L'Allemagne à son tour sous le feu des marchés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Sur les 6 milliards émis à 10 ans par l’Allemagne, plus de 30% n’ont pas trouvé preneur.
Sur les 6 milliards émis à 10 ans par l’Allemagne, plus de 30% n’ont pas trouvé preneur.
©Reuters

Achtung !

Pour la première fois depuis la création de l'Euro, le rendement de l'obligation souveraine allemande à six mois est négatif. Mais les investisseurs fuient-ils l'Allemagne ou l'Euro ?

Isabelle  Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux

Isabelle Mouilleseaux est directrice de publications chez Publications Agora.

Elle a notamment co-écrit Le déclin du Dollar : une aubaine pour vos investissements ? (Valor, 2008).

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«Le Bund - obligation souveraine allemande à 10 ans - est mort », « la crise de la dette rattrape l’Allemagne », « camouflet », « échec »... La presse se délecte de commenter l’adjudication allemande « ratée »...

Que de mots inappropriés… Il est vivement recommandé de « gratter » au-delà du vernis pour comprendre ce qui se passe réellement. Car derrière ce que l’on vous dit, se cache une réalité toute autre.

Sur les 6 milliards émis à 10 ans par l’Allemagne, plus de 30% n’ont pas trouvé preneur. Certes. Jusque là, rien d'exceptionnel... Depuis 2009, l’Allemagne est confrontée à ce type de situation en moyenne 8 à 9 fois par an. Dédramatisons. Pour comprendre, regardons du côté des flux des capitaux internationaux...

Le problème ? Ce n’est pas le Bund, mais l’Euro...

D’abord, les capitaux ont « lâché » les obligations souveraines périphériques pour trouver « refuge » dans l’obligataire allemand (le Bund). Notez qu’ils ont fait l’effort de rester sur des actifs libellés en Euro. Dit autrement, ils n’ont pas fui l’Euro, ils ont juste « réalloué leurs actifs libellés en Euro ».

Et pourtant, on nous dit aujourd'hui qu’ils ne croient plus en l’Allemagne, qu’ils « lâchent » l’Allemagne. Certes, mais ce n’est pas parce qu’ils ne croient plus en l’Allemagne. C’est tout simplement parce qu’ils ne croient plus en l’Euro. Les capitaux commencent à fuir l’Euro, quel que soit l’actif sous jacent. Ils ne veulent plus détenir d’avoirs en Euro, parce qu’ils anticipent sa chute, voire - pour beaucoup - son implosion systémique.

Soyons lucides, pourquoi pensez-vous que les obligations à 10 ans des « bons élèves » de la zone Euro voient tous leur rendement monter depuis quelques temps, Bund inclus ? Contrairement à ce qu’on vous dit, ce n’est pas parce que les investisseurs craignent le « risque crédit » allemand ou autrichien. C’est parce qu’ils craignent le « risque Euro ». Ce qui est très différent...

Fonds de pension, assureurs, banquiers, investisseurs internationaux s’en vont parce qu’ils jugent l’Euro trop risqué. Ils rapatrient leurs fonds pour les placer en Sterling et Dollar. Voilà pourquoi le rendement de l’obligation souveraine anglaise à 10 ans est à un taux plus bas de 19 ans, sous le rendement allemand !

En résumé, nous avons assisté la semaine dernière à un signe de défiance non pas à l’égard de l’Allemagne et de sa note de crédit, mais à l’égard de l’Euro. Ce qui est bien plus grave...

Pour les suspicieux...

Vous n’êtes pas convaincu ? Alors regardez le marché obligataire souverain allemand à six mois...

Pour la première fois depuis la création de l’Euro, le rendement du Bund à 6 mois est négatif ! Autrement dit, les investisseurs PAYENT pour prêter à l’Allemagne, alors qu’ils devraient percevoir un intérêt. Ces titres sont très recherchés sur le marché du refinancement, où ils servent de collatéral (garantie) contre cash.

Le mécanisme de perte de confiance en l’Euro se met en branle

N’oubliez pas que les banques européennes sont contraintes de liquider leurs obligations souveraines de la zone euro pour faire rentrer du cash dans leurs caisses, afin de redresser à la hâte leurs ratios prudentiels. Cash qu’elles trouvent aussi en réduisant leurs crédits à l’économie... d’où un risque accru de « credit crunch » (raréfaction du crédit, hausse des taux d'emprunt ou des garanties).

Si maintenant les capitaux internationaux se mettent eux aussi à se faire rares parce qu’ils fuient l’Euro... qui diable va financer nos déficits budgétaires ?

Plus le client se fait rare, plus le risque de crise globale de liquidité sur la zone Euro est fort, plus les taux d’intérêt s’envolent, et plus le risque d’abaissement en chaîne des notes de crédit des pays de la zone est fort. Où tout cela nous mène-t-il ? Vers la crise de solvabilité.

Jamais l’Allemagne ne se sera sentie aussi « enchaînée » à l’Euro. Pire, Angela Merkel sait très bien qu’il n’y aura - à ce stade - aucune autre solution viable pour éviter l’implosion de l’Euro que la monétisation de la dette par la BCE à tout-va.

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