Sortie du nouvel iPhone : pourquoi Apple n’a pas fini de dominer le marché <!-- --> | Atlantico.fr
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La force de la marque permet à l'entreprise Apple de vendre à un prix plus élevé des produits équivalents à la concurrence.
La force de la marque permet à l'entreprise Apple de vendre à un prix plus élevé des produits équivalents à la concurrence.
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Règne de la pomme

Si la société est leader dans certains secteurs, sa domination est en perte de vitesse. La sortie du nouvel iPhone 6s, présenté mercredi 9 septembre, devrait pour autant lui permettre de gagner quelques parts de marché.

Christophe Benavent

Christophe Benavent

Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.

Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.

Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.

 

Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai  2016 (FYP editions). 

 
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Atlantico: Quels sont les marchés où Apple se démarque de ses concurrents ? Quelle analyse pouvons-nous faire sur la position d'Apple sur l'ensemble des marchés ? 

Christophe Benavent : Le fait principal pour Apple se révèle dans le mobile. Alors qu'il ne représente que 17% des parts de marché en volume ( le nombre d'appareil vendus) derrière Samsung, la marque concentre un ordre de grandeur de 80% des profits. Dans les marchés les plus nouveaux, la montre en est un exemple, elle domine. C'est encore le cas des tablettes mais ça ne va pas durer. Ce qu'il faut comprendre c'est que la force de la marque permet à l'entreprise Apple de vendre à un prix plus élevé des produits équivalents à la concurrence. C'est un grand classique de la stratégie : l'avantage concurrentiel, c'est à dire la capacité à vendre à un prix plus élevé des produits dont le coût de production est équivalent au concurrent. Rappelons que cet avantage concurrentiel est la capacité à faire plus de profit que les concurrents sur des biens analogues. La source de cet avantage pour Apple vient à la fois de la marque et d'une qualité de finition ( j'ai beaucoup de mal à parler de supériorité technologique) remarquable.
Cette politique permet une stratégie, très classique, d'écrémage : chaque nouveaux produit lancé l'est à un prix élevé pour la population réduite des snobs et de ce qui sont prêt à payer un prix élevé pour disposer du produit immédiatement. A mesure que l'on penêtré le marché les prix baissent pour s'adapter à d'autre segment plus sensibles au prix, mais toujours de manière profitable puisque les frais de R&D et de lancement ont été amortis. L'astuce est qu'en lançant de nouvelle version de manière régulièrement on entretient le mouvement.
De ce point de vue la stratégie d'Apple correspond parfaitement aux enseignements de Porter, cette pensée stratégique qui s'est imposée dans les années 80. On pourrait en conclure que les meilleures sont se font dans les vieux pots. 

Comment expliquer qu'Apple réussit dans tous les domaines où les marchés sont porteurs ?

C'est le B.A.ba du management stratégique : on réussit rarement dans les marchés qui ne sont pas porteurs! Sans jeu de mot! Revenons à Michael Porter et à ce qu'on appele en stratégie l'école du positionnement stratégique. La règle est simple : on gagne de l'argent quand on développe ses activités dans les segments de marché en croissance et dans lesquels on peut obtenir une part de marché dominante qui assure par des économies d'échelles et d'expérience des coûts moindre que ses concurrents. Apple est une entreprise old-school du point de vue stratégique, autrement dit l'école old-school de la stratégie a encore beaucoup de ressource, et on peut être rassuré que les manuels de stratégie ne disent pas des choses idiotes. 
L'histoire d'Apple est semée d'échec, souvenez vous du Newtown, l'ancêtre du smartphone, souvenez vous du Next. Chaque fois que Apple a voulu innover radicalement ce fût un échec . Ce qu'Apple a appris est qu'il ne sert à rien d'innover radicalement, il faut être juste dans le timing du marché, être le premier à se lancer mais le plus tard possible. Et l'on doit reconnaitre à cette firme un savoir faire considérable dans le domaine. 
Mais la base de cette stratégie, c'est la valeur de la marque. Une valeur sociale, celle du snobisme : la capacité à faire des propriétaires de ses produit des gens différents, uniques, supérieur, une aristocratie, et plus encore à renouveler ce sentiment. Bref à faire ce que la plupart d'entre nous ne savent pas bien faire : renouveler le désir. 

Après la sortie de l'Iphone 6, Apple avait repris une part de marché importante sur le marché des smartphones. Depuis, elle a reperdu sa place. Peut-on s'attendre à un même schéma après la sortie du nouvel Iphone 6s ? 

Bien sur, c'est la logique du marché. Et ce n'est pas très important. Ce qui est essentiel c'est la capacité à renouveller le désir, à faire croire que la nouvelle génération de produit présente des qualité telle qu'il faille abandonner le modèle que l'on possède, pour avoir mieux, plus fort, plus beau et plus désirable. Ce qui importe pour Apple c'est de maintenir le prix de ses nouveaux modèles : de 500 à 800 euros pour les smartphones. Et c'est de plus en plus difficile quand pour les mêmes services, les mêmes fonctionnalités, on trouve des marques à moins de 200 euros. Voilà qui risque de pousser Apple vers des stratégies marketing qui s'apparente au marché du luxe.

Si Apple adopte la même stratégie qu'aujourd'hui, avec des prix au dessus du marché, comment peut-on imaginer leurs évolutions à court, moyen et long terme ?

Il n'y aura pas d'évolution. Juste une succession de modèles qui offriront toujours une tout petit peu plus que ce que les concurrents offrent, tant que les consommateurs verront dans la marque le moyen de se distinguer socialement des autres. Un économiste fameux, Veblen, en a établi les lois à la fin du XIXème siècle. Tant qu'il y aura suffisamment de consommateurs qui ne se soucie pas de payer plus pour les autres pour les mêmes fonctionnalités, pourvu que dans la possession du bien il trouve matière à se distinguer, cette stratégie peut se renouveler continuellement. Le risque c'est la banalisation, ou simplement que le sens de la distinction se place ailleurs, dans la montre par exemple, mais là Apple a posé des jalons.

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