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Plus qu'une crise politique et économique, nous vivons aujourd'hui une crise du temps
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Tic Tac

C'est l'un des dommages collatéraux de la crise actuelle : quand une simple déclaration peut faire s'écrouler dans la journée les marchés financiers, notre rapport au temps s'en trouve bouleversé....

Panagiotis Christias

Panagiotis Christias

Panagiotis Christias est philosophe et sociologue, professeur à l’Université de Chypre.

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La crise frappe de plein fouet l’Europe, les Etats-Unis, le monde entier, jusqu’à la Chine, qui a vu son marché immobilier s’écrouler il y a quelques jours. L’euro n’est plus sûr de survivre à cette course contre la montre entre les instances politiques de l’Union Européenne et les instances de la finance mondialisée. Le blâme aux politiques, aux peuples indisciplinés, à la bureaucratie européenne, à l’euro. La faute aussi au « socialisme » de l’état social français et au libéralisme allemand. Crise économique, politique, européenne, crise des mœurs et des valeurs, crise du capitalisme et crise de la démocratie. Et s’il n’y a avait qu’une seule crise, celle du temps ?

C’est la question de la prise de décisions politico-financières, du temps de réponse aux exigences de plus en plus urgentes des marchés ; mais c’est aussi et surtout la question de la vie quotidienne, la question du désir de condensation de l’éternité dans l’instant présent – tout vivre en une seule vie, en un seul instant ! Tout au long des deux siècles derniers, les facultés intellectuelles et matérielles furent développées dans un seul but, gagner du temps, faire plus vite, économiser quelques instants de plus. Et encore aujourd’hui, nous sommes loin d’imaginer ce dont notre technologie est capable en matière de communication, de transport, de protocoles d’organisation, de centralisation, de traitement et de diffusion de l’information. Notre puissance technologique, de plus en plus terrible, est en réalité une machine à faire du temps : à chaque instant, un instant de plus ! La vie ne peut plus attendre et elle met tout à l’œuvre pour tout avoir, le désir exige la jouissance promise par la connaissance et l’économie du marché : la libre circulation et la libre jouissance des biens. La soif pour explorer les limites de notre expérience et vivre plusieurs vies ici et maintenant pousse à la prise de risque : pouvoir faire signifie faire pouvoir. Les agents de cette nouvelle poussée accélératrice circulent autour du globe comme les électrons autour du noyau. Impossible de dire où ils sont ou à quelle vitesse ils se déplacent : leurs trajectoires et leurs vitesses sont régies par le principe de l’incertitude.

Nos sociétés fragmentées se rassemblent ainsi de nouveau sous la pression des forces centripètes de l’accélération du temps : le flux événementiel se déplace à une vitesse si grande qu’il n’est plus question d’événements contemporains, mais de la contemporanéité comme d’un seul et unique événement, un tissu spectral fait de micro-événements imperceptibles et imprévisibles. La surface de notre contemporanéité ressemble à une peau hypersensible qui réagit de façon excessive chaque fois qu’on la touche. Quand une seule déclaration, comme celle de l’annonce des inquiétudes sur la perspective d’un accord entre républicains et démocrates sur les finances de l’État américain ou un canular, comme l’infirmation confidentielle de la faillite de la Société Générale, suffit pour sombrer, en un seul instant, les bourses de par le monde, ce contemporain prend l’allure d’une crise permanente. Le vrai problème n’est pas l’argent qui nous manque, c’est le temps qui nous est compté ! 

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