pas réaliste de penser à un budget fédéral, avec une Europe qui apparaît de moins en moins légitime auprès des populations, la seule possibilité est l’utilisation de l’argent de la Banque centrale pour initier un programme d’investissement rentable dans le cadre du FESF transformé en banque, pouvant se fournir directement à la Banque centrale, avec l’appui de la Banque européenne d’investissement. 

Ainsi le FESF n’apporterait pas seulement une réponse conjoncturelle à la crise de liquidité des États en difficulté, mais aussi une réponse structurelle. Notamment en comblant à moyen et long terme les déficits dus à la désindustrialisation et au manque de création de richesse par la réindustrialisation,  et en utilisant l’épargne disponible de la zone euro, ainsi que les savoir-faire industriels subsistant malgré la concurrence déloyale des émergents.

Un programme de 100 milliards d’euros d’investissement, correspondant seulement à 13% de la monnaie déjà créée par la BCE (soit 750 milliards à ce jour), permettrait de soutenir l’offre industrielle en capital, en combinant cette offre à la demande d’infrastructures rentables. Nous pensons en priorité au développement durable, car il s’agit de technologies et de travail peu délocalisable ou relocalisable : ‘’économies d’énergie et énergies nouvelles’’, grands travaux d’infrastructures dont le ferroutage, habitat durable...

Canaliser l'épargne financière du Nord de l'Europe pour la création de richesse au Sud

Mais la zone euro, ne l’oublions pas, dispose aussi de près de 18 000 milliards d'euros d’épargne financière. Cette épargne est à la recherche d’un minimum de garanties, assorties d’une certaine liquidité dans l’investissement. Les pays émergents ne pourront pas lui apporter cette garantie.

A partir de ce programme initial, il s’agit donc d’entraîner l’investissement privé - par des produits financiers de partage de risque - pour canaliser l’épargne du Nord vers des investissements rentables et créateurs de richesse au Sud, homogénéisant la création de richesses dans la zone euro. Des projects bonds (emprunts européens « orientés vers des projets ») pourraient être lancés sur ces programmes en bénéficiant d’un minimum de garantie de la Commission européenne par exemple, combiné au fait que ces bonds pourraient être acceptés en contrepartie dans les opérations de refinancement des banques auprès de la Banque centrale. Nous aurions ainsi un produit sûr et liquide, apportant une réponse structurelle au déséquilibre actuel de la zone euro.

Nous pensons qu’il faut profiter de la crise pour engager la relance industrielle, indispensable à notre continent européen, autour du développement durable. Et pour le faire, nous devrons engager ce processus en pensant qu’il nous faut dans le même temps rétablir une concurrence libre et non faussé face à la concurrence actuelle des émergent...

Face à la rigueur qui crée la récession, nous voulons la relance rigoureuse qui donne sens à l’Europe pour construire également un développement durable et équilibré à l’échelle de la planète.


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