Et François Hollande faisait et refaisait des annonces déjà faites : l'impuissance politique de plus en plus évidente derrière la com' <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande à Vesoul lundi 14 septembre.
François Hollande à Vesoul lundi 14 septembre.
©Reuters

Poudre aux yeux

D'un François Hollande peu communiquant en début de quinquennat à très communiquant aujourd'hui, le Président tente de masquer son impuissance politique à travers des annonces répétitives, à l'instar de son discours face aux agriculteurs de Vesoul lundi 14 septembre.

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico : François Hollande était en visite lundi 14 septembre à Vesoul avec toute une partie du gouvernement. Peu d’annonces inédites ont été faites, la plupart l'ayant été par Manuel Valls lors de son déplacement à Laon au mois de mars. En quoi cette mise en scène peut-elle masquer une impuissance politique ?

Olivier Rouquan : F. Hollande et son gouvernement doivent répondre à la crise agricole. Fidèle à sa démarche qui essaie de relativiser le plus possible la communication de l’urgence, il en profite donc pour réitérer son message de solidarité avec les populations agricoles et au-delà, rurales. Il ne peut pas être absent. Du reste ses gouvernements ont été les seuls à créer un  Commissariat Général à l’Egalité des Territoires et un ministère voué à la cause de l’égalité, même si les moyens sont faibles du fait du contexte financier et que toutes les décisions ne sont pas prises notamment en termes de péréquation. Les marges sont très contraintes. Après les aides aux agriculteurs et celles déjà mises en place lors du premier Conseil interministériel sur la ruralité, il est difficile de créer l’événement avec des nouveautés, puisqu’encore une fois, les subsides manquent. Il s’agit donc de faire de la pédagogie, ce qui a son importance. Cela permet d’insister sur une prise de conscience sur l’enjeu et la mise en route de dispositifs publics (qui prennent du temps) pour essayer de lutter contre les "fractures territoriales". Dans tous les cas, peut-on l’espérer… Il en va aussi de l’intérêt de la gauche.

Car la France qui souffre, au-delà des banlieues, à la fois rurale, ouvrière et industrielle correspond à l’imagerie de son électorat et donc à l’identité de ce camp. F. Hollande doit donc entretenir ce capital, même en souffrance, dans cette population qui est reléguée, se sent parfois enclavée et menacée sur le plan identitaire. Il faut prendre en compte sa stratégie symbolique : comme F. Mitterrand et J. Chirac, F. Hollande a à cœur de rappeler sa fidélité au monde des Conseils départementaux qu’il a su conquérir et que sa réforme régionale sauve d’ailleurs pour l’instant : en agrandissant le périmètre des régions, il devient difficile de supprimer les départements en zones rurales et rurbaines.

Quel électorat François Hollande cherche-t-il ainsi à séduire ? FN, abstentionnistes ? N’est-ce pas justement ce genre de mise en scène qui fait aujourd’hui fuir les électeurs ?

Dans une enquête postélectorale d’Opinionway faite après les cantonales le 22 mars 2015, soit après le premier tour auprès de 6119 sondés,  il est remarquable de constater que parmi les votants, 14% des artisans, agriculteurs, chefs d’entreprises et 15% des ouvriers votent pour le PS et alliés et respectivement 32% et 47% pour le FN. 19% des catholiques votent pour le PS, 29% pour le FN. Rappelons d’ailleurs que l’on a légèrement plus voté en communes rurales qu’en communes urbaines lors de ces dernières élections – taux global d’abstention de 55.6%. L’IFOP nous apprend aussi au même moment (enquête postélectorale auprès de 2 797 personnes), que le vote en communes rurales offre 18% au PS et alliés, 34% au FN.

Ces résultats indiquent après nombre d’autres signes, que la gauche pourrait disparaître dans des terroirs en déshérence parce que désespérés au bénéfice d’un duel Les Républicains-FN. Telle est l’hypothèse défendue notamment par J. Sainte-Marie. Le Président sait tout cela. Il sait aussi mieux que quiconque l’image finalement parfois désastreuse que laissent les politiciens qui font trop de communication auprès de ces électeurs. Pour lui, il s’agit plutôt de rappeler quelle est sa carte d’identité politique. Il n’a pas besoin de trop en faire ; il s’agit d’entretenir ce qui lui reste de capital en la matière. Sans jouer les Présidents paysans, contrairement à F. Mitterrand qui le pouvait, il peut rappeler qu’il reste un chef de l’Etat proche des gens, connaissant les terroirs politiques, longtemps ancré au cœur de la ruralité, en Corrèze.

L’entourage du Président explique souvent qu’il va falloir désormais raconter l’histoire du quinquennat, en faire le récit pour le rendre cohérent aux yeux des électeurs. Récit, histoire… On est beaucoup dans le "dire". Quels sont les risques quand le "faire" ne suit pas ? Ce type d’opération de risque-t-elle pas de se retourner contre son émetteur ?

L’idée est de mettre en cohérence des mesures nombreuses, techniques, qui ont constitué les réformes entamées à propos desquelles la communication a été ou mauvaise ou impossible (pour de nombreuses raisons). Á propos du monde rural et de l’égalité des territoires, des textes nombreux, de divers ordres (loi Economie Sociale et Solidaire, loi Macron, Réforme territoriale, création par des règlements de dispositifs d’aides) partent dans tous les sens. Si bien que les cadres de l’État sur le terrain, dans ces préfectures et directions par ailleurs à nouveau en plein chamboulement (pour cause de "revue des missions") peinent à les recouper, à leur donner de la cohérence et donc à transmettre une impulsion aux élus locaux, par ailleurs parfois bien désemparés pour cause de changements intercommunaux permanents, de modification annoncée de leur fiscalité, etc.

Dans tous les cas, l’idée qu’il y ait un sens à toutes les réformes n’est pas passée. Le hiatus entre le dire et le faire concerne tous les politiques. Là, le Président doit s’efforcer de s’adresser aux français qui l’écoutent encore pour rappeler les axes (lignes de force liées aux valeurs) de son quinquennat, et cela sera particulièrement difficile en matière de territoires ruraux et rurbains ! Il est bien tard, mais s’il veut être candidat, F. Hollande peut espérer que les citoyens comprendront sa logique peu avant le nouveau vote et que cela les influencera.

On a beaucoup dit qu’au début de son quinquennat François Hollande ne faisait pas assez de com, n’est-il pas tombé dans l’excès inverse ? Comment en est-il arrivé là ?

Non, je ne crois pas. F. Hollande n’a toujours pas créé un lien direct, "présidentiel" avec les Français. Il est jugé relativement proche, sympathique. Il traite bien les journalistes, avec lesquels il communique sans arrêt – peut-être un peu moins désormais. Il n’incarne pas la fonction, "les yeux dans les yeux" ou au sens charismatique si vous préférez : il se défie de toute dramatisation, il arrondit en permanence les angles. Il n’a pas parlé une seule fois depuis le Bourget "aux tripes" des Français, à leur cœur encore moins. C’est un président madré (pour reprendre un terme paysan) et "techno", mais qui ne touche pas.

Son sérieux et son application ne sont pas complétés par un engagement qui confinerait à la bravoure, au panache. Il manque de l’émotion sur des choix forts dans cette présidence "normale". C’est d’ailleurs ce que lui reprochent finalement les médias de masse, qui vivent d’un trop plein de palpitations au quotidien. On ne peut tout reprocher et son contraire : de ce point de vue F. Hollande n’en fait pas trop ; il en fait trop peu.

Si ce type de déplacement n’a pas vraiment d’utilité électorale, peut-il au moins permettre au PS, qui semble avoir perdu le contact avec les français, de reprendre le pouls du pays ?

F. Hollande entretient en faisant le dos rond, son capital symbolique, dont une partie est fondée sur le  profil du notable de province, ancré dans les terroirs. Cela est conforme à la représentation traditionnelle de la fonction présidentielle. Mais là où il est en termes de résultats électoraux et d’opinion auprès des populations qui vivent dans ces endroits, il s’agit d’une stratégie qui ne peut être que défensive, donc patiente et progressant faiblement et pas à pas… La figuration prévaut.

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