Prestations sociales : la France est-elle vraiment plus attractive financièrement pour les migrants ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres de l'opposition ont dénoncé les dérives de l'AME.
Des membres de l'opposition ont dénoncé les dérives de l'AME.
©Reuters

Etat-Providence

Plusieurs personnalités politiques, dont le chef de l'opposition, ont affirmé récemment que la France était financièrement attractive pour les migrants. Il n'en demeure pas moins que la France n'est en général pas leur premier choix.

Atlantico : Peut-on vraiment trancher cette question, et faire une comparaison avec d'autres pays membres de l'Union européenne ?

Laurent Chalard : Non, on ne peut pas répondre de manière aussi tranchée car il faudrait réaliser une analyse poussée de l’ensemble des prestations sociales (indemnités financières, aide au logement, accès aux soins médicaux) que peut recevoir un immigrant arrivant dans un pays européen, mais aussi des autres éléments du système économique qui entrent dans le choix des migrants, comme la possibilité d’avoir un emploi, d’accéder à un logement, la maîtrise de la langue… En l’état actuel, il est donc difficile d’avoir un avis définitif. La seule chose que nous pouvons dire, c’est que les états d’Europe occidentale, de par leur système d’Etat-Providence, sont probablement les plus attractifs dans le monde pour les migrants, le choix entre les différents pays européens se faisant ensuite plutôt sur d’autres critères que celui des prestations sociales.

Si la comparaison est complexe à réaliser, on peut imaginer qu'elle le soit également pour les migrants... Par ailleurs, les prestations sociales en Grande-Bretagne sont plus faibles qu'en France, et pourtant elle voit un nombre similaire de demandeurs d'asiles dans son pays. Quels sont alors les motifs qui rentrent dans le choix des migrants ? 

Si les migrants ne bénéficient pas de l’arsenal statistique des experts, ils ont cependant des sources d’information au sein de leur communauté qui leur permet de faire le comparatif entre différents potentiels pays d’accueil en fonction de leurs caractéristiques. Cinq principaux éléments, trois structurels et deux conjoncturels, entrent en jeu dans l’attractivité des pays européens pour les migrants :

Le premier est l’existence d’un lien culturel lié à l’héritage colonial. Les populations des anciens empires coloniaux britanniques et français se dirigent majoritairement vers le Royaume-Uni (Soudanais et nigérians par exemple) et la France (maliens ou sénégalais) pour cette raison. En effet, la maîtrise partielle de la langue et de la culture de l’ancienne puissance coloniale la rend logiquement beaucoup plus attractive pour ces populations car le choc culturel y est moins fort.

Le deuxième élément est l’existence d’une communauté de semblables, dont des membres de la famille, déjà présente dans le pays d’accueil. Cela explique que selon l’origine, les destinations privilégiées ne sont pas les mêmes. Les maghrébins, très nombreux en France, privilégient consécutivement la France. Les kurdes, qui constituent une part importante de la communauté turque allemande, migrants économiques qui sont arrivés dans les Trente Glorieuses, se dirigent donc préférentiellement vers l’Allemagne. De même, les irakiens iront plutôt en Suède, traditionnelle terre d’accueil des demandeurs d’asile, où une communauté irakienne importante s’est constituée depuis les années 1990.

Le troisième élément est le niveau de développement du pays. Les migrants se dirigent uniquement vers les pays riches, c’est-à-dire ceux dont le niveau de vie est très supérieur à celui de leur pays d’origine, ce qui n’est pas le cas par exemple des pays d’Europe de l’est ou du Portugal, pas suffisamment riches à leurs yeux. L’Europe du nord-ouest apparaît donc consécutivement comme la plus attractive.

Outre le niveau de développement, un quatrième élément d’ordre structurel, concerne le dynamisme économique du pays d’accueil au moment de la migration. En effet, les migrants sont informés sur la situation économique du moment du pays d’accueil et en particulier le taux de chômage et l’accès à l’emploi. Les migrants privilégient donc les pays où l’insertion sur le marché du travail est le plus facile au moment de la migration, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les pays scandinaves à l’heure actuelle. A contrario, l’Espagne, très attractive dans les années 2000, est devenue répulsive, du fait de son chômage de masse.

Enfin, cinquième élément, aussi d’ordre structurel, la volonté d’accueil des pays. Comme en témoigne la crise des migrants actuels, lorsqu’Angela Merkel a annoncé qu’elle allait accueillir tous les réfugiés syriens, cela a créé mécaniquement un appel d’air vers ce pays. Plus globalement, les migrants sont au courant des changements de législation et des pays les plus attractifs du moment.

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