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Derrière le joli coup médiatique, la stratégie à haut risque d'Alain Juppé
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Un petit tour et puis s'en va

En s'invitant hier au Campus des jeunes Républicains, le maire de Bordeaux s'est imposé comme la vedette du jour, faisant de l'ombre à Nicolas Sarkozy. Un beau succès qui, à long terme, pourrait cependant lui porter tort.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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La voiture roule à vive allure en direction du Touquet où sont réunis, pour deux jours, les jeunes Républicains. Alain Juppé, sur la banquette arrière, réfléchit au joli coup qu'il s’apprête à jouer à son rival Nicolas Sarkozy. Un vrai coup à la Sarko. Sans scrupule ni complexe, que Juppé lui-même n'aurait pas imaginé il y a encore quelques mois, avant les sondages, avant ce regain de popularité inespérée. Mais depuis que les Français l'aiment à nouveau, le maire de Bordeaux se sent pousser des ailes, des ailes qui ce matin-là, le portent vers le Touquet. Alors qu'il réfléchit, le téléphone sonne. Nicolas Sarkozy est au bout du fil, furieux. En effet, ni Alain Juppé ni son équipe n'ont prévenu l'ancien Président d'un léger changement de programme...

Ce jour là, Nicolas Sarkozy devait être seul, ou presque, à honorer de sa présence le campus des jeunes Républicains au Touquet. Bruno Le Maire était pris par une réunion de ses propres cadres et militants, et François Fillon comme Alain Juppé s'étaient fait excuser. Seule Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand, en campagne dans la région, devaient accompagner l'ancien chef de l’État qui espérait faire de cette journée sa rentrée politique. Mais afin de ne pas laisser le champ libre à son rival, au dernier moment, le maire de Bordeaux a finalement décidé de s'inviter. Histoire de jouer les trouble-fête.

Un brin osée, l'opération en vaut la chandelle, pense l'équipe du candidat aux primaires. Il s'agit avant tout de démontrer que tous les jeunes Républicains ne sont pas acquis à la cause de Nicolas Sarkozy. C'est donc au cri de "Alain Juppé à l'UNI" (l'une des organisations de jeunes proche des Républicains) que l'arrivée du maire de Bordeaux a été acclamée.

Autre but de l'opération, atteint au-delà de toute les espérances : gâcher la rentrée de Nicolas Sarkozy. En s'invitant ainsi sans prévenir, le Maire de Bordeaux a occupé les chaînes d'info toute une partie de la journée. Le discours de l'ancien Président et ses propositions sur le droit d'asile ou l'attitude à tenir en Syrie, sont passés au second plan, occultés par l'image d'un ancien Premier ministre tout sourire, partageant, fourchette en plastique à la main, une salade piémontaise et un morceau de jambon avec quelques militants. L'absence de Nicolas Sarkozy qui n'a, pour sa part, pas souhaité passer cette journée avec les militants n'en est que plus criante. C'est le but non avoué.

Par cet acte de guerre, l'équipe de l’ancien Premier ministre entend aussi prouver, à tous ceux qui en doutaient encore, que leur mentor est bien décidé à s'engager dans la bataille afin d'être le candidat de la droite et du centre à la présidentielle. Sur le papier donc, le maire de Bordeaux a fait un carton plein.

D'autant qu'il s'adressait aux sympathisants, donc non encartés, qui ont observé la scène devant leur téléviseur. En revanche, sur place, la petite virée de l'édile bordelais a été moyennement appréciée. "Ça donne une image de division de notre famille politique, c'est déplorable en pleine campagne", râlaient certains soutiens de Xavier Bertrand. En effet, si Nicolas Sarkozy s'est attribué le rôle de grand rassembleur, de sage pacificateur, c'est évidemment pour compliquer la tâche des futurs candidats aux primaires qui vont devoir faire profil bas au nom de l'unité jusqu'au mois de décembre.

Et de ce point de vue là, l'opération Juppé n’est pas sans risque sur sa popularité. Mais aussi sur son image. Qu'est devenu l'homme d’État qui fait passer l’intérêt de sa famille politique avant le sien et qui rechigne toujours à quitter le terrain des idées ? D'ailleurs, nombre de militants n'ont pas compris que l'ancien Premier ministre, qui se dit attaché au fond plus qu'à la forme, n'ai pas assisté débats prévus. Coup de com' entendait-on, un peu déçus, dans les allées. Les mêmes regrettant aussi, dans la foulée, l'absence de Nicolas Sarkozy qui n'est arrivé qu'à 17 heures. "La vérité, c'est qu'il aurait dû passer la journée avec nous, c’est ça un leader", expliquait un jeune Républicain.

Mais ils sont rares à lui en tenir rigueur. Bilan de la journée, à l'applaudimètre Nicolas Sarkozy, qui était entouré de ses fidèles, l'a emporté haut la main. Mais sur les écrans télé, le grand vainqueur était Alain Juppé, au risque de brouiller son image.

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